Chapitre 8 : Enquête de rédemption
— Je t’offre la possibilité de te racheter. Et j’ai besoin de toi. Mais on n’a pas toute la nuit. Tu me suis ou pas ?
Hector avait longtemps réfléchi avant de prendre cette décision difficile, et il s’attendait davantage à un sec et impitoyable « Va te faire foutre ! » qu’à un accord de raison entre ces deux anciens complices.
— Tu as passé du temps avec Alban. Je veux que tu me dises tout ce que tu sais, que tu me répètes tout ce que tu as entendu. En échange de quoi, je suis prêt à oublier ce que tu as fait. Décide-toi maintenant !
La clé avait tourné dans la serrure, une larme coula sur sa joue droite, elle se leva, marcha lentement vers la porte, saisit la poignée et ouvrit lentement. Nathalie inspecta le couloir du regard, seul Hector était là, ça ne semblait pas être un piège, de toutes façons, ça n’était pas son style. Il l’avait, certes, abandonnée, une fois, il y avait tellement longtemps, elle en avait souffert, terriblement, mais il ne l’avait jamais piégée. Il l’avait même ramenée de Santa Monica. Elle devait pouvoir lui faire confiance.
La nuit était sans lune, Hector et Nathalie se faufilèrent sans bruit vers la sortie de la base. Ils étaient passés devant des caméras de surveillance, mais la restauration du système n’avait pas encore commencé, faute de matériel, aucun enregistrement ne se faisait. L’Aston-Martin démarra silencieusement, toutes lumières éteintes, puis reprit une course normale dès qu’elle fut suffisamment loin de la base pour être détectée par quiconque.
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Devant le canapé du salon, une commode servait de support à une véritable collection de photographies d’un petit garçon, de son plus jeune âge à une petite douzaine d’années. Parmi les clichés, un tirage au format plus important montrait le petit garçon entouré de ses parents, visiblement. La parenté se lisait dans les yeux de son père, mais le garçonnet avait le sourire de Nathalie. Hector examinait cet album de fortune posé devant ses yeux, tout en nouant ses chaussures, quand Nathalie s’approcha avec une grande tasse de café.
— Noir, sans sucre, ça n’a pas changé ?
Hector accepta le maigre petit déjeuner que lui offrit son ancienne partenaire.
— C’est mon fils, Lucas.
— Il est où, en ce moment ?
— Chez Florence. Elle le garde quand je suis prise par mon travail, répondit Nathalie, en mimant de l’index et du majeur de chaque main les guillemets qui entouraient ce dernier mot.
— Il a ton sourire. C’est un beau gamin.
— Merci. C’est notre dernière photo, tous les trois. Lucas avait cinq ans. Alain a eu un accident de moto, quelques semaines après ça…
— Alors, il a dit quelque chose ? Tu as entendu quelque chose, quand tu étais chez lui ?
— Le premier soir, je ne pouvais pas dormir, je suis allée dans sa salle de sport privée. Dans un couloir, je l’ai entendu à travers une porte. Il parlait à un médecin, il disait qu’il allait lui présenter quelqu’un. Quelques jours plus tard, il a reçu le docteur Winter chez lui. C’est là que j’ai fait sa connaissance. Il m’a dit que le docteur avait les moyens de me faire disparaître des écrans radars.
— Winter, ça ne colle pas, il faisait de la chirurgie réparatrice, comme il disait. Pas de la transplantation de fœtus, réfléchissait Hector, à voix haute. Tu n’as rien vu d’autre ? Rien entendu d’autre ? Fais un effort.
— Transplantation de fœtus ? Je ne sais pas si c’est lié, mais il m’a demandé si j’avais des enfants. J’ai pensé qu’il se foutait de moi, il était tellement bien renseigné sur nous tous.
— Et donc ? s’impatienta Hector.
— J’ai tout de suite su qu’il savait, pour Lucas. J’ai compris qu’il savait pour mon mari quand il m’a demandé si je n’avais pas de regret de ne pas avoir eu un deuxième enfant. Il m’a dit qu’il existait des solutions miracles.
— Il parlait de ça…
— Je savais de quoi il parlait, mais ça me semblait tellement hors de propos… Je n’y ai pas prêté attention, sur le moment.
— Tu n’as rien de plus précis, un détail, un nom, un téléphone ?
— Quatre jours avant l’incendie, il s’est absenté. Je suis restée au manoir, pour m’entraîner, avec mon nouvel équipement. Pendant son absence, je suis tombée par hasard, en feuilletant un magazine, sur une pub pour un site internet pour les couples ayant des difficultés familiales…
— Quel genre de difficultés ? Procréation ?
— Il n’y avait pas de précision, mais, maintenant, avec le recul…
— Et connaissant le personnage… Est-ce que c’était vraiment un hasard ? L’adresse du site ?
— Je ne sais plus, mais le magazine, c’était tellement inadapté à cette maison, « Jeune Parents Magazine ».
Hector tapota sur l’écran de son téléphone portable, qu’il posa ensuite sur la table, en mode « mains libres ». La voix de Marie, à l’autre bout, semblait affolée.
— Hector, on a un gros problème, il faut que tu viennes, rapidement.
— Pas de panique, elle est avec moi. Elle va m’aider à comprendre ce qui est arrivé à Angélique.
— Non mais ça va pas ? Tu l’as fait sortir ? Tu te rends compte ?
— Si elle est enfermée, nous n’arriverons pas à tout démêler. Rien n’est fini. Elle va m’aider à trouver des réponses.
— Et ensuite ? demanda Marie.
Hector regarda Nathalie dans les yeux, puis se pencha de nouveau vers le téléphone.
— Écoute, il faut trouver, dans une édition, récente… il demanda du regard une confirmation à la clandestine qui acquiesça d’un mouvement de tête, une édition récente du magazine « Jeunes Parents », une pub pour un site internet pour couples en difficulté. Tu peux me trouver ça ?
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— Tu ne fumes toujours pas ? demanda Nathalie en s’allumant une cigarette.
En la voyant prendre le cendrier sur la table pour l’emporter dans la cuisine, où elle allait s’installer afin de ne pas enfumer la salle de séjour, Hector eut comme une révélation.
— Les cendres !
— Ne t’inquiète pas, c’est pour ça que j’ai pris le cendrier.
— Non, c’est Alban, il a mentionné mon talent pour chercher dans les tas de cendres ! Quand je lui ai parlé, à la prison. Je dois retourner là-bas !
— À la prison ?
— Non, au manoir, dans le tas de ruines !
Hector et Nathalie s’installèrent dans l’Aston-Martin qui démarra tranquillement. Il était inutile d’attirer davantage l’attention du voisinage avec cette voiture déjà peu discrète.
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Devant les restes du manoir effondré, que personne n’avait pris le temps de déblayer, le coupé anglais était stationné, ses deux occupant examinaient de loin la zone sinistrée.
— Nous reviendrons quand il fera nuit, on ne sera pas dérangés, décida Hector.
— C’est sage, répondit Nathalie, plus machinalement que pour montrer son approbation.
— Un conseil que quelqu’un m’a donné, la première fois que je suis venu.
— Sympa de sa part, même si ça semble évident…
— Maigre compensation… lâcha Hector, de dépit. Quel salopard, quand j’y pense…
— On peut savoir de qui tu parles ? demanda Nathalie qui sentit que les banalités avaient cessé tout à coup.
— Le père de Joanie…
— Mais je croyais qu’il avait été tué dans sa maison, quand tu lui as ramené sa fille.
— On le croyait tous, sauf que John n’était pas son père. Juste un joyeux cocu. Quel enfoiré ! Et dire qu’il a prétendu toutes ces années être toujours mon ami ! Il m’a conseillé, équipé, entraîné…
— Quelle ironie, reprit Nathalie, basculant la tête en arrière, un petit sourire en coin. La parfaite Hélène, que tu n’as jamais pu te sortir de la tête, ça m’a emmerdée un moment, j’en sais quelque chose, n’a jamais dû parler de toi à son mari et ne t’a jamais parlé de ton pote. Et en une seule fois, elle a trahi les deux hommes de sa vie…
— Ne recommence pas, s’agaça Hector. On revient ce soir !
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