Plus que dix petites minutes avant de pouvoir rentrer. Cette journée est interminable, tout comme les deux derniers jours. Cela, je le dois au comportant insupportable de Roger. Depuis qu'il est revenu, il ne cesse d'être sur mon dos et me met la pression. J'ai l'impression de tout faire de travers, toutes les tâches que j'effectue n'ont pas l'air de lui satisfaire.

C'est à peine s'il me laisse du temps pour manger. J'ai tenté à plusieurs reprises de lui parler du diner, mais à chaque fois il évite le sujet. Je ne supporte pas cette situation, c'est à peine si j'arrive à dormir correctement les nuits. En plus le fait que Kieran ne cesse de m'observer ne m'aide pas à me sentir en sécurité.

Je repense sans cesse à ce qu'il m'a dit et cela me hante. Peut-être qu'il a raison et que je devrais tout simplement déménager. Sauf que cela signifie que je devrais prendre un appartement plus cher et je n'ai pas les moyens à part si je vais voir mes parents. J'aurai voulu pour une fois, une seule fois ne pas avoir besoin de mes parents. C'est surement une fierté mal placée, mais je veux m'en sortir sans avoir besoin d'eux. Je refuse de me faire intimider par un trafiquant.

— As-tu terminé de contrôler les factures et relevés bancaires de la société Myrever Taylor-Rain ?

— Oui les voilà je viens juste de les terminer, lui répondis-je en lui donnant le dossier

— Sauf que j'en avais besoin pour ce matin.

— Mais tu m'as transmis le dossier à quatorze heures.

— Je ne veux pas le savoir, tu n'avais qu'à venir me demander ce matin par toi-même s'il n'y avait pas d'urgence. Tu devrais prendre plus d'initiative, c'est une des clés pour arriver dans ce milieu, me balance-t-il en sortant du bureau.

Je ne préfère pas répondre à sa pique et range mes affaires. Je refuse de lui donner ce plaisir. Il n'a rien à me reprocher pour le travail et il le sait très bien. Il n'est guère mieux que de Kieran, tous les deux se croient capables de me manipulation à leurs guises, mais je ne craquerai pas. Je ne suis pas le genre de fille timide et craintif qu'on peut lire dans ses romans pour adolescents. Je suis beaucoup plus forte et déterminée qu'ils le pensent. Il est hors de question que je me laisse faire.

En sortant du cabinet, je passe devant Roger sans lui offrir le moindre regard. Le pire c'est qu'il se croit meilleur que Kieran alors qu'ils sont exactement pareils. Il faut que j'arrive à me vider l'esprit, je ne dois plus penser à eux. Dès que je rentre, je me faufile sous l'eau chaude et après je passe ma soirée à regarder de vieux films sur mon ordinateur portable. Peut-être même que je me commanderais de l'indien. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas mangé, en plus j'ai entendu dire qu'il y en avait un excellent à trois rues de mon appartement.

En arrivant près de l'immeuble, je suis surprise de ne pas voir Kieran, seul le blond est posé contre le mur de mon immeuble. Étant assez loin de lui j'en profite pour l'observer d'un peu plus près, lors de notre première rencontre enfin si on peut appeler cela comme ça, je n'avais pas fait attention à ses mains recouvertes d'encre noire. Il n'y a pas un seul motif ou dessin, juste du noir, c'est assez spécial comme tatouage. Seule une autre marque sombre se dessine sur son avant-bras, en lettres gothiques forme Death.

Je me rappelle c'est comme ça que Kieran l'avait appelé, quelle personne normalement constituée voudrait qu'on l'appelle ainsi. Il est en train de parler à une jeune femme à la chevelure flamboyante, attaché en deux tresses serrées lui donnant un regard dur malgré ses yeux en amande vert émeraude. Ses taches de rousseur se mêle à l'encre noire sur son visage rond, tandis qu'un anneau doré vient percer sa lèvre inférieure ses mains sont entièrement tatouées de symboles et signe de tout genre. Cela fait comme si elle porte des gants.

Comme si elle sentait mon regard, elle tourne les yeux dans ma direction. Je détourne le regard et avance jusqu'à la porte de l'immeuble en essayant de ne pas faire attention à eux, surtout à lui qui me lance un regard malfaisant à me donner des sueurs froides.

À peine arrivais-je sur le palier que j'aperçois ma porte grande ouverte, pourtant je suis persuadé de l'avoir bien fermé ce matin, un sentiment de panique m'envahit. Le cœur battant je m'approche d'un pas rapide. À la vue de mes affaires jonchant le sol une envie soudaine de m'effondrer en pleurs me prend. J'avance lentement dans ce désordre, le cœur serré en entendant craquer des bouts de verre sous mes tennis.

Tout est saccagé, mes photos sont pour la plupart part terre à moitié déchirée tandis que le pot en terre cuite de mon cactus est brisé en mille morceaux, éparpillant la terre qui se mélange aux pages blanches de mes livres. Le sentiment d'amertume et de tristesse laisse place à la colère en apercevant Kieran à l'autre bout du couloir. Envahie par un sentiment qui m'était jusqu'à là encore inconnu, j'avance vers lui d'un pas déterminé.

— Si tu crois que de me menacer ou saccager mon appartement va réussir à me faire fuir tu te trompes lourdement, fulminé-je les poings serrés.

— Je peux savoir de quoi tu parles, lâche-t-il en haussant les sourcils.

— On dira que quelqu'un t'a rendu visite, note Greg attirant ainsi l'attention de son acolyte sur l'état lamentable dans laquelle se trouve mon appartement.

Je n'avais même pas fait attention qu'il était là, j'étais tellement focalisé sur Kieran que j'ai fait abstraction du reste.

— Je ne savais pas tu avais ce petit côté bordélique.

Il me faut quelque seconde pour réaliser ce qu'il vient de me balancer avec nonchalance. Je me retiens de lui mettre une claque, je prends sur moi me rappelant qu'en faisant ça je risque de le regretter amèrement.

— Continue de faire le malin et je te promets que je t'envoie tout droit en prison, le menacé-je ne quittant pas une seule seconde son regard de ténébreux.

Une esquisse de sourire passe sur les lèvres tandis qu'il s'avance lentement vers moi, refusant de reculer une énième fois devant lui je ne bouge pas. Amusé par ma ténacité il vient presque me frôler, m'obligeant à lever la tête pour lui faire face.

— Alors, écoute-moi bien, j'ai autre chose à foutre que de forcer ta porte, me lance-t-il en prenant soin de détacher ses mots.

— Je peux savoir ce qui se passe les enfants ? Questionne Faith en ouvrant la porte de son appartement.

Remarquant le regard qu'elle nous jette à moi et Kieran, je m'éloigne immédiatement de lui, le faisant sourire.

— Ce n'est rien grand-mère, Camélia nous demandait si on avait vue quelqu'un pénétrer chez elle.

Greg a une telle aisance à mentir ouvertement à Faith que je me demande s'il croit vraiment ce qu'il vient de dire. Les sourcils froncés elle se tourne pour constater des dégâts.

— Oh mon dieu ma pauvre chérie, il faut être un cinglé pour fais ceux-ci.

Je ne peux m'empêcher de lancer un regard noir à Kieran qui fait mine de ne pas voir. La colère qui avait envahi mon corps s'atténue ne laissant que la fatigue et la mélancolie. Le saccage délibéré de mon appartement est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Sentant mes yeux briller je préfère mettre fin à la discutions,

— Il faut que j'aille tout ranger, bafouillé-je ayant envie de me retrouver seule.

— Attend vient manger avec nous, j'ai préparé un chili con carne.

— C'est gentil, mais je n'ai vraiment pas faim, lui répondis-je en sachant que cela ne suffira pas à convainque Faith.

— Ça fera plaisir à Maisy elle n'arrête pas de te réclamer.

Je me tourne brusquement vers Kieran qui venait te prendre la parole. Je ne peux m'empêcher de le dévisager, ne comprenant pas où il veut en venir. La dernière fois il voulait que je parte et maintenant il m'invite à aller diner avec eux. J'ai de plus en plus de mal à le cerner, surtout je n'arrive pas à savoir où il veut en venir avec moi. C'est à ça qu'il arrive avec autant de facilité à me perturber.

— Juste un morceau alors, acceptais-je en allant fermer ma porte à clés même si je ne suis pas certaine que cela change grand-chose.

En entrant dans la salle à manger je remarque aussitôt Maisy en train de dessiner sur la petite table base en bois. Agenouiller devant, elle ne fait même pas attention à nous tellement elle est concentrée sur ce qu'elle fait. Elle me rappelle Fanny ainsi, elle aussi passer son temps à dessiner ne se préoccupant pas du reste du monde. Parfois j'aimerais bien retourner à cet âge si innocent ou tout en futilité.

— Coucou ma coccinelle.

À peine la voix grave de Kieran résonne dans la pièce que sa fille bondit sur ses pieds, les yeux pétillants. Avec une facilité déconcertante qu'il la soulève, on presque l'impression que ce n'est qu'une poupée de chiffon.

— Tu as été sage ?

— Je suis toujours sage, chantonne-t-elle un immense sourire plaqué sur ses petites lèvres rosées.

— C'est vrai ce mensonge ? La taquine Greg en lui fessant un clin d'œil complice alors que Kieran la repose par terre.

— Enfin presque, minaude Maisy en faisant se balançant d'un pied sur l'autre.

La voir faire sa petite moue m'amuse toujours autant, c'est un petit diable déguiser en ange. Au moins voir cette bouille me permet de mettre de côté les galères de ses derniers jours. Je ne penser pas que mener ma propre vie aurais était si difficile. Toutes les nuits j'ai du mal à m'endormir, les reproches de Roger tournent en boucle dans mon esprit sans que je puisse faire quoi que ce soit.

La boule qui compresse mon estomac ne me quitte pas de la journée m'empêchant d'avoir de l'appétit. En plus de cela je dois m'occuper des factures qui ne cessent de s'accumuler, des courses, du linge... Je demande comment ma mère a fait toute ses années pour s'occuper de nous et de la maison tout en ayant un emploi. Je l'ai toujours admiré pour ça et davantage aujourd'hui.

— Cam ! s'écrit Maisy me faisant sortir de mes pensées, Z'ai fini ma girafe vient voir !

Ne me laissant guère le choix elle m'attrape ma main pour m'emmener près de la table basse ou les feuilles colorées s'éparpille dans tous les sens.

— Tu es encore dans un tel état, me moqué-je en voyant ses vêtements une nouvelle fois tachés .

Elle cesse de chercher le dessin pour baisser ses yeux bleus sur sa tenue avant de hausser simplement les épaules et reprendre ses recherches mine de rien.

— Je ne sais pas comment elle fait, il suffit que je détourne le regard cinq minutes pour que les feutres viennent marquer le tissu, je vais finir pour lui mettre un sac par-dessus ses vêtements, se désespère Faith en levant les yeux au ciel amusant Kieran.

— Au moins au sait de qui elle tient, s'éclaffe Greg.

— Tu peux rire autant que tu veux, dois-je te rappeler que lorsque tu étais petit tu dessiner sur les murs. J'ai dû reprendre les murs de ma chambre au moins une dizaine de fois à cause de ce garnement, raconte Faith avec un sourire taquin.

Le principal concerné se redresse brusquement, le regard innocent tourné vers sa grand-mère. Faith est tellement gentil et attentionné que je me demande comment son petit-fils a-t-il pu autant dévier.

— Tonton faisait des bêtises ?

— Des tas, je ne savais plus où donner de la tête.

— Ce n'est pas vrai, j'étais juste un garçon actif qui voulait simplement t'aider à décorer, tente de se défendre Greg en vain.

Sa remarque fit lever les yeux au ciel de Faith alors qu'un sourire moqué se dessine sur les lèvres de Kieran. Je ne peux me retenir de le détailler, surtout lorsqu'il sourit ainsi, le rendant encore plus sexy qu'il ne l'est déjà. Sentant mon regard sur lui, il plonge ses yeux ténébreux dans les miens. Une chaleur enivrante enflamme mon corps tandis que mon cœur se met à battre plus fort. Comme s'il savait parfaitement l'emprise qu'il a sur moi il esquisse un sourire charmeur.

— On passe à table les enfants, prononce Faith en me ramenant à la réalité.

Je romps le contact pour partir m'installer à table devant Maisy pendant le repas je préfère ne pas prendre part à la conversation et reste concentré sur mon assiette. Évitant le regard intense de Kieran qui vient picorer ma peau. Je ne comprends pas comment personne ne le remarque.

— Ils t'ont volé quelque chose ? m'interroge Faith attirant l'attention de tout le monde sur moi.

— Non ils ont juste détruit mes affaires, lui répondis-je écœuré en jetant un regard à Kieran.

— La prochaine fois, tu fermeras ta porte, balance Greg avec nonchalance tout en continuant d'enfourcher la nourriture dans sa bouche.

Je serre la mâchoire pour ne pas lui dire ses quatre vérités et prends sur moi pour lui répondre le plus calmement que je suis capable de faire.

— Elle était fermée, c'est quelqu'un qui la forcé.

— Et même ce n'est pas une raison, on ne vient pas chez quelqu'un pour tout détruire, mais où va le monde, s'emporte Faith faisant enfin réagir Greg.

Celui-ci lève les yeux de son assiette pour la première fois depuis le début du repas et affronte le regard noir que lui lance Kieran. Il ne semble cependant pas comprendre et je contente de hausser les épaules avec dédain.

— Je vous remercie pour le repas c'était délicieux, mais il faut que je doit aller ranger, conclues-je en me levant de table.

Ce n'est surement pas très poli, mais il faut vraiment que je sorte d'ici. J'ai l'impression que je vais suffoquer si je reste ici une minute de plus.

— Tu pars maintenant ? Marmonne la petite voix cristalline de Maisy.

— Reste encore un peu, tu n'as quasiment rien avalé, ajoute Faith.

— Je ne peux vraiment pas je dois aller passer un appel très importé, mais merci encore pour l'invitation, mentis-je en prenant mes affaires.

Je ne laisse pas vraiment le temps d'ajouter quoi que ce soit que je me faufile hors de l'appartement pour retrouver le mien. Ce que je viens de faire ne me ressemble pas et dès demain j'irais m'excuser auprès de Faith, mais là tout de suite j'ai vraiment besoin de me retrouver seule avec mes pensées.

Je commence à ramasser les lambeaux de photos qui jonchent le sol quand j'entends quelqu'un frapper à la porte. Je jette un coup d'œil au Juda et aperçois Kieran de l'autre côté. J'hésite un court instant à ne pas lui ouvrir, mais me résigne sachant qu'il ne bougera pas.

— Qu'est-ce que tu me veux ?

— Greg est parfois maladroit, mais il n'a pas voulu être méchant, me lance-t-il en venant s'accouder contre l'encadrement de ma porte.

— Tu es venu t'excuser à sa place ?

Rien que l'idée qu'il puisse me présenter des excuses me redonne le sourire. Amusé il s'approche de moi caressant sa barbe naissante. Il jette un regard à mes affaires étaler sur le sol en fessant attention où il met les pieds puis se concentrer de nouveau sur moi.

— Non certainement pas, sourit-il avant de poursuive plus sérieusement, je n'ai rien à me reprocher et surement pas de mettre introduit chez toi.

— Tu m'as menacé plus d'une fois et la dernière fois tu m'as dit que devais partir, lui rappelais-je sèchement.

— Pas exactement j'ai juste dit que tu devrais peut-être réfléchir à déménager, ce n'est pas pareil.

— Je ne vois pas ce que ça change.

— Ce qui change c'est que ce n'était pas une menace, mais une constatation. Tu n'as pas vraiment l'air de te plaire ici.

Pour la première fois depuis que je le connais Kieran a donne vraiment l'impression d'être sincère. J'ai toujours réussi à analyser les personnes qui m'entourer, mais depuis que je suis venue habiter ici je ne suis plus sûr de moi. Surtout en le concernant, il est tellement dur à déchiffrer, c'est comme s'il avait deux facettes de lui.

— Mais si ce n'est pas toi qui es fait ça alors c'est qui ?

— Je ne peux pas te répondre, mais en tout cas je peux te dire que ce n'est pas quelqu'un qui habite par ici.

— Comment tu peux en être si sur ?

— Car je sais tout sur les habitants aux alentours et je peux t'assurer qu'il t'aurait volé au lieu de simplement tout mettre à terre. Tu devrais peut-être t'acheter de meilleur verrou, ce que tu as là est d'une simplicité enfantine à crocheter.

— Tu t'y connais on dirait, noté-je sarcastiquement en avançant vers lui.

— C'est juste un conseil, fais-en ce que tu veux, réplique-t-il amusé en sortant de mon appartement.

— Merci, soufflé-je en fermant ma porte à double tour.

S'il dit la vérité et que ce n'est ni lui ni quelqu'un qui habite par ici alors c'est qui. L'esprit encore plus embrouillé je termine de ramasser mes livres quand je remarque qu'une carte argentée tombe par terre. En la ramasser je remarque que c'est une carte de visiter appartenant à Roger. Je ne me rappelle pas qu'il m'en avait donné une, mais si je n'ai pas le cas alors qu'est-ce que ça fait chez moi ?

Ça m'étonnerait que Roger soit passé à mon appartement pour tout mettre à sac, surtout qu'il n'a pas bougé de son bureau de la journée. En le connaissant il a surement dû la glisser dans mon sac lorsque je ne regarder pas, juste pour que je pense à lui ; pathétique. Alors que je commence à la déchirer pour la mettre à la poubelle je change d'avis et la range dans mon portefeuille. Demain je vais aller porter plainte et leur montrerai la carte pour voir ce qu'il en pense.