Chapitre 54
2 Juillet 2024
Cet espèce de vent violent agite ses cheveux. Le temps est bientôt écoulé.
L’Arpège est plus chargé qu’à son arrivé, il transporte une personne supplémentaire. Le Docteur Harris est à la barre, le Docteur Willem est assis derrière en tenant entre ses bras le précieux ouvrage d’analyses à remettre à l’institue médicale, et, Mercure, est debout, face à l’horizon, avec le sac à dos d’Agathe sur les epaules.
Aujourd’hui il n’est effrayé ni par l’orage, ni par la pluie. Il ne quitte pas la mer des yeux, et ne regarde surtout pas en arrière. Les deux docteurs sont inquiets, ils auraient préféré que Mercure reste au Phare Mosaïque pendant qu’ils partent négocier sa liberté, mais aussi surprenant que ça soit, Mercure s’est montré têtu et acharné. Il ne réglera son problème, que quand il aura réglé celui d’Agathe.
« Mercure… » tente le Docteur Harris encore une fois. Mercure hoche la tête, un non affirmé. Ses doigts sont fermement agrippés au cordage.
« On fera comme on a dit. L’entrée dans la Baie de Femir est trop dangereuse, alors on passera par le stationnement de la propriété privée sur la droite. Il nous ramènera sur la nationale de Femir, nous n’auront qu’à revenir dans la ville par l’entrée Nord. »
Les deux docteurs n’ont d’autre choix que d’approuver d’un signe de tête. Matthew sait qu’il commettra une infraction en entrant son voilier dans la propriété privée, mais ça sera toujours moins grave que de dissimuler un sujet prometteur de science pendant plus de dix ans.
Quant au docteur Willem, il est profondément attristé que les choses aient pris cette tournure. Mercure est un gentil garçon, il ne mérite pas tout ça… c’est ce qu’il pense sincèrement.
Le rouquin lui, n’est plus obsédé que par une seule chose; Sauver Agathe, prendre le large avec elle, vivre leur amour le plus longtemps possible, et se cacher une centaine d’année, le temps qu’on l’oublie. Peut-être utopiste, certes, mais à la place de Mercure le monde est une dystopie. Au delà du rêve, s’il est assez coûteux, il a la force de faire tout ce qu’il veut.
Une zone est balisée par ici, les gardes-cotes doivent traîner dans le coin, et il ne faut surtout pas les croiser.
« S’ils contrôlent tous les passages, on est fichue, Mercure.
— Ils ne nous verront pas. Là-bas, regardez, le chemin de la propriété. » Le voilier fait une très grande manœuvre pour éviter la zone balisée, les deux lignes de bouées rouges et jaunes se baladent d’un côté à l’autre, entraîné par les vagues agitées.
Un énorme cordon interdit l’accès des quelques stationnements, un catamaran occupe l’une des places. À vue d’œil, leur petit voilier rentrera sans soucis. Le Docteur Harris manœuvre au mieux sont bateau, Mercure s’avance au maximum et se penche au dessus de l’eau pour attraper le cordon. Rêche et désagréable, les filaments éraflent les paumes de ses mains, c’est aussi à cause du voilier qui tangue.
Pour l’instant, personne n’est venu les intercepter, l’entrée dans la propriété privée se fait tranquillement, et sans bruit. Mercure jette l’amarre de l’autre côté du tunnel, ils peuvent passer à présent. Le voilier s’amarre en silence, quand le Docteur Willem attire leur attention, regardant vers l’arrière.
« Je crois qu’il y a un… un bateau là-bas. Il se dirige vers le port. » Mercure et Matthew se retournent à l’unisson, les couleurs de la coque ne trompent pas, la police. C’est donc dans la précipitation qu’ils terminent d’amarrer l’Arpege, et sautent du bateau ensemble. La propriété est entourée d’un grillage ondulé vert, pour en sortir, il est nécessaire de posséder la clef du portail.
Le rouquin fait un tour sur lui même, rapide à comprendre qu’il n’y a pas trente six solutions.
« Il faut escalader le grillage.
— Oh, bon sang. » soupire le docteur Willem. Ce n’est pas un homme d’aventures, la fatigue le tiraille déjà.
Mercure passe le premier, il se retrouve de l’autre côté sans mal. Ensuite, Matthew aide son ami à grimper jusqu’en haut du grillage, les espaces pour poser ses pieds sont étroits, et le docteur sent ses jambes qui tremblent.
« Saute de l’autre côté, Mercure te rattrapera.
— N’ayez pas peur, docteur. »
Le grillage n’est pas si haut que ça, deux mètres, vaguement. Regarder en bas lui donne le tournis, et la vue d’ensemble de la mer, sur laquelle se rapproche l’embarcation de la police, ne le rassure pas du tout. Une jambe après l’autre, Johan passe de l’autre côté du grillage, il s’apprête maintenant à sauter, les yeux fermées. Loin d’être une bonne idée apparemment. C’est dans les bras de Mercure que le docteur termine, sans aucun os de fracturé ou cartilage partit en voyage.
« Vous voyez, Docteur ? Aucune raison d’avoir peur.
— Ah, Mercure, toi et moi n’avons pas le même âge. » Cette réflexion amuse considérablement le rouquin, et fait sourire Matthew qui saute à son tour du grillage.
« Oui c’est certains, j’ai plusieurs centaines d’années de plus que vous. » Comprenant l’ironie, le Docteur Willem parvient enfin à se détendre, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut ralentir la cadence, la police sera bientôt là.
Le petit groupe traverse la partie privé du port’ jusqu’à la nationale qui se trouve juste derrière. Ils ont pour objectif de retourner dans le centre de Femir, où Dylan les attend peut-être. C’est dangereux, parce que la police doit y grouiller. Alors Mercure réfléchit, Dylan n’y sera pas, il a prit une femme en otage, lui aussi est passible de jugement.
« Dylan doit nous avoir laissé un message quelque part, il y aura inscrit le lieu de rendez-vous.
— Tu penses à un endroit en particulier ?
— Oui.» Matthew a tendance à lui faire confiance, il suivra Mercure, alors que Johan, lui, ne se sent plus rassuré du tout.
« Mercure, ça doit grouiller d’enquêteurs et de policiers, es-tu vraiment sur de vouloir y aller ? Tu pourrais rester en retrait pendant que nous allons prendre contact avec l’institue. Cette histoire avec Dylan, c’est à la police de s’en occuper, tu ne crois pas ? Que va t-il t’arriver d’horrible si tu retournes te battre avec ce garçon ? Ça ne te ressemble pas, Mercure… »
Le petit groupe s’arrête le long de la route, en retrait, en dessous des arbres. Il ne pleut pas, mais le ciel grisaille toujours, Mercure cherche une nouvelle fois le rayon de soleil qui le réconforte.
« C’est sans doute la chose la plus stupide que j’ai fait de ma vie. Je n’aime pas me battre, je m’attriste de la situation. Mais Dylan, il est monstrueux et je suis terrifié à l’idée qu’il fasse du mal à Agathe. Je l’aime, je veux passer le plus de temps possible à ses côtés. Je veux oser la confrontation qui m’a terrifié par le passer, je veux cesser de me contenter de vivre, c’est terrible, et j’ai le sentiment d’avoir perdu la majeure partie de ma vie à attendre que quelque chose se passe. La vie n’est pas faite pour attendre, ou du moins pas ici, pas avec ce cerveau là. Il est temps de m’adapter au monde qui m’entoure. A commencer par démontrer mon incontrôlable amour pour Agathe. »
Ce n’est pas facile, mais Mercure se sent soulagé. S’il va jusqu’au bout, ce sera la première étape d’une libération.
Il n’est pas resté jusqu’au bout avec Thomas, et il n’a pas eu le courage de réitérer une relation complète avec Amélie, ayant rompu les fiançailles, et encore pire, il n’a même pas entrepris la démarche de dire à Alice qu’elle lui plaisait. Il ne refera plus la même erreur.
Suite à ses pensées lourdes, Mercure se frotte le visage, ces plusieurs jours le fatiguent terriblement. Il sourit tout de même.
« Finalement, heureusement que je n’ai pas dit à Alice que je l’aimais. Sinon, je n’aurait jamais connu cette fabuleuse relation avec Agathe. Oh, Agathe, comme je l’aime. »
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