Chapitre 35
Laver les draps, étendre le linge, ranger la chambre, faire à manger…
Trop simple, trop tranquille. Même si Mercure a demandé à Agathe mille fois ce qui la tourmente, elle refuse de répondre. Elle a attendu impatiemment et sous l’angoisse qu’il se réveille, et maintenant, elle ne sait pas comment lui expliquer. Malheureusement, il devrait s’en rendre compte rapidement. Des petites bandes de jeunes d’un collège de la ville voisine traînent régulièrement autour des portes de Dryade, ils n’ont pas encore eu le courage d’entrer. Agathe a aussi vu des jeunes personnes qu’elle ne connaît pas, ils ne sont pas resté très longtemps. Ils vont et s’en vont, au même rythme que tous les commentaires qui alimentent le Mythe de Mercure sur Internet.
Agathe lâche son téléphone. Elle essaie de réviser pour ses derniers examens depuis une heure, sans grands succès. Elle préfère se rendre dans la chambre fleurie, passer par la baie vitrée ouverte et réparée, pour rejoindre Mercure qui est assis dans l’herbe, près des draps aux vent. C’est avec plaisir qu’elle assisterait à la même préoccupation que Mercure, mais c’est un peu compliqué. Agathe passe sa main devant ses yeux et détourne le regard sur le ciel bleu. Il n’y a que quelques nuages blancs à l’horizon.
« Comment c’est, de regarder le soleil ?
— La même chose que regarder les étoiles, j’imagine. Moi je le trouve beau, il me rassure et me réchauffe. »
Mercure change de position, sa tête est posée au creux de ses bras et il peut toujours observer le soleil, de la mélancolie submerge ses pensées.
« Agathe, quand je regarde le soleil, j’ai le sentiment d’avoir oublié quelque chose d’important au fil du temps. J’ai peu de ne jamais retrouver ce que c’est. »
L’aider est difficilement possible, sa mémoire est tellement large que ce serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Agathe se contente pour l’instant de passer sa main sur le bras de Mercure.
« Je suis persuadée que les choses importantes ne peuvent pas disparaître. Au bon moment, tu t’en souviendra. Quand il le faudra, quand tu en aura besoin. »
Le temps est tranquille, les feuilles des arbres rayonnent et provoquent de petits éclats de lumière lorsqu’un chat passe de branches en branches. De l’autre côté de la clôture, il y a le jardin de la voisine. Elle sort de chez elle pour arroser ses fleurs, elles se portent toutes merveilleusement bien. On aperçoit des pivoines en dessous de la serre blanche, leur couleur rose est éclatante, elles font parties des fleurs que Mercure a sauvé l’an dernier.
La femme croise le regard des deux jeunes gens, ils n’en attendent rien, cette femme ne leur adresse jamais la parole, à Agathe peut-être il y a longtemps, mais Mercure certainement pas. La dernière fois elle l’a laissé tout seul dans son jardin…
La femme les observe en silence, il ne se passe rien, elle tient un arrosoir dans les mains, celui-ci penche de trop, il va finir par renverser toute l’eau dans l’herbe. Puis, elle lève la main et les salue gentiment. Ils ont même droit à un sourire, il est à pas grand-chose de l’agréable.
« Bonjour, Agathe, bonjour Mercure. » Pas croyable. Agathe est un peu méfiante, alors que Mercure lui, la salue de la main à son tour, ça lui fait plaisir.
Pas plus d’une minute après, on entend une petite fille dans un des jardins d’en face appeler son chat. C’est celui qui se promenait dans les arbres tout à l’heure, puis, on peut écouter les miaulement inquiets de la bête.
« Descend minou ! Descend ! »
Tous les chats ont un nom, mais plus de la moitié seront de toute façon appelé « Le chat » ou « Minou ». Mercure a vu beaucoup de chat au cour de sa vie, et il ne se souvient pas de beaucoup de nom. Thomas en avait un, lui non plus ne l’appelait jamais par son nom. C’est la seule maison dans laquelle Mercure a vécu avec un chat. Il ne souvient d’un temps agréable, des ronrons de la petite bestiole grise, de ses miaulements et aussi de ceux que le chat poussait quand il s’était coincé une queue dans la gouttière. Il avait fallut monter sur le toit pour le décoincer.
Le chat de cette petite fille miaule de la même façon. Alors Mercure se lève et se précipite à la rejoindre dans son jardin. Il passe par dessus la clôture qui est très basse tout en jetant un œil vers l’intérieur de la fenêtre la plus proche. Agathe le suit d’un pas plus lent, et surtout elle ne s’autorise pas à entrer chez ses voisins.
« Où est ton chat? » Demande le rouquin en s’accroupissant devant la petite fille, elle doit avoir cinq ou six ans, et elle tient dans sa main un bâton en bois avec une petite ficelle au bout. En l’agitant en l’air devant l’arbre du jardin elle pensait pouvoir faire redescendre son chat. Son petit visage est tout triste.
Mercure le voit, entre deux branches, la bête essaie de se dégager mais à chaque fois qu’elle essaie de se tirer vers l’avant, elle miaule bizarrement. Voilà enfin quelqu’un à la fenêtre, un homme rejoint rapidement par sa femme, ce sont peut-être les parents de la petite fille, mais aucun d’eux se sort. Ils préfèrent attendre de voir ce qu’il se passe, ou que Mercure s’en aille.
Au lieu de ça, le rouquin agrippe à la branche la plus basse et se glisse vers l’intérieur de l’arbre. A chaque fois qu’il pose ses mains sur les bourgeons, ceux-ci se mettent à éclore. De jolies fleur roses et brillantes. Le chat est encore un peu plus haut, sa patte arrière est prise dans le croisement de deux branches serrées et à chaque fois qu’il tire dessus il s’arrache la peau. Il y a déjà de petites taches de sang contre le bois. Quand le chat voit Mercure, il crache, il ne se sent pas en bonne position face à un inconnu, ce qui le rend agressif.
« N’ai pas peur, je vais t’aider. » Peut-être que parler aux animaux peut les rassurer, comme avec les hommes. Mercure se met à sourire, gentiment, il s’adresse au chat apeuré. Lorsqu’il entreprend d’approcher sa main, Agathe le met en garde. Un accident en haut d’un arbre arriverait facilement, même s’il n’est pas gigantesque et que la distance qui le sépare du sol n’est pas franchement impressionnante. En tout cas Agathe elle, elle ne serait pas monté.
A force de miauler, le chat halète. Il a soif et chaud, il est aussi sans doute fatigué. Mercure approche tout doucement, plutôt que de toucher la patte du chat, il essaie de soulever la branche qui pose problème.Elle est lourde et sa position penchée vers l’avant sans tomber n’est pas agréable. Tout son bras est en train de gainer, Mercure se souvient de ses entraînements à l’armée et ne regrette pas de s’être torturé les muscles pendant des heures pour les raffermir.
Le chat retire sa patte, il ne peut cependant pas la poser sur quoi que ce soit, il préfère la garder en l’air. Maintenant qu’il a lâché la branche, le rouquin se rapproche encore un peu vers le chat qui miaule toujours, mais plus calmement. Il a peur, et ne veut plus bouger, tout recroquevillé sur lui même.
« Je vais le redescendre avec moi. » Le contact est délicat, Mercure fait preuve de douceur il ne veut surtout pas faire mal au chat qui produit des grognement d’inconfort. Mais il se laisse faire, il s’accroche aux vêtements du rouquin avec ses griffent, elles se plantent faiblement dans la poitrine de Mercure. Maintenant, il faut redescendre de l’arbre avec le chat dans les bras, un seul est suffisant pour maintenir correctement la bête contre lui.
Agathe n’est pas très sereine, elle décide finalement de passer la clôture à son tour et d’attendre Mercure en bas de l’arbre. La petite fille le regarde avec des yeux ronds, pressée de revoir son animal. En ce qui concerne le couple derrière la vitre, ils hésitent à sortir voyant tout ce monde dans leur jardin, ils n’ont peut-être pas encore comprit ce qui était en train de se passer.
C’est finalement sans encombre que Mercure retrouve le sol, et un peu grâce à la force de ses bras. Il pose délicatement le chat dans l’herbe sans le laisser s’enfuir, ce n’est pas évident. Il pourrait aller se réfugier sous les buissons et la haie qui sépare la maison de celle des voisins de droite. Agathe vient lui porter son aide. Ils font en sorte de ne pas laisser la petite fille s’approcher ou elle risquerait de voir le sang sur la patte du chat, il s’agit de ne surtout pas lui faire mal au cœur.
Enfin ! Le mari sort de chez lui et avec une voix agacée et un pas décidé. Il porte une chemise et une cravate bleu, il est coiffé très convenablement, peut-être qu’il revient du travail pour manger avec sa famille à midi.
« Que se passe t-il exactement ? Que faites-vous à notre chat ?
— Il s’est blessé dans l’arbre. Mercure est monté le chercher. » Lui répond Agathe avec un soupçon de reproche sur le visage. Mercure caresse le chat tout doucement pendent qu’il observe une grosse coupure sur la patte du chat, le sang est en train de salir tous les poils de la zone qui l’entoure.
L’homme se retourne vers sa femme, il est à la recherche d’un soutient, une question lui passe par la tête et le voilà gêné de la poser. Uniquement parce que c’est à Mercure qu’il voudrait la poser, n’importe qui d’autre ne lui aurait pas fait cet effet-là.
« Dis-moi, mon garçon, tu serais capable… de le soigner, non ? On nous a raconté que tu avais soigné des fleurs et même la main de Monsieur Ford. Tu pourrais soigner notre chat ? »
Lorsque elle entend ça, Agathe pourrait se mettre à hurler. Mais Mercure lui a l’air ravi, il hoche la tête plusieurs fois et vient poser sa mains délicatement sur la patte blessée du chat. Un petit grognement s’échappe de la gorge du matou, il ne dure pas longtemps cependant. Avant de le laisser tranquille pour de bon, Mercure décide de lever le regard. Il cherche celui de l’homme qui lui a fait cette requête, son visage semble difficilement convaincue, il a demandé quelque chose à quoi il ne croit pas vraiment. C’est un peu gêné que ce monsieur détourne les yeux.
Le chat est guérie.
La femme et son mari sont très surprit, alors que la petite fille elle est ravie de voir son chat venir se frotter à ses jambe et essayer d’attraper la ficelle de son bâton.
« C’est fantastique Mercure. » Le félicite Agathe avec bienveillance. En arrière, le couple essaie de se parler discrètement, ce sont des messes basses très désagréables et les deux adolescents comprennent qu’ils devraient s’en aller, qu’ils n’étaient pas les bienvenus de toute façon. Agathe prend son amoureux par la main et l’entraîne avec elle, ils passent par le petit portillon cette fois.
« Attendez ! » C’est la femme qui les arrête. Ce serait la dernière fois que Mercure et Agathe leur porteraient de l’attention, ils écoutent malgré tout. La femme pousse un peu son mari vers l’avant, qu’il parle enfin. Ça n’avait pas l’air de l’enchanter ou bien ressent-il une quelconque honte.
« Mercure… Je te pris de m’excuser. J’ai toujours été très médisant à ton égare et je regrette. Merci beaucoup d’avoir soigné notre chat. » Il n’arrête pas de tripoter sa cravate.
« Et ? » Demande la femme. Elle ressemble plus à sa mère qu’à son épouse, et lui se plie à ses ordres. Agathe trouve ça très amusant. Maintenant, l’homme trouve le courage de regarder Mercure droit dans les yeux, de lui parler sincèrement et de s’adresser à lui pour de vrai.
« Et merci infiniment de t’occuper de notre village pendant l’été. Nous ne devrions pas nous enfuir sous prétexte qu’il fait trop chaud. C’est une erreur de notre part. Tu es le bienvenu à Dryade comme n’importe qui d’autre. »
Une fleur gigantesque est en train de fleurir dans la poitrine de Mercure.
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