2. De l'Ombre à la Lumière (Version antérieure)

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Voici le premier jet qui avait été écrit - n'étant pas satisfaite de ce dernier, j'ai totalement modifié la mouture finale.

Jamais cette route ne m’avait paru aussi longue. Je gardais les mains enfoncées dans mes poches, j’évitais de croiser le moindre regard. J’avais abandonné Louise sur le lieu de mon crime après m’être assuré qu’elle allait bien et avais fui, comme un vulgaire voleur… non pire, comme un meurtrier. Une fois ma colère passée, j’avais retrouvé une apparence plus ou moins normale. Seuls mes yeux étaient restés rouges encore quelque temps. L’horreur de mes actes m’était alors revenue en pleine face. J’avais tué ces hommes, de sang-froid dans une violence abominable. J’étais un monstre. Le poids de la culpabilité m’assomma quand, levant le regard vers le perron de ma maison, je vis que ma mère m’attendait.

Mon cœur s’accéléra, bondit dans ma poitrine, incapable de ralentir. Ma bouche devint sèche et mes mains se mirent à trembler. J’étais à deux doigts de défaillir quand Lucinda me parla :

  • Va à la salle de bains, m’ordonna-t-elle. Toutes les portes sont déjà ouvertes. Essaie juste de ne pas mettre du sang partout.

Mon cerveau refusa catégoriquement d’émettre un raisonnement logique. Comment ma mère savait-elle ? Certes, on ne pouvait rien lui cacher bien longtemps, mais là, ça tenait plus de la divination que d’autre chose. J’obéis machinalement, sans me poser de question.

Je nettoyais consciencieusement chaque centimètre de peau lorsqu’elle apparut derrière moi. Je l’observais à la dérobée dans le reflet du miroir, mais Lucinda ne paraissait pas fâchée, ni même en colère. Je ne parvins pas à déceler ses émotions sur son visage, ou du moins, le seul qui me vint à l’esprit était aberrant : la fierté.

  • Ils parlent de toi aux infos, Al, déclara-t-elle. Une créature mystérieuse a agressé le gang qui violait des jeunes filles depuis des mois.

Je me retournai vers ma mère, estomaqué. Je n’avais pas rêvé, c’était bien de la fierté. Elle me décrocha un grand sourire et me révéla que oui, j’étais bel et bien un monstre. Le fruit d’une manipulation génétique orchestré par le plus fameux laboratoire du pays. Elle m’avait menti à demi lorsqu’elle m’avait dit que mon père avait été tué à la guerre. Il était en fait mort pour permettre à ma mère de s’évader de cette prison et m’offrir une enfance normale.

J’étais halluciné par ce que j’entendais et certaines bizarreries présentes dans mes souvenirs trouvèrent une explication. La façon dont j’avais fait fuir des chiens errants qui me couraient après ; juste avec un simple regard. Je n’avais pas compris à l’époque, ça devenait limpide aujourd’hui. Mon ventre se révulsa soudain et je fus pris d’une incontrôlable nausée. Encore heureux que j’étais dans la salle de bains, assez proche d’un endroit où vider le contenu de mon estomac. Ma tête tournait comme si j’avais bu plus que de raison et même le sourire réconfortant de ma mère ne pouvait pas calmer le cyclone d’émotions qui ravageait mon cerveau.

  • Je suis un monstre, balbutiai-je.
  • Non, coupa Lucinda. Tu es un héros. Depuis combien de temps ces types échappaient-ils à la police ? Combien de victimes ont-ils agressées ? Alors, il est vrai que ta méthode est un peu expéditive, peu conventionnelle et clairement immorale, mais le résultat est là : ils ne feront jamais plus de mal à personne.

C’est fou ce qu’elle avait raison. Ça ne retirait pas l’horreur du crime que j’avais commis, mais sous cet éclairage, des nuances de gris apparaissaient.

Ce gris. Ça devint un arc-en-ciel lorsqu’on sonna à la porte, quelques heures plus tard. C’était Louise. Elle balbutia une excuse bidon pour expliquer le lapin qu’elle m’avait posé juste après les cours. Je m’efforçais de rester froid, presque insensible alors que mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Elle conclut sa tirade par le merci le plus chaleureux que j’avais entendu de toute ma vie et m’embrassa sur la joue en rougissant. Tandis que dans mon ventre, un serpent m’enserrait les entrailles.

  • Tu crois que le glacier est encore ouvert ? me demanda-t-elle, timide.
  • Je ne pense pas, avouai-je.

Je me mordis la lèvre inférieure. J’avais furieusement envie de l’embrasser. Elle m’offrit un tendre sourire dont elle avait le secret et proposa :

  • Et tu ne connais pas un endroit sympa où on pourrait aller boire un verre ?

Un endroit sympa. Je pense connaître le seul endroit sympa de toute la ville : le Paradis Perdu. Le bar le plus branché du coin… enfin, si on aime le Métal. Les groupes de la région s’y produisent quasiment tous les soirs. La musique est toujours bonne et comme il est le fils du tenancier, Max a l’habitude de m’offrir une tournée sur deux. Pourquoi ai-je entraîné Louise là-bas ? Je n’en sais trop rien. Je naviguais sur mon petit nuage et je n'avais pas trop réfléchi. Les Occults jouaient ce soir-là. Ce n’était pas le meilleur groupe pour l’occasion. Des textes noirs et satanistes et un chanteur qui se vrillait les cordes vocales à chaque représentation. Louise n’était clairement pas à sa place dans ce monde plein de bière, de cheveux longs et de musique tonitruante.

Je m’apprêtais à lui proposer autre chose quand ils sont entrés. Des dizaines d’hommes, armés jusqu’aux dents. Leurs visages étaient cachés derrière des cagoules, mais leurs intentions étaient facilement identifiables. Le meneur abattit une salve de tir dans la foule, blessant le premier rang et provoquant un mouvement de panique. Louise vint se blottir dans mes bras et je lui ordonnai de contacter la police et surtout de rester à couvert. Je n’avais jamais été aussi calme de toute ma vie. Malgré la terreur autour de moi et, faisant fi de ma propre sécurité, je me redressai et marchai avec une lenteur calculée vers le groupe armé. Comme je m’y attendais, ils ne tardèrent pas à me tenir en joue et leur injonction à m’arrêter ne stoppa pas ma course, ni même la rafale de balle qui s’en suivit. Elles ricochèrent sur moi sans même me toucher. J’étais invulnérable. Je sentis mon corps se couvrir de cette peau écailleuse blanche, une puissance sans nom déferla en moi. J’étais un monstre. Non, j’étais le monstre qu’il ne fallait pas croiser.

Je saisis le canon d’une arme et le tordit avec une facilité déconcertante. D’un coup de griffe, je cisaillai le fusil d’un second assaillant. Je n’eus besoin que de quelques minutes pour annihiler la menace. Puis je tournai mon regard vers la foule. Tous ces gens que j’avais sauvés. Ils me regardaient avec autant d’émerveillement que de stupeur. L’un d’entre eux commença à applaudir, bientôt suivi par tout le reste du bar. Une fierté indicible m’envahit. Ils m’admiraient, ils me félicitaient, j’étais…

L’arrivée de la police me tira de mon allégresse. Les malfrats étaient tous à genoux en implorant pour leur vie, j’étais la seule menace présente en ces lieux. Je levais mes griffes derrière ma tête espérant que cet acte soit vu comme une reddition et pas une attaque. L’impensable se produisit alors. L’une des personnes que je venais de sauver s’interposa, se plaçant sciemment entre les forces de l’ordre et moi. Elle fut bientôt rejointe par une seconde, puis une troisième. Il y avait tellement de monde prêt à me secourir que la police ne put procéder à mon arrestation. Je profitais de ce paravent humain pour reprendre mon corps d’adolescent chétif et je quittais le bar sans être inquiété, Louise accrochée à mon bras. Je n’étais pas un monstre. Non, j’étais un héros.

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