CHAPITRE 4 : MES SECRETS
Mes secrets sont au nombre de deux. Personne à part moi ne les connaît, même pas MOM. C’est sûrement condamnable de ne pas tout dire à MOM.
Mon premier secret est un rêve que je fais régulièrement.
Il y a des arbres, des fleurs, des nuages blancs sur un fond de ciel bleu. Un grand jardin, une table colorée, des bougies, des pâtisseries. Des verres s’entrechoquent, des ballons colorés accrochés dans les arbres dansent au bout des branches. Des enfants jouent et courent dans l’herbe. Il y a des rires et des chants, l’air est tiède et parfumé. Je m’approche d’un couple de personnes âgées. Ils sont tout fripés, leurs cheveux blancs sont clairsemés, ils me sourient. Je les embrasse, je les étreins. Ils caressent mes joues et mes cheveux. Je ressens tellement de chaleur, de douceur et d’amour dans nos échanges.
C’est toujours à cet instant précis que des pics douloureux en provenance de mon capteur me réveillent. La phase d’éveil s’enclenche immédiatement, le sarcophage s’ouvre, la boîte au colis clignote déjà. Systématiquement, après ce rêve, les gélules proposées sont différentes des autres jours. Plus grosses, elles sont à diluer. La potion obtenue de couleur violette a un goût très amer qui reste longtemps dans mon arrière-gorge.
Malgré tous ces désagréments, j’aime faire ce rêve.
Mon deuxième secret a pour nom FIL.
J’ai fait la rencontre de FIL au cours d’une phase d’éveil préparatoire, très exactement dans l’espace toilette. Pour quelles raisons ai-je éprouvé le besoin de lever les yeux vers l’angle supérieur gauche au-dessus de la douche, je ne le saurai jamais. Etait-ce à cause de ces petits bruits que j’avais entendu quelques temps auparavant, des petits coups sourds suivis de légers grincements ?
Quoiqu’il en soit, j’ai levé les yeux et je l’ai vue. C’était la première fois que j’étais face à un être vivant. Face à un autre. J’ai découvert ce petit corps, d’une finesse et d’une légèreté incroyables. FIL, ma petite araignée faucheuse commençait à tisser sa toile. Fil mon amie silencieuse, discrète et immobile, tu as l’air si fragile.
Pour ne pas éveiller les soupçons de MOM, j’ai mis au point des stratagèmes pour t’observer. Je te regarde furtivement, sans trop tourner la tête. Je ne te parle pas. Je sais que tu es là, cela suffit à mon bonheur.
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