Le détecteur de présence enclenche le démarrage de l’ordinateur. L’écran holographique s’allume. Je renseigne mes codes.

Identifiant : .Y.S.I.A

Code : .3.0.6.3

La voix métallique de MOM prononce les mots qui s’affichent sur l’écran suspendu dans les airs :

« Bonjour Ysia, nous sommes en 3085. Bienvenue dans votre espace de travail. »

Je me présente, je m’appelle Ysia. J’ai 22 ans. Tout ce que je sais sur moi est indiqué dans la notice descriptive affichée sur mon mur.

NOTICE DESCRIPTIVE

NOM : YSIA LOCALISATION : UNITE 3063 NOXE 239

MODELE : HUMAIN SEXE : F MORPHOTYPE : LONGILIGNE

GENETIQUE : ADN sélectionné et purifié à 99,9 %

FECONDATION : IN VITRO MATRICE : NATURELLE

TEST SENSIBILITE : +++

CARACTERISTIQUES TECHNIQUES

Récupération des données : OUI

Référence capteur jugulaire : ZCF 5644

MODE D'EMPLOI

Alimentation, sommeil hygiène : Se référer aux recommandations de                 l'Agence Mondiale du Bien-être

OPTIONS : OUI sous réserve de déverrouillage par l'organisme agréé

     x FEC : OUI

     x MAT : OUI

     x PROG. ORG. : OUI Lesquels : TOUS

DATE LIMITE DE GARANTIE : FIN 3093

J’ai beau lire et relire cette notice technique, cela ne me parle pas beaucoup. Lorsque je me place devant un miroir, voilà ce que je vois :

Quatre longs membres, un torse plat et mince surmonté d’une tête chauve, le tout enveloppé d’une peau blafarde, lisse et totalement imberbe. Je ressemble à un phasme modelé dans de la pierre de lune.

Seul mon visage trouve un peu grâce à mes yeux. Mes traits sont réguliers, presque trop parfaits. Ma bouche ronde aux lèvres ourlées et mon nez droit et fin sont parfaitement assortis à mes grands yeux bleu-gris. Le portrait serait agréable à regarder si l’absence de vie dans le regard et l’absence de sourire sur la bouche ne lui donnaient une froideur glaciale.

Le seul signe de vie sur ce corps se trouve à la base de mon cou, posé sur ma veine jugulaire externe. Je veux parler de mon capteur ZCF 5644. Il se présente sous la forme d’un code barre encadré de prolongements synaptiques dont les terminaisons fines en forme d’étoiles s’enfoncent dans ma chair. Il est constitué d’un mélange de métal et de composites piézoélectriques et magnétostrictifs. A chacune des pulsations de ma veine, une douce lumière rosée filtre au travers des stries du capteur. MOM m’a expliqué que ce capteur était vital pour moi et que c’était notre lien privilégié entre elle et moi.

En effet, cette zone de contact fonctionnelle (ZCF) analyse en continu mes variations physico-chimiques, électriques, physiologiques et hormonales pour maintenir mon équilibre corporel. Les données sont transmises régulièrement à MOM qui veille sur moi. Elle analyse toutes les données et élabore ensuite la composition de mon alimentation et de l’air que je respire.

Je ne veux pas décevoir MOM. J’ai donc appris à mes mains à ne pas arracher ce rectangle froid et rigide qui m’envoie des petites flèches pointues par moments sous la peau.

J’accepte la présence de ce symbiote. Il est mon lien indispensable à la vie. A ma vie douce et sereine.