Chapitre 51

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Tant de souvenirs remués que cette nuit, Mercure à l’impression de rêver de Thomas. Il ressent ses mains et sa peau en fin d’après-midi, c’était le créneau horaire qu’ils préféraient pour faire l’amour. Il revoit l’atelier de peinture où Thomas n’appréciait pas être dérangé, l’église devant laquelle ils s’asseyaient pour assister à la messe le dimanche matin, le curé leur interdisant l’entrée. C’était bien ridicule ça…
 Mercure ouvre les yeux, non il ne dormait pas, il somnolait. Le matin est déjà levé, et il ne souvient pas à quel moment il s’est endormit hier soir. D’habitude, il aime se réveiller avec la lumière qui se pose sur ses iris, et ses taches de rousseurs qui resurgissent, le soleil n’est toujours pas là.
 « Tu n’avais jamais été absent aussi longtemps, j’ai un mauvais présentement... » Murmure le rouquin en observant les mouettes danser dans l’air gris. Ensuite, il baisse son regard vers la mer qui tape contre les rochers. Le vent est fort ce matin.
 « J’espère qu’Agathe va bien... »

Sa blessure a guérit de façon spectaculaire, on ne voit presque plus rien. Si Mercure se penche ou plie l’abdomen, il ressent une méchante gêne, un relent désagréable, mais sa plaie ne se rouvre pas. Les pétales qu’on lui avait posé semblent avoir disparus, mais en réalité… ils ne font plus qu’un avec Mercure.

Comme tous les précédents, d’ailleurs, Mercure, sa peau est constituée de pétales de Fleur Jaune.

***

Même si Mercure va mieux, ils leur reste encore du temps. Dylan leur a proposé deux jours, alors ils vont en profiter. Les deux docteurs vont recueillir le maximum d’informations qu’ils donneront aux institues médicaux des différents pays qui lui courent après. Même si sans matériel médical adapté ce n’est pas très évident... Si ça pouvait les dissuader ou les convaincre d’être un peu plus humain...  Après ça de toute façon, c’est certain que la police viendra fouiller par ici.
 Le Docteur Willem consulte régulièrement son téléphone pour prendre connaissance de la situation sur la terre ferme, apparemment, Monsieur Ford a signalé la disparition d’Agathe. C’est une bonne chose, disons… car retrouver la jeune femme est plus important que de chercher Mercure, enfin moralement, c’est ce qui devrait se passer. Mais avec ce monde-ci nous ne sommes sûr de rien… du côté des réseaux sociaux c’est toujours une folie magistrale. Apparemment, Mercure est un tueur en série depuis hier, les informations sont évidement relayées par un certain @Dylann_regn13. Ce garçon à trop de personnes derrière lui… C’est ce que pense Johan lorsqu’il lit les centaines de commentaires sous ses affreux messages. Il est tout de même amusé par les personnes qui affirment avec conviction que Mercure est un dieu, un messager venu d’ailleurs pour éradiquer les maladie de la surface de la terre. Il observe chaque dessins de « fan » avec attention, quasiment aucun ne lui ressemble à vrai dire. C’est un vrai phénomène. Une nouvelle mythologie.

Le Mythe de Mercure.

« Tu n’as toujours pas de téléphone, Mercure? » Demande le Docteur Harris alors qu’il a le nez dans ses notes. C’est le carnet de Johan, dommage qu’il n’ait pas pu emporter avec lui ses propres analyses d’il y a plusieurs années. Le rouquin répond non de la tête pendant que le Docteur Willem prend en photo les endroits où des fleurs ont été posées l’année dernière.
 « Non. Mais Agathe fait des photos de nous de temps en temps. » Puis, Mercure la revoit jeter son téléphone par la fenêtre de la Studebaker. Il inspire profondément.
 « Pourquoi es-tu retissant à laisser une trace concrète de ton passage sur terre ? Tout le monde cherche à déposer l’œuvre parfaite, à faire la découverte la plus folle, à écrire le livre le plus mémorable, et j’en passe. Mais toi Mercure, pourquoi te contentes-tu simplement de vivre ? Tu dois êtes doté d’une connaissance historique inestimable, tu aurait pu avoir le temps d’apprendre tous les instruments, n’importe quelle langue, maîtriser n’importe quel sujet créatif, politique, scientifique. Alors pourquoi rester cacher dans ce terrier à Dryade, un petit village caché loin de la vie active, à attendre que les jours passent ? »

Mercure cherche la raison. C’est vrai, le Docteur Harris à raison, son temps de vie aurait pu lui permettre de grandes choses. Il aurait pu faire de lui quelqu’un de célèbre dans quelques domaines que ce soit, il aurait pu se faire connaître comme l’homme le plus savant de ce monde ou n’importe quoi de délirant. Quelque chose qui ne lui correspondrait pas… Mercure n’oublie pas non plus cette limite qu’il ne peut pas franchir, le mur qui l’empêche d’accéder à ses souvenirs profonds, limite qui s’étend un peu plus chaque jours, au fils des nouveaux souvenirs qui prennent de la place. Peut-être que derrière ce mur il s’est passé des choses incroyables, peut-être qu’il a essayé d’en profiter et de faire de sa vie un avantage. Comme si les choses avaient marché à l’envers…

« Parce que je me sens épuisé. »
 C’est la réponse la plus triste à laquelle pouvait s’attendre le Docteur, la plus évidente aussi. Vive aussi longtemps, ça ne doit pas être facile. Si aucun humain n’est fait pour dépasser une centaine d’année, c’est qu’il y a une raison.
 « Il y a des choses que je ne comprends pas.
 — Explique moi. »
 Mercure se redresse maintenant que le Docteur Willem a terminé de photographier son corps. Le jeune homme se met à observer tous les objets qui l’entourent, des objets simples, les meubles, les tissues, les livres, le téléphone de Johan, les murs, les carreaux…
 « La quête insensée de l’argent, et du bonheur. Tous ces gens qui raffolent des échanges commerciaux, qui s’excitent à l’idée d’avoir un nouveau téléphone, d’acheter une maison plus grande, qui ont des envies qu’ils transforment en besoin à l’infinie pour se sentir satisfait quelques minutes. À quoi ça leur sert au final ? La consommation est excessive depuis la fin de la guerre, je l’ai remarqué, mais ça existait bien avant. Le besoin ultime de posséder et d’être plus fort, plus grand, plus puissant que les autres. C’est la nature humaine pourtant, je ne m’y attache pas. En ce qui me concerne, mon bonheur est petit. Il ne nécessite presque rien, ou en tout cas, rien que je doive gagner en travaillant durement, en me fatiguant, en me ruinant la santé.
 — Et en quoi consiste t-il ?
 — Le soleil. Je ne veux rien créer, je ne veux rien posséder, je ne veux pas me mesurer à qui que ce soit, et je ne veux pas m’épuiser à devenir quelqu’un de meilleur, peu importe comment. J’ai seulement envie de rester étendu et de prendre le soleil, ça me suffit. C’est le plaisir le plus intense que je n’ai jamais ressentit. À côté de ça, l’amour, le sexe, la gourmandise, n’importe quoi… ça n’a presque pas d’importance. »
 Les deux Docteurs écoutent attentivement, ils sont tous les deux très intrigué par ce que leur rapporte le jeune homme. Il n’a sans doute pas tord moralement, mais les plaisirs de la vie, personne n’y échappe.
 « Le soleil te procure plus de plaisir que du sexe ?
 — Oui. »
 Mercure ne mange rien pendant l’Hiver, il ne mange rien tout cour d’ailleurs si on ne lui propose pas. Il n’a besoin de rien d’autre que le soleil pour vivre, d’ailleurs, depuis que le soleil se cache, Le Docteur Harris trouve le rouquin très pale, fatigué. Il n’a besoin de presque aucune assistance médicale en cas de blessure, il n’a socialement aucun besoin. Il pousse dans son coin sans gêner qui que ce soit…
 Le Docteur Harris pose une main sur son visage, les sourcils froncés, en pleine réflexion, son regard se redirige vers la fleur jaune d’abord. Ensuite, il lève les yeux aux ciel, vers ce petit point jaune voilé par les nuages.
 Mercure n’a aucune fin présumé, ni de début, ou bien trop lointain. Une éternité variable.
 Rien qui ressemble à la vie d’un être Humain.
 Ces commentaires sur les réseaux sociaux, ils n’ont peut-être pas tous si tord.

« Très bien, Johan, je crois que tu vas pouvoir laisser tomber. Tout ça n’a peut-être rien de scientifique. »

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