Je me souviendrai longtemps de cette phase d’éveil préparatoire. En me dégageant de mon sarcophage, j’avais bien ressenti une température ambiante significativement plus faible qu’à l’accoutumée, mais malgré ce changement, j’avais le sentiment que tout se déroulait normalement, jusqu’à ce que la boîte aux colis s’ouvre.

L’étonnement modifia les traits de mon visage. Mes yeux s’arrondirent et mes lèvres dessinèrent un O. Pour la première fois, la boîte aux colis ne contenait pas de gélules ou des comprimés à dissoudre, mais un verre transparent rempli à moitié d’une potion rose foncée.

MOM ne m’avait pas avertie, mais n’ayant pas de contre-ordre de sa part, je pris le verre et commençai à boire le liquide épais.

Quel délice ! Le breuvage sucré et parfumé, avait une saveur délicieusement fruitée. Ne voulant pas en perdre une goutte, j’étirai ma langue au maximum pour lécher les parois intérieures du gobelet et utilisai mon index pour atteindre les dernières gouttes du nectar au fond du verre. Je n’avais jamais rien avalé d’aussi bon. Je terminai de me pourlécher les babines lorsque mon attention fut attirée par un bruit de pneumatique, le même que celui de mon sarcophage, mais la source sonore se situait cette fois-ci sur ma gauche, je pivotai donc, non sans mal, car mon corps montrait une certaine inertie que je ne lui connaissais pas.

Un étonnement encore plus grand caricatura mon visage. Mon menton semblait se décrocher de ma mâchoire, et mes yeux n’avaient jamais été aussi écarquillés.

Totalement stupéfaite, je voyais s’ouvrir le mur devant moi. Une grande porte coulissante dont je n’avais jamais soupçonnée l’existence s’actionnait, laissant apparaitre un espace sombre et fermé semblable à une boîte aux colis géante. Encore plus surprenant, deux individus cagoulés se tenaient à l’intérieur, debout, bien campés sur leurs jambes à demi écartées. Les gaillards encadraient une boîte en carton rectangulaire de même taille qu’eux. Un sigle formé des trois lettres DCD étaient inscrit un peu partout sur le carton. Je retrouvai aussi le logo en forme de sourire ainsi que le mot AMAZING. Ce sont ces deux derniers détails familiers qui ont fait que je n’ai pas hurlé de peur.

Ensuite, tout est allé très vite.

La cagoule aux yeux marron a pris la parole :

- Ysia, n’aie pas peur, nous ne te ferons aucun mal. Nous sommes venus te libérer, nous faisons partie du MOUVEMENT.

Simultanément, le deuxième individu déposait le grand carton à l’horizontale au milieu du Noxe, l’ouvrait et faisait glisser la fermeture de la housse plastifiée qui se trouvait à l’intérieur.

- Vite, entre là-dedans !

Je m’entends encore marmonner d’une voix pâteuse :

- Non, je ne partirai pas sans FIL !

Je réalisais au même moment le comique de la situation. Il était évident que je ne faisais pas le poids face à ces deux individus, au sens littéral du terme. En aucun cas je ne pourrais mettre ma menace à exécution.

Toutefois, à ma grande surprise, mon refus de les suivre, qui aurait pu les faire rire ou ne pas les atteindre du tout, les interpela. Les deux paires d’yeux me regardèrent, se regardèrent. Les yeux marrons se levèrent au ciel d’un air exaspéré.

- Quoi ? Ils sont deux ! Ce n’était pas prévu comme ça !

Les yeux bleus se tournèrent vers moi, interrogateurs :

- C’est qui FIL ?

J’expliquai qui était FIL et où elle se trouvait. En une fraction de seconde, je vis le regard azur devenir compatissant et prendre la décision d’aller récupérer mon araignée dans l’espace toilette. Toute à ma crainte d’imaginer ma FIL broyée dans les mains du colosse, je remarquais à peine que le deuxième homme avait, en deux claquements, prestement fixé un large collier métallique autour de mon cou, masquant totalement mon capteur.

Mon esprit était concentré sur le sauvetage de mon amie. Je pouvais apercevoir le géant les bras tendus vers le plafond de l’espace toilette, décrocher délicatement Fil avec sa main droite pour la déposer avec beaucoup d’attention au creux de sa main gauche.

Il revint vers moi. Ses mains formaient un petit nid. Rassurée, je m’allongeai dans la housse plastifiée, sans aucune résistance, avec impatience même car j’éprouvais une envie irrépressible de dormir. La fermeture à glissière se referma sur moi, plaquant contre mon visage la housse percée de micro-trous. Les hommes me jurèrent qu’ils avaient déposé Fil tout contre moi dans le carton. Je les crus. Je commençai à balbutier un vague remerciement mais le rabattement brutal du couvercle en carton m’en dissuada.

Etrangement, je me sentais tranquille. Je savais que la présence de FIL à mes côtés me permettrait d’affronter tous les périls. Je plongeai alors dans l’abîme d’un profond sommeil.

Je ne savais pas encore que ce cercueil me conduisait vers la vie.