Chapitre 15

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 Assise sur une chaise inconfortable, j’observe les personnes du service hospitalier faire des allers-retours sans se préoccuper de moi. J’ai l’impression que ça fait des heures que je suis là. À chaque fois que je vois un médecin s’approcher de moi, j’espère qu’il va me donner des nouvelles de Faith, mais il ne fait que passer son chemin.

Je regarde une énième fois l’écran de mon portable pour m’assurer que je n’ai pas raté un appel de Greg. Heureusement, Faith a noté son numéro. J’ai tenté de lui téléphoner à plusieurs reprises, mais il ne répond pas. Je lui ai laissé un message, pourvu qu’il l’écoute rapidement. Attendre seule, au milieu de toute ses chaises vides ne m’aident pas apaiser l’angoisse qui me prend aux tripes.

— Bonsoir ! je suis le doctor Deburry, c’est vous qui avez accompagné madame Linchtentein ?

Je me lève avec hâte pour faire face au médecin aux cheveux grisonnant,

— Comment va-t-elle ?

— Vous êtes de sa famille ?

— Je suis sa voisine.

— Malheureusement, je ne peux parler qu’à un membre…

— Camélia ?! s’écrit Greg paniqué en s’approchant de moi. Où est-elle ?

— Vous êtes ? s'interpose le médecin en le regardant de haut.

— Grégoire Linchtentein, le petit fils de Faith Linchtentein. Comment va-t-elle ?

— Elle a eu énormément de chance d’être admise rapidement, elle a eu un infarctus du myocarde ou ce qu’on appelle plus communément une crise cardiaque.

— Mais c’est bon, elle ne risque plus rien, n’est-ce pas ?

— Ce n’est pas si simple monsieur Linchtentein venait avec moi, je vais tout vous expliquez.

Comme si mon corps lâcher prise, mes muscles se mettent a tremblé tendis qu’une vague de froid envahie chaque parcelle de ma peau. Je dois prendre sur moi pour ne pas m’effondrer dans le couloir, toute l’anxiété des dernières heures s’envole pour ne laisser que la fatigue. Perdue dans mes pensées, je sursaute et un cri de surprise s'écharper de mes lèvres en sentant quelque chose se poser sur mes épaules.

— Je ne voulais pas te faire peur.

Mes yeux se tournent vers Kieran qui me supplante. J’étais tellement inquiète pour Faith que je n’ai pas fait attention qu’il a accompagné Greg. Mon regard fixe la veste en cuir qui me couvrent, bien qu’elle soit plus lourde que la mienne, elle parvient a me réchauffer rapidement.

— Merci, ma voix chevrotante trahit mon épuisement moral.

— Elle te va mieux à toi qu’à moi, ironise-t-il sans doute dans l’espoir de détente l’atmosphère.

Malgré sa tentative de me faire sourire, je n’en ai pas vraiment la force. Comment le pourrais-je alors que Faith est entre la vie et la mort. Peut-être que si je n’avais pas flirté avec Lyd, je serais arrivée plus tôt et elle aurait pu être prise en charge plus rapidement. Je me laisse tomber sur l’une des chaises, la culpabilité me tord l’estomac. Kieran s’accroupit pour me faire face, ses yeux pleins de compréhension ne font qu’accroitre ce sentiment amer.

— Ne t’en fais pas pour Faith, elle est plus forte de ce qu’elle pourrait. Elle va s’en sortir.

— J’aurai du être là plus tôt, peut-être que..

— Il ne faut pas que tu penses ainsi, me coupe-t-il en, tu lui as sans doute sauvé la vie c’est tout ce que tu as retenir.

En dépit de ma volonté, quelques larmes se mettent à rouler sur mes joues. Je les essuie rapidement tous en reniflement. Je ne dois pas être des plus séduisante.

— Je te ramène chez toi, cela ne sert à rien que tu restes là toute la nuit.

— Je préfère attendre les nouvelles de Faith.

— Il est déjà quatre heures passées, laisse-moi pour te reconduire. Tu as besoin de te reposer Camélia.

C’est à contrecœur que je cède et lève. Il a raison je dois aller me coucher, surtout que je suis supposée me réveiller dans deux heures. Je lui emboite le pas jusqu’à sa voiture qui est garée sur le parking devant l’accueil. Mon corps s’enfonce dans les sièges confortables en cuir noir, seules quelques notes de musique transpercent le silence de l’habitacle. Je pourrai presque m’assoupir tant la conduite de Kieran est douce et que l’odeur agréable émanant de sa veste m’effleure les narines, je lutte avec moi-même pour ne pas que mes paupières se ferment.

— Endort toi si tu veux, je te réveillerai dès qu’on est arrivé.

— Je ne suis pas fatigué, mentis-je en me relevant sur le siège.

— Mais bien sûr, se moque-t-il en me lançant un regard au coin.

Je tente de bâiller le plus silencieusement possible, sauf que mon stratagème rate apparemment vue le rire que je peux entendre. Je me tourne vers lui pour observer ses moindres traits, je ne sais pas si c’est la fatigue, mais je m’en fiche complètement s’il le remarque. Bien que la pénombre dissimule une partie de son visage, les lumières extérieures l’éclairent par saccade.

Ses cheveux foncés sont plaqués vers l’arrière de son crâne, malgré que quelques mèches tombent devant ses yeux. Ses mêmes yeux qui me font fondre chaque fois qu’ils se posent sur moi. Sa barbe rasée de prêt souligne sa mâchoire carrée. Un crâne brisé entouré d’arabesques orne le côté droit de son cou. Je le trouve si beau que je dois résister à l’envie irrépressible de le frôler du bout de mes doigts.

Je me fais violence et détourne le regard. Avec sa veste sur mes épaules, il se retrouve en tee-shirt, un simple haut basique laissant apercevoir son torse musclé. Heureusement, il fait assez sombre pour ne pas voir que mes joues s’empourprent.

En baissant mes yeux sur sa main poser sur l’accoudoir, je remarque que le prénom Maisy est gravé entre son pouce et l’index, il écrit en lettre gothique en vertical descend jusqu’à son poignet.

— Pourquoi Maisy ? demandé-je subitement.

— Pardon ?

Il se tourne vers moi, un sourcil arqué avant de se concentrer de nouveau sur la route.

— D’où vient son prénom ?

— À la base, je voulais l’appeler Agathe, mais Megan était fan de l’actrice Maisie Williams.

Un sourire franc nait sur ses lèvres, sans doute dues au souvenir de ses moments passer avec elle. Bien qu’elle soit dans une maison de repos, je me demande s’il a encore des sentiments pour elle. Qu’est-ce qui a pu lui arriver pour qu’elle veille mettre fin à ses jours.

— J’ai tout simplement cédé à la condition que je puisse choisir son orthographe et de faire en sorte que son deuxième prénom soit Agathe, reprit-il en perdant son rictus.

— Maisy Agathe, c’est joli, j’aime bien.

— Ravie que cela te plaise, ironise-t-il en me jetant un de ses regards taquins, et toi c’est quoi ?

— Nancy-Elizabeth.

— Sérieusement ? Camélia Nancy-Elizabeth Rojas, original.

Face à son rire communicatif, les muscles de ma bouche contre ma volonté m’obligent à sourire.

— Ne te moque pas, c’est le prénom de mon arrière-grand-mère, tenté-je de lui expliquer amusée.

Néanmoins, je perds vite ma bonne humeur. Comment peut-il savoir que je m’appelle Rojas, je ne lui ai jamais dit.

— Comment peux-tu connaitre mon nom de famille, tu as fait des recherches sur moi ?

— C’est inscrit sur ta boite aux lettres, répond-il tout simplement.

Maintenant, je me sens complètement stupide. Je vois bien qu’il résiste à l’envie de se moquer davantage de moi, et il aurait de quoi. Comme s'il allait fouiller dans ma vie. Remarquant qu’il sort de la route principale, je hausse les sourcils, mais préfère ne rien dire au risque de me ridiculiser encore plus. J’ai raison de me taire lorsque je comprends qu’il s’arrête à une station-service.

En ouvrant sa portière, un vent frais désagréable s’engouffre dans la voiture. Je me blottis un peu plus dans sa veste face au frisson qui assaille ma peau. Elle est si confortable que je pourrai presque m’endormir dedans. Seulement, je m’en rends compte je suis égoïste, moi je suis enroulée dans son cuir alors qu’il est dehors, vêtue un tee-shirt. À contrecœur, j’abaisse ma vitre pour le lui redonner quand je distingue au loin, un homme presque squelettique avancer fébrilement vers Kieran. Celui-ci concentré a mettre l’essence qu’il ne remarque pas la présence de l’intrus a quelque pas de lui.

Je me racle la gorge pour attirer son attention, aussitôt qu’il lève ses iris vers moi, je lui fais un signe de tête vers le caucasien. J’aperçois ses muscles se crisper.

— Camélia remonte la vite et ne sort sous aucun prétexte, m’ordonne-t-il d’un ton calme presque terrifiant.

Je ne me fais pas prier et lui obéis. Je ne sais pas ce qui se passe, mais voir Kieran réagir ainsi n’augure rien de bon. J’abaisse tout de même le paravent pour les regarde par le miroir. Il s’avance vers l’homme qui chancelle, les néons bleutés de la station d’essence accentuent son visage creuser et balafré. Un énorme hématome lui défigure en grande partie sa pommette et de son œil droit. Même s’il est aussi grand que Kieran, j’ai l’impression qu’une simple bourrasque pourrait le faire tomber. Je serai curieuse d’entendre leurs conversations, je peux sentir d’ici la tension qui règne entre eux.

Je blêmi en apercevant qu’une arme est braquée sur Kieran, contrairement à moi, lui n’a pas l’air de paniquer et reste calme. Comment peut-il faire pour être si détendu, un révolver le vise. Je devrais peut-être appeler la police avant que tout cela dégénère. J’attrape mon sac pour fouiller à l’intérieur à la recherche de mon portable, mais alors que je compose le numéro d’urgence, l’homme se fait violemment plaquer contre l’arrière de la voiture par Kieran. À peine l’a-t-il lâché que l’individu recule fébrilement en levant les mains en l’air tout penaud.

Comme ci rien n’était arrivé, Kieran récupère l’arme par terre pour la ranger dans son coffre. Encore choquée de ce qu’il vient de se passer sous mes yeux, je m’enfonce dans le siège lorsqu’il s’assoit devant le volant. Il démarre et s’engouffre sur la route. Mes doigts agrippent tellement fort mon sac que les muscles de ma main me font mal.

— Je suis désolé que tu aies dû assister à cela.

Incapable de prononcer le moindre mot, je lui réponds d’un signe de tête. Devant mon silence, il me jette des regards du coin de l’œil, mais n’ajoute rien. À force de passer du temps avec lui, j’en ai presque oublié ses activités plus que répréhensibles. La scène qui à eu lieu doit lui être familière, vue la façon décontracter qu’il a réglé les choses. Comment peut-on vouloir mener une vie pareil surtout lorsqu’on a un enfant. Décidément, je ne le comprendrais jamais.

À peine ses roues arrêter que je me détache. J’ai grandement besoin d’aller dormir, la journée a était éprouvant.

— Merci de m’avoir ramené.

Je laisse sa veste sur le siège passager et ferme la portière sans attendre sa réponse. Sans me retourner, je rentre dans l’immeuble. Dans le couloir qui mène à mon appartement, je revois Faith gisant sur le sol. Pourvu qu’elle s’en sorte. Ma porte ouverte, je laisse tomber mes affaires par terre, épuiser. Je retire mes vêtements, ne gardant que mon haut. J’approche de ma fenêtre dans l’espoir de le voir. Je me cache derrière mes rideaux et observe Kieran qui est adossé contre son Hummer, une cigarette à la main. Malgré ses activités qui me répugnent, je ne peux détacher mon regard de lui. Il m’attire autant qu’il m’effraie, en fait je suis comme un de ses papillons de nuit aveuglée par la lumière. Il faut que j’arrête de le voir sinon je risque de défaillir et c’est tout sauf le bon moment.

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