Chapitre 02
Mercure s'est souvent demandé quel âge avait-il réellement. Il ne se souvient ni de ses parents, ni de potentiel frère et sœur, ni personne en réalité.
Si, Agathe.
Il a rencontré Agathe quand elle a emménagée ici avec ses parents, elle était toute petite. En revanche, ils ne se fréquentent que depuis peu. Mercure ne compte pas en année, c'est pour ça qu'il ne se souvient de rien. Il sait seulement qu'il discute avec Agathe depuis deux étés. Deux étés pour lui ne représentent pas deux ans, mais un seul peut-être, ceci ne s'applique que pour lui, pour les habitants du village, rien ne change.
Il y a une raison à cela, Mercure ne voit pas l'Hiver.
A chaque fin d'Automne, il s’endort profondément, et ne se réveille qu'au Printemps. Le monde entier a le temps de changer en un Hiver, il n'y voit que du feu.
Il se demande si l'Hiver est réellement froid, comme tout le monde le dit, surtout ici où la chaleur de l’Été étouffe les récoltes, et assèche les forêts. Il se demande si les villageois sont soulagés, s'ils attendent l'Hiver avec impatience, s'ils souhaitent honnêtement que Mercure... ne se réveille jamais.
Malheureusement, l’Été est sur le point de commencer, bientôt le soleil écrasera l'air et les poumons. Les eaux se retireront, les fruits pourriront, les prix des commerces augmenteront. C'est une période que beaucoup ont confié détester, sans jamais avouer que Mercure les dérangeait.
Mercure cependant, est le seul à pouvoir regarder le soleil droit dans les yeux.
***
Agathe tire le bras de son meilleur ami avec entrain, elle voudrait qu'il se dépêche, qu'il court plus vite dans les ruelles où l'ombre s’étend à grande vitesse.
« Aller, plus vite ! Nous allons tout rater ! Je ne veux pas te perdre avant ! » Cette idée a germé dans la tête d'Agathe en une demie-seconde, pendant qu'elle voyait le soleil se coucher au travers de la fenêtre. Ils étaient en train de mettre le couvert, Monsieur Ford avait invité Mercure à dîner avec eux, suite à cette après-midi passée à se balader avec sa fille.
L'une des résidences qui se trouvent à exactement trois rues de la maison des Ford possède un escalier métallique sur la façade arrière, les deux adolescents s'y précipitent. La respiration est déjà compliquée à la dixième marche, il y en a encore une trentaine. Elle continue de le presser, cette fille est une sportive, elle adore courir le matin près du port quand le village dort encore.
Les escaliers ne continuent pas jusqu'à la toiture, c'est ici qu'Agathe veut absolument aller. Il suffit d'un petit saut en accrochant la gouttière pour y aller, avec sa sincère bonté, Mercure la porte sur les tuiles, il parviendra à la rejoindre tout seul. Le toit étant légèrement incliné, ils se retrouvent couchés contre les tuiles, en face du ciel et de son Dieu qui se retire lentement pour la nuit. Agathe attend une réaction concrète et rapide, mais au fur et à mesure que le ciel perd de sa lumière, Mercure allonge sa tête et ferme les yeux, les battements de son cœur ralentissent avec douceur, il s'endort.
Agathe est déçue. Ce soir elle pensait pouvoir berner le temps, peut-être qu'elle devait s'y attendre et qu'elle n'a pas assez réfléchi, qu'elle n'a pas trouvé la bonne idée qui permettrait à Mercure de voir le crépuscule d'une seule journée dans sa vie. Le Soleil s'est retiré et il a emporté avec lui la vitalité du jeune homme jusqu'à demain matin. On ne peut pas le réveiller, la jeune femme a essayé à maintes reprises, c'est impossible.
« Excuse-moi. » Agathe pose sa tête contre lui et ferme tristement les yeux en sa compagnie.
Les tuiles sont devenues aussi grises que le visage de Mercure, la température est devenue trop basse à son plein épanouissement.
Annotations