Chapitre 6
— J'ai plutôt l'impression qu'il me déteste ! s'exclama Lili en ricanant, incrédule.
— Ça, ma belle, c'est la tension sexuelle qui l'effraie... T'as pas vu sa tête quand tu lui essuyais les couilles l'autre jour ‽ répond Margotte du tac au tac.
Son langage cru la surprend elle-même : elle ressemble davantage à Lili quand elle s'exprime avec ces mots-là, mais personne ne semble s'en formaliser hormis elle.
— Toi non plus, je te signale, t'es arrivée après !
Margotte rougit fortement, provoquant une immense déferlante de désir en Hervé, dont elle sent le membre se durcir sous elle, amplifiant ainsi son embarras.
Elle tousse, gênée, pour s'éclaircir la voix et faire comme si de rien n'était.
— Eh bien, en fait... j'étais là depuis le début, avoue-t-elle. Ta mère t'étouffe bien assez comme ça, je ne veux pas être comme elle. Et je ne peux pas te sauver de n'importe quelle situation humiliante dans laquelle tu te mets, alors... j'ai observé...
L'espace d'un instant, le silence est de plomb. Hervé sent tout le corps de Margotte se tendre dans l'attente : il lui embrasse la nuque pour faire diversion et l'éloigner de l'angoisse qu'elle ressent. Il la retient toujours sur ses genoux par les hanches. Elle pose ses mains sur les siennes pour lui demander de la libérer de cette étreinte, mais, au contraire, sa poigne se fait plus ferme.
— Pas bouger, beauté... lui souffle-t-il à l'oreille avant de lui mordiller le lobe.
Elle ne l'aurait pas cru possible, mais elle rougit encore davantage alors que son souffle se fait plus rapide et saccadé et qu'elle sent un puissant désir la consumer.
— Tu m'en veux ? demande-t-elle pour revenir au sujet initial et reporter toute l'attention sur Lili.
Elle échoue à moitié : la diversion fonctionne sur Lili, mais pas sur Hervé, car elle n'a pu retenir un gémissement en posant la question, à cause de la façon dont il la touche et l'embrasse.
Elle n'entend pas vraiment la réponse de Lili, car Hervé lui dit des phrases cochonnes à l'oreille. Il la trouve tellement belle et sexy quand elle est mal à l'aise et qu'elle rougit !
Hervé est le seul à voir Paul sortir des toilettes et se diriger vers eux. Il lui fait un clin d'œil tout en continuant à chuchoter à l'oreille de Margotte pour l'embarrasser.
Lili pense que le clin d'œil lui est destiné, alors elle lui en fait un à son tour.
Paul, sans lui adresser le moindre regard, se rassoit à côté d'elle et porte sa tasse à ses lèvres pour boire une longue gorgée de son café noir. Il est froid : il grimace mais termine la boisson d'une traite, détestant le gaspillage.
Lili le prend par surprise. Elle s'approche de lui, et il se tend, se demandant ce qu'elle va bien pouvoir encore inventer pour lui gâcher sa matinée encore plus qu'elle ne l'est déjà.
De son pouce, avec lenteur mais maladresse, elle lui caresse les lèvres et le menton. Il fronce les sourcils : il veut la repousser de tout son être, mais en même temps, elle lui fait penser à elle... Et elle, il ne la rejetait jamais !
Du coin de l'œil, il remarque le sourire taquin d'Hervé et son regard qui semble lui crier « Tu vois, je te l'avais bien dit ! Fonce avec elle ! ». Margotte aussi semble l'encourager, soulagée de l'attention enfin détournée, ou presque, d'elle.
Il est perdu, il ne sait plus où il en est. Le temps qu'il prenne une décision, Lili a déjà retiré son pouce. Il lui lance un regard interrogateur. Elle lui sourit sans rien dire.
« Bon Dieu, que cette femme m'agace ! » se dit-il et resserrant sa cravate.
Puis il consulte sa montre. Il soupire en voyant l'heure : tous ses plans pour la journée sont chamboulés !
— Hervé, on se voit à quatorze heures pour notre réunion. Mademoiselle Chambon, vous êtes avec moi pour la matinée, déclare-t-il, sûr de lui, pleinement dans son rôle de chef d'entreprise. Mademoiselle... ajoute-t-il en inclinant la tête pour saluer Margotte.
Déconcertée, Lili observe tour à tour le dos de Paul, qui vient déjà de faire tinter le carillon de la porte, puis Hervé et Margotte.
— Bah t'attends quoi, suis-le ! / À tout de suite, Lili ! répondent simultanément Margotte et Hervé.
Elle se précipite sur ses affaires, renversant la tasse de Paul sur son passage, dont les gouttes restantes de café tombent sur le clavier de l'ordinateur qu'il a oublié dans sa hâte de partir.
— Merde ! jure-t-elle alors qu'Hervé la fixe, amusé.
Margotte se lève pour venir à son secours, mais Hervé lui donne une fessée pour la rappeler à l'ordre, sans se soucier du jugement des clients du café.
— Laisse-moi faire, beauté.
Margotte décide que c'est la fin de sa pause. Elle bombe le torse et inspire profondément pour se donner du courage, puis elle se dirige la tête haute vers de nouveaux clients, malgré son teint rubicond qui la trahit. Elle sent tous les regards sur elle alors qu'elle fait tout pour les ignorer.
Lorsqu'elle jette un coup d'œil à la table qu'elle vient de quitter, Hervé et Lili sont déjà partis. Quand elle nettoie ladite table, elle trouve, avec la monnaie (et un pourboire généreux), un mot écrit d'une écriture qu'elle trouve virile et séduisante.
« On se voit ce soir, beauté. Sois sexy pour moi. Ton homme. »
Dehors, l'ordinateur de Paul sous le bras, Lili court comme une folle, manquant de tomber à plusieurs reprises. Enfin, le souffle court, elle parvient à réduire la distance entre eux.
Elle l'agrippe par sa veste de costume et le fait se retourner pour lui faire face.
— Paul, ralentis, tu veux ‽ exige-t-elle.
Il arque un sourcil en l'observant, sans prendre la peine de lui répondre. Puis il lui tourne le dos et reprend sa marche, plus lentement.
Elle lève les yeux au ciel puis lui emboîte le pas en silence.
1...
2...
Deux secondes : c'est le temps qu'elle arrive à tenir sans parler. Paul soupire, vaincu, alors qu'elle palabre sans remarquer qu'il ne l'écoute pas du tout et rêve qu'elle se taise.
Quand ils arrivent au pied du bâtiment, Paul se retourne. Lili ne s'y attend pas et bute contre son torse.
« Bon Dieu, qu'elle est exaspérante ! » se dit-il en la dévisageant.
Elle s'éloigne de lui et le regarde, de l'incompréhension dans le regard.
— Paul, p...
Il place son index droit sur son arc de cupidon pour la contraindre au silence.
— À la seconde où on entre, vous devenez Mademoiselle Chambon, Hervé devient Monsieur Blanc et moi Monsieur Lacombe. Vous êtes une employée sous nos ordres : j'attends de l'excellence et surtout une parfaite obéissance de votre part. Me suis-je bien fait comprendre, Mademoiselle Lacombe ?
Ses paroles sont aussi acérées que ses yeux, mais Lili ne se laisse pas décontenancer.
— Oui Paul...
Il lui lance un regard assassin. Elle rit.
— On n'est pas encore rentrés, donc je suis encore Lili et toi Paul.
Il soupire en levant les yeux au ciel.
« Elle est irrécupérable... Et dire qu'Hervé la veut dans l'entreprise ! » se lamente-t-il intérieurement.
Il ouvre la porte et pénètre dans le bâtiment. Il a hâte d'en finir avec Lili. Il doit à tout prix s'éloigner d'elle. Les différentes discussions du matin tournent en boucle dans sa tête, encore et encore, et encore, et encore...
« — J'ai couché avec Martin. »
« Un lit, moi nue, lui nu, et BIM papa dans maman. »
« J'ai toujours été une crieuse pendant l'amour. »
« J'adore le sexe. »
« Tu dois tourner la page. »
« Elle ne reviendra pas. »
« Toi aussi, tu devrais t'oublier dans une chatte humide au moins le temps d'une nuit. »
« Elle est parfaite pour l'oublier : tu devrais coucher avec elle. »
« Ouvre-toi au bonheur.
« crieuse pendant l'amour. »
« BIM papa dans maman. »
« J'adore le sexe. »
« tourner la page. »
« bonheur. »
« sexe. »
« coucher avec elle. »
« Elle ne reviendra pas ».
« bonheur. »
« sexe. »
« papa dans maman. »
« coucher avec elle. »
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