Une comtesse bienveillante (défi érotique #9)
Après que l’architecte et les deux gamines se furent retirés, je m’étais attelé à la tâche, sortant les livres de leur boîte pour les classer sur les rayonnages, suivant les étiquettes collées à la fois sur les traverses et sur les couvercles des cartons, sous l’œil vigilant d’Aurore qui aidait et veillait au bon ordonnancement.
N’est-ce pas dans la dernière ligne droite qu’interviennent les catastrophes, m’avait déjà affirmé l’oncle Alexandre ? Je pouvais en témoigner puisque c’est de l’échelle à roulettes solidement arrimée au plafond que j’étais tombé de haut, m’étalant de tout mon long sur le dallage après avoir percuté mes épaules et la colonne vertébrale sur l’une des chaises. Presque assommé, j’étais resté allongé sur le sol, ne pouvant ressentir ni mes membres ni mon dos. Immobilisé, j’avais constaté que mon pantalon avait été déchiré et que je saignais au niveau de la cuisse en raison de la peau qui avait été arrachée. J’avais bien essayé de me relever, vociférant contre ma chaussure qui avait ripé en descendant la marche. Le bruit sourd avait alerté Aurore qui s’était précipitée pour me porter secours.
Tous ces souvenirs sont demeurés vivaces dans ma mémoire : Aurore, ayant pris peur, m’avait soutenu avant de me guider vers sa grande salle de bains qui jouxtait sa chambre. Après m’avoir consigné les instructions pour me soigner, elle était repartie en me laissant me débrouiller seul devant une imposante armoire à pharmacie.
J’avais fini par repérer un baume à l’arnica que j’avais frotté sur le haut de mes bras. Le tube étant presque vide, j’avais dû rechercher d’autres produits pour m’apaiser. Sans succès. Après m’être assuré que la porte était bien verrouillée, j’avais retiré mon tee-shirt et mon pantalon pour vérifier la blessure sur ma cuisse. J’avais dû la nettoyer avec l’eau du robinet, faute de ne pas savoir comment traiter le traumatisme. Toutefois, le mercurochrome et un léger bandage que j’avais trouvés avaient suffi.
Je n’avais pas compris comment Aurore avait réussi à pénétrer dans la salle de bains, le huis étant toujours fermé avec le loquet, mais Aurore était là, bien présente à m’offrir son aide si j’en avais besoin.
— Comment êtes-vous entrée ? lui avais-je demandé.
— Par l’autre issue, celle derrière le paravent ! m’avait-elle répondu, à la fois amusée et surprise par mon étonnement.
Profondément gêné, j’avais requis un peu de pommade pour soulager mon dos et mes épaules, ce qu’elle m’avait tout de suite fourni en fouillant dans un endroit que je n’avais pas repéré.
— Tu ne t’es pas loupé. Permets-moi de te badigeonner là où c’est nécessaire d’agir au plus vite ! avait-elle notifié sur un ton de fermeté.
Aussitôt, ses mains avaient parcouru la surface de ma peau allant de ma nuque jusqu’au bas de ma colonne vertébrale pour s’arrêter à la lisière de mon boxer, ce qui me dérangeait au plus haut point, même si cela me procurait des effets prodigieux. Me retrouver presque nu devant Aurore, cette femme consignée dans mon panthéon érotique et qui incarnait toute la vertu du monde m’apparaissait au-dessus de mes forces. Jamais, je n’aurais imaginé un tel scénario.
— C’est ton anniversaire aujourd’hui ? m’avait-elle cuisiné, alors que ce n’était pas le moment. Ce n’est pas ce que tu m’avais signalé l’autre soir ?
Que lui répondre ?
— Il faut laisser pénétrer la crème ! avait-elle continué. Pour tes hanches, comment fait-on ? Tu baisses un peu le slip ou pas ?
Que lui expliquer, tellement mon trouble s’affirmait ?
Dans le genre capricorne (elle était née le 29 décembre), on ne pouvait faire mieux, car elle avait tiré une chaise pour passer la pommade au niveau de mes reins, n’hésitant pas à glisser ses doigts sous l’élastique.
— J’espère que cela ne te dérange pas ! avait-elle insinué. Si ton oncle Romé pouvait me découvrir dans mes œuvres ! Je crois que je devrais me préparer à me rendre en enfer.
C’est là que la manifestation physiologique s’était nettement accentuée, commençant à poindre dans mes parties intimes et que je n’arrivais même plus à dominer. Honteux et confus par mon état, j’avais surpris, dans le miroir, Aurore affichant un énigmatique sourire me rappelant étrangement celui de la Joconde.
— Oh, écuyer ! Tu es lourdement armé, mon garçon ! Tu veux concurrencer mes chevaliers ? Si je rapportais au père Romé ce que je suis en train de constater, c’est toi qui irais tout droit en enfer, m’avait-elle soufflé, le sourire davantage dessiné ?
Le rouge me montant aux joues, je n’avais pas osé répliquer sur le coup, mais elle s’était mise à rire en raison de mon inconfort ou pour dédramatiser la situation.
— Mon Dieu ! Je ne pensais pas que je te faisais autant d’effets. Il n’y a pas à dire, la bonne fée s’est penchée sur ton berceau. Mon petit doigt me signale que tu es encore puceau.
Tétanisé par son propos, je n’avais pas répondu.
— Je peux arranger ça, car je suis certaine que tu en as envie, m’en étant aperçue depuis longtemps et par la manière que tu as toujours de me regarder. Puisque tu as 18 ans aujourd’hui. Je peux t’accorder ce cadeau. Mais cela devra rester entre nous. Je me tairais auprès de ton oncle. À quelle prière aurais-tu droit si je lui exposais ce que je suis en train de visionner ? Si tu racontes quoi que ce soit, on ne te croira pas, et ça, tu le sais déjà, car tout le monde me connaît comme étant une femme vertueuse.
Entendre ces propos sur le sexe provenant d’une comtesse si pieuse et si respectée dans le milieu catholique m’avait laissé pantois. C’est à cet instant que je me suis surpris à rapprocher mes lèvres des siennes qu’elle m’offrait, oubliant les soins qui n’étaient pas terminés pour me concentrer sur ceux intensifs qui m’allaient être prodigués.
Un flash-back inopiné m’avait remémoré la frimousse de Caroline avec qui j’avais gentiment joué à bouche que veux-tu au parc Monceau. À l’inverse, j’avais escamoté l’image de Vanessa, conjecturant qu’avec le caractère de cette comtesse qui se révélait soudainement lubrique, je devais m’attendre à éprouver une autre partie de plaisir. Toutefois, j’avais redouté que mon corps me trahisse, tout en m’étant préparé à faire le grand saut dans l’inconnu et occultant le discours de l’oncle Alexandre qui n’aurait pas manqué de me reprendre pour me rappeler aux bonnes manières. Qu’aurait-il pu entreprendre contre ma bienfaitrice qui cherchait à me faire découvrir le ciel par de nouvelles voies ?
En tout cas, il m’apparaissait qu’Aurore ne renoncerait pas à la mission qu’elle s’était assignée.
— Approche de l’armure ! m’avait-elle suggéré. Je veux bien comparer ta lance ! m’avait-elle soufflé en riant. Puis-je regarder ? Ce n’est pas tous les jours que j’en ai l’occasion. Je dois t’avouer que je fais peur aux hommes. Est-ce le cas pour toi ? Je te fais peur ?
— Je…
— Non ! Ne me dis rien… Laisse-moi plutôt deviner… Ce n’est même pas la peine, car à travers l’étoffe, on peut voir que tu bandes comme un âne. Allez ! Courage ! Là, je suis trop curieuse !
J’étais resté dans le silence, tandis que ses doigts testaient l’élastique du boxer.
— Allez, à la guerre comme à la guerre ! À la une, à la deux, et à la trois… Mon Dieu ! Belle catapulte… ça doit envoyer les boulets bien loin… Félicitations.
Au garde-à-vous devant Aurore, je ne savais pas ce qui allait advenir de moi. L’instant était donc venu de me sacrifier sur l’autel de la raison, même si j’avais l’impression d’être debout sur un échafaud face à une poupée qui n’était pas Chucky. Le cœur au ventre, je me tenais paré à découvrir ce qu’était l’amour avec un grand A, un a en majuscule, tant je m’étais senti pressé de perdre un pucelage qui commençait à me peser.
À un moment, puis à plusieurs reprises, il m’avait paru qu’une ombre se profilait derrière les rideaux à moitié fermés. Sans doute, un effet des nuages qui atténuaient la faible lumière pénétrant dans cette immense chambre.
Tremblant sur mes jambes, j’étais enfin prêt à franchir les portes qui ne s’ouvraient rien que pour moi. Aurore, se postant bien face à moi, semblait réfléchir pour prendre possession de son sujet. Elle avait débuté sa stratégie en m’embrassant passionnément et en me caressant longuement le visage, le torse, puis le reste de mon anatomie. J’avais alors résisté avant de m’abandonner à sa volonté. Renflouée de désir, elle m’avait attrapé le bras pour m’inviter à m’asseoir dans un confortable fauteuil Voltaire afin que je puisse assister à un curieux numéro de cabaret. La comtesse s’était campée devant moi, appuyant ses mains sur ses hanches pour jauger mon émoi. Aussitôt, elle avait fait glisser la fermeture éclair de sa robe qui était tombée sur le parquet. Revêtue d’une tenue affriolante, brodée de fines dentelles, elle avait retiré, un à un, ses habits au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de moi. C’est intégralement nue qu’elle avait saisi mon poignet pour laisser parcourir ma main sur les lignes de son buste. Découvrant le grain de sa peau, j’en avais respiré l’odeur musquée de son parfum et tous mes sens éveillés s’étaient affolés lorsqu’elle m’avait exhorté à prendre place dans son lit à baldaquin orné d’un long drapé suspendu de couleur sinople, l’ensemble me rappelant une souricière. Par reptation, elle était venue me rejoindre, frottant son corps soyeux contre le mien. C’est après maintes caresses et à la suite d’une intense observation, visage contre visage, qu’elle s’était relevée pour s’asseoir à califourchon sur mon torse afin d’offrir à ma vue tout le mystère de sa vénusté.
Ce mystère féminin auquel j’avais eu accès pour la première fois avait captivé ma raison. Mes prunelles avaient détaillé les pétales de cette fleur qui semblait vouloir éclore sous mon regard. À l’égard de mon hésitation, Aurore s’était emparée de ma main pour la poser délicatement sur son sexe. Mon cœur s’était emballé tandis que ses yeux paraissaient me dicter les gestes que je devais apprendre. Mes doigts s’étaient enflammés, cherchant à explorer son enveloppe charnelle entièrement magnifiée. Surprise par mon ignorance et ma timidité, elle s’était redressée pour s’étendre à mes côtés avant de s’accouder pour me susurrer les mots qui m’avaient rassuré : « Toi, pourtant, un fort en tout, je crois bien que j’arrive au bon moment pour te faire connaître d’autres matières… D’abord, tu es trop crispé, tu dois te détendre… Pour cela, je dois te mettre en confiance… Nous allons disposer de tout notre temps et je vais t’expliquer comment fonctionne une femme… Après, tu verras, cela devrait aller mieux. »
M’esquissant un attouchement sur le nez, puis m’embrassant, elle avait repris sa position initiale. Elle fut une adorable enseignante et c’est sur un modèle vivant que je fis mon éducation sexuelle. Tout ce que j’aurais voulu expérimenter avec Vanessa, je l’avais découvert avec Aurore. L’anatomie d’une dame n’avait plus aucun secret pour moi et c’est lorsque le silence se fut imposé qu’elle m’avait étreint avec fougue pour pratiquer des caresses dont je n’avais pas soupçonné l’existence. Soutenant mon regard, elle s’était relevée pour me surplomber avant de s’accroupir en direction de mes génitoires. L’étrange chaleur moite, qui m’avait englouti progressivement, avait fait de moi l’homme que j’étais devenu aujourd’hui.
Finalement, j’avais passé ma première nuit à Bully, dans la chambre d’Aurore de surcroît. Après avoir refait l’amour dans la salle d’armes, nous étions repartis le lendemain dans l’après-midi. Le soir, j’avais pu entendre ma mère converser au téléphone avec ma bienfaitrice pour la remercier de m’avoir offert le gîte et le couvert.
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