Chapitre 30
Trois pages sont réservées dans Le Carnet d’Agathe, qu’elle a sautées, et qui ont pour titre « La Naissance de Mercure. »
Il lui a promis qu’il lui raconterait s'il s’en souvenait, peu importe le temps que ça prendra. Agathe ne veut pas simplement l’écouter et s’en souvenir jusqu’à sa mort, elle veut que le monde entier s’en souvienne, que son histoire perdure pendant des siècles et des millénaires. Mercure a déjà passé ce temps là sur terre comme un fantôme, il ne le mérite pas, il est trop exceptionnel.
Jusqu’à Quinze Heure, Agathe est restée sur son lit à regarder le plafond, on lui chante dans ses oreilles que la vie est belle, c’est probablement vrai. Son carnet est resté ouvert sur son bureau, le dessin d’un énième bateau en pleine mer a été commencé en début d’après-midi, puis abandonné. Le manque de lumière et de soleil assomment les idées d’Agathe l’Hiver, ça rend le temps long et ennuyant.
Malgré tout, Agathe agite la tête d’un coté à l’autre. Son corps est poussé vers le haut, elle se lève, et tourne sur elle-même au centre de sa chambre. Façon désordonnée de danser et rythme décalé, finalement, heureusement que l’incohérence existe.
Agathe pense à la vie.
Et si finalement, l’autre, c’était elle. Et si elle était née pour vivre aux côtés de Mercure ? Sa vie ne se résume qu’à une parmi d’autre, parmi toutes celles que Mercure à fréquenté. Au rythme du garçon, la vie d’Agathe n’est que de passage, elle ne durera pas très longtemps.
Alors voilà ce n’est pas grave, Agathe a décidé qu’elle renaîtra autant de fois qu’il le faudra pour rester près de Mercure. Il a peur de mal investir le temps dont il dispose avec elle, Agathe prend les devants.
« Tu es capables des plus fabuleux mystères du monde Mercure, j’y arriverai aussi, peu importe comment. Je t’aime, je veux rester à tes côtés pour te rendre la vie meilleur. »
La mauvaise période de l’Hiver est passée, Agathe se sent mieux.
En passant dans la cuisine pour récupérer une bouteille de jus d’orange et la boire au goulot, Agathe remarque un objet resté sur le plan de travail, près des étuis à couteaux. Elle s’en rapproche sans perdre le rythme de sa chanson, le son est beaucoup trop fort. C’est le stylo fétiche du Docteur Willem. La jeune femme le prend et se dirige vers le salon, son père est assis dans le fauteuil tranquillement en train de lire le journal. Aujourd’hui est un jour de repos, il en avait bien besoin et il n’est plus du tout en retard sur la construction de sa charpente. Cette commande doit partir le mois prochain. La jeune femme retire une de ses oreillettes, on entend le son qui s’en échappe.
« Le Docteur a oublié son stylo, tu te souviens quand il a dit qu’il reviendrait ?
— Au Printemps, il aimerait refaire quelques examens avec Mercure quand il se réveillera. Comme il n’y a pas de date précise, il m’a dit qu’il m’enverrait un courrier début Avril pour avoir des nouvelles. » Agathe vient s’asseoir sur le canapé, elle observe le stylo par tous ses angles, il n’a rien de bien exceptionnel.
« Tu crois qu’il est repartit chercher son ami ? Il a dit que c’était le type de la cordonnerie, je n’ai jamais parlé avec lui, je le trouve un peu bizarre.
— Matthew est un homme qui passe la plupart de son temps dans ses pensées, moi non plus je ne parlais pas souvent avec lui. Mais il me semble qu’il a des idées brillantes et créatives. Il n’y a qu’à voir les chaussures qu’il conçoit, elles sont fabuleuses. Et puis je crois qu’une fois il m’a parlé d’une cabane dans la foret qu’il avait construit quand il était jeune… Cependant il ne m’avait jamais parlé du Docteur Willem, ni a qui que ce soit d’ailleurs. Je ne sais même pas depuis combien de temps il est installé ici. »
Agathe n’écoute plus. En une fraction de seconde, la vision qu’elle avait de ce monsieur vient de changer. Elle se lève d’un bon et court enfiler ses chaussures. Monsieur Ford essaie de la suivre des yeux, il regrette l’énergie de son adolescence.
Malgré le vent froid qui souffle aujourd’hui, Agathe court. Elle est seule mais n’a aucun mal à reconnaître le chemin qui la conduit à la Maison de Porcelaine.
En apparence, rien ne change ici, ce n’est pas non plus le ménage et la rénovation qui donne le sentiment à Agathe de ne plus voir cette maison comme avant. C’est un endroit remplie d’œuvres d’art étranges, conçus par un artiste loufoque, pas étonnant que Mercure aime y passer du temps.
Il a sa place ici.
La jeune femme avance dans la maison d’un pas décidé, elle fait craquer le bois sans y faire attention, une des planches menace de céder et de s’enfoncer dans le plancher. Agathe ne cherche rien, mais par curiosité et intérêt pour cet artiste, elle se met à ouvrir les tiroirs et fouiller les commodes. Après tout, qui pourrait lui reprocher, cette maison est abandonnée, elle n’appartient plus qu’à Mercure à présent.
Dans la commode, elle trouve d’autres pinceaux et pot de peinture de différents types et usages. Certains n’ont même pas été entamé, et des pinceaux sont encore dans leur emballage d’origine. Se trouvent aussi des énormes briques d’argile qui ont complètement séchées depuis le temps. Quel dommage, Agathe aurait pu se servir de tout ça pour son usage personnel. Elle se dit parfois qu’elle devrait explorer un champs des possibles plus vaste que le dessin, même si elle adore ça.
La jeune femme se redresse en refermant les petites portes vitrées, et ouvre les deux tiroirs qui se trouvent au dessus, elle tombe sur des dizaines de lettres et d’enveloppes. Le Docteur Willem a expliqué que son ami était écrivain à ses heures perdues, ce sont peut-être les messages qu’ils s’échangent depuis des années. Si ce sont des histoires comme il l’a dit, Agathe se sent curieuse et coupable.
Elle regarde autour d’elle, comme si quelqu’un allait la balancer si elle ouvre une de ses enveloppes et lis juste une ou deux lignes.
Aller… juste une ou deux lignes.
Agathe prend délicatement une des lettres déjà ouvertes dans ses main, et la déplie. Le papier est légèrement jauni mais elle ne sait pas si c’est le temps ou si c’est la couleur originel du papier.
« A l’intention de l’Institut des Sciences Biologiques de Larya,
le 06/02/2011
Monsieur,
Je conçois parfaitement votre curiosité à propos du Sujet dont je vous ai parlé lors de notre dernier échange, cependant, je n’accepte pas les intérêts morbides qui vous poussent à vouloir l’ouvrir. Nous parlons avant tout d’un jeune adulte doté de la parole et d’une intelligente parfaitement acceptable. Un individu à part entière. Rien ne nous autorise à découper en morceaux chacun de ses organes pour comprendre ce qui les fait si merveilleusement fonctionner.
A ce titre, je ne suis pas disposé à vous communiquer son nom, son adresse, ou même une photo de son visage.
Je m’engage à le protéger. Qu’importe si je dois me mettre à dos toute l’institue médicale du pays.
Je délaisse mon titre de médecin et toutes mes qualités chirurgicales.
S’il ne sert qu’à faire souffrir pour la science, il ne vaut rien.
Bien à vous.
Matthew Harris »
Agathe lève les yeux et réfléchit à ce quelle vient de lire, ses globes oculaires bougent dans toutes les directions, ça n’a rien d’aussi magique ou féerique que ce à quoi elle s’attendait.
« Qu’est-ce que c’est que cette horreur… ? » Murmure t-elle en cherchant une autre lettre. Elle comprend rapidement que le papier jaune est celui de Matthew, et le blanc vient de son interlocuteur.
« A l’intention du Docteur M. Harris
le 01/02/2011
Cher Docteur,
Je suis absolument stupéfait de votre découverte, le Sujet dont vous me parlez à l’air remarquable et nous l’attendons avec impatience au laboratoire, une table spéciale lui sera dédiée. Entre nous, s’il n’est pas majeur et qu’il n’a pas d’entourage, vous n’aurez pas de mal à le convaincre de nous rejoindre, n’est-ce pas ? Cette échange est bien-sur privée, je vous donne mon entière confiance.
En ce qui vous concerne, vous obtiendrez un titre de noblesse et deviendrez un des plus grands médecins de votre génération, votre nom apparaîtrait en bien plus gros que le titre de La Chaire Humaine.
Dans l’attente d’un nouveau courrier de vôtre par, et au plaisir de vous revoir.
Le Directeur de l’Institut National des Science Biologique de Larya. »
La jeune femme pose une main sur sa bouche. C’est comme un mythe qui s’effondre. Ils sont au courant, ils savent que Mercure existe, mais il ne savant pas où, ni qui il est. Le Docteur Harris a probablement voulu partager sa fabuleuse découverte qui allait se transformer en macabre dissection, alors il s’est abstenue d’en dire plus et s’est retrouvé à devoir protéger Mercure, peu importe comment.
Ces lettres dates qu’il y a cinq ans. Ce n’est pas si loin que ça. Agathe ne sait pas ce qu’elle doit faire, son esprit est plongé dans un profond stresse et peut-être qu’elle aurait préféré ne rien savoir. Mercure n’est probablement pas au courant de ces lettres, mais il a forcément eu une interaction avec le Docteur Harris à un moment ou un autre.
Agathe devrait se retenir de fouiller plus, le cauchemars s’annonce déjà terrible, pourtant, elle trouve en plus plusieurs manuscrits d’études sur le corps de Mercure.
Il a accepté, ça s’est déjà produit, et il accepte de recommencer.
Le Docteur Willem est peut-être sur le point de faire une terrible erreur.
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