Chapitre 60
A chaque fois qu’il donne, ou reçoit, Mercure entend les notes du Piano de Porcelaine. Une note à la fois, dure au début, puis douce. C’est vrai que ça fait mal, ce n’est pas agréable, mais c’est nécessaire.
Une note en plus.
Dylan vient de le frapper dans le ventre, puis encore contre sa poitrine. Mercure ne tombe pas, à aucun moment, il reste debout avec les pieds bien ancrés dans le sol, et il se bat. Il ne se défend pas, il se bat.
A l’intérieur, chaque fleur saigne.
Monsieur Ford et le Docteur Willem viennent d’arriver, ils réfléchissent à une solution pour arrêter les deux garçons qui n’ont plus la notion du mouvement, il n’y a plus rien autour d’eux, ils sont tous seuls.
Agathe est pétrifiée, elle reste par terre contre le docteur Harris, et refuse de regarder. Elle serre ses coudes contre son corps, et se presse les oreilles. Elle voudrait que ça s’arrête immédiatement, que personne ne se fasse du mal.
« Je ne veux pas que ça continue, je veux que personne ne se batte, je ne voulais pas tout ça … » Répète-elle avec les larmes aux yeux. Son père se précipite la prendre dans ses bras. L’odeur qu’elle dégage n’est pas agréable, et sa peau est un peu poisseuse.
« Oh Agathe ! J’ai eu tellement peur, pardonne-moi ma Cherie, tu n’as pas à supporter une chose pareille ! » La jeune femme s’accroche aux vêtements de son père, avec la fatigue elle pourrait s’endormir dans ses bras.
« Comment va-elle ? » Le docteur Harris se frotte la nuque, lui n’arrive pas à quitter les deux combattants des yeux. Il scrute chaque blessure ou bleu apparaissant sur leur peau.
« Elle n’a pas de blessure, mais sa tension est basse et elle est fatiguée. Elle va avoir besoin de beaucoup de repos. Quant à son moral, il lui faudra du temps pour s’en remettre. » Monsieur Ford hoche la tête, il a compris mais son inquiétude ne baisse pas aussi rapidement.
« Ça va aller ma chérie, ça va aller. »
Ensuite, Monsieur Ford se concentre sur le combat des deux garçons, il voudrait intervenir, avec sa carrure il pourrait effrayer Dylan.
De plus en plus de fleurs jaunes sont écrasées, Mercure a le sentiment de ressentir la douleur de chacune d’elles, c’est un crime supplémentaire à chaque fois.
La dernière balle, elle sera la punition pour chacun d’eux.
Le rouquin attrape son adversaire par le col pour le rapprocher d’un coup sec, histoire de le regarder dans les yeux, de près.
« Tu va vraiment toutes les tuer ? Tu vas vraiment les faire souffrir une par une sans aucune gêne ? » En guise de réponse, Dylan lui crache au visage, avec un petit sourire arrogant en coin. Et pour démonstration, il écrase la première fleur qu’il vient à son pied droit. Il la détruit, la démolit complètement. Il ne reste plus grand-chose de cette pauvre fleur jaune.
Fou de rage, Mercure frappe en plein dans le nez de Dylan, du sang jaillit de ses narines immédiatement.
Monsieur Ford se rapproche en retroussant ses manches, il adopte une voix et une allure autoritaire.
« Dylan, ça suffit maintenant, vos gamineries sont allées beaucoup trop loin. »
Pourquoi rien ne change ? Ils vont se donner des coups à l’infinie jusqu’à l’épuisement, puis, ils s’effondreront. Et alors, personne n’aura gagné. Dylan a bien compris que ce chemin sans fin ne les mènera à rien, il est le premier à dégainer son arme. Un Beretta, noir et sale, échangé contre on ne sait quelle contrepartie. La première balle se loge dans le tronc juste à droite du Terrier.
Le coup de feu en surprend plus d’un, mais pas Mercure. Monsieur Ford est arrêté immédiatement dans son élan.
« Alors ? Vas-y, sors ton arme. Qu’on se batte pour de vrai. Ça n’est plus drôle, là. Et puis ce combat est entre toi et moi, personne d’autre.» explique Dylan en lançant un regard noir au père d’Agathe. Monsieur Ford lève les mains lentement, et recule de quelques pas. Mercure doit rester complètement impassible et ne surtout pas céder.
La dernière balle est chaude, elle est impatiente, mais elle n’est pas encore prête.
Maintenant, il se pose plusieurs questions. Est-ce que Dylan sait s’en servir ? Ou bien tirera-t-il aléatoirement ? Ce serait un avantage. Ensuite, combien de balles possède-t-il ? Si les chambres sont pleines, il peut tirer huit cartouches avant rechargement. Si Dylan s’en sert mal, ça peut aller très vite et il se retrouvera désarmé rapidement.
L’une d’entre elle vient déjà d’être gaspillée.
Et une de plus, pour la démonstration ridicule en tirant sur un oiseau, perché dans un arbre. La pauvre bête s’effondre dans l’herbe. Quand Mercure lève les yeux, il aperçoit un nid imbriqué entre deux branches solides.
« Je vise très bien.
— Parfait. »
Le docteur Willem se sent obligé d’intervenir, même si sa voix est fébrile et qu’il se s’approche pas trop, même monsieur Ford a décidé de s’éloigner, et rejoindre sa fille.
« Nous ne sommes vraiment pas obligés d’en arriver là. Je vous en prie, cessez cette bagarre. » Le garçon à la veste rouge pouffe de rire, il n’adresse cependant pas un seul regard au docteur. Il vise bien droit devant lui, la poitrine est l’endroit le plus sûr.
Dylan tire sur la gâchette, ses coups sont prévisibles malgré tout, il se serre de son arme comme s’il se trouvait dans un Jeu Video. Alors quand le rouquin se baisse bien assez rapidement, la balle s’enfonce dans la terre. La troisième.
Mercure se relève d’un bond et saute au cou de Dylan, le mieux serait toujours de le désarmer. Parce que les accords que Dylan joue quand il tire, ne sont pas du tout mélodieux.
Mercure et Dylan tombent dans l’herbe, et le rouquin fait de son mieux pour plaquer le poignet de son adversaire contre le sol. Si sa main est immobilisée, le reste pas vraiment, Dylan gigote dans tous les sens et il donne de récurants coups dans l’estomac du rouquin.
Il pourrait le tuer maintenant. Sortir le Colt de sa ceinture, et tirer dans le cœur de Dylan.
« Putain, lâche-moi ! » Dylan donne un coup de genou dans la dernière blessure de Mercure, celle qui se trouvait sur son flanc. Même si celle-ci avait correctement cicatrisé toute seule, la douleur le lance immédiatement. Dylan va se libérer dans la seconde qui suit, alors le rouquin appuie de toutes ses forces sur les veines de la main entravée, ce qui provoque un cri sans délai. Dylan lâche le Beretta.
« Non ! »
Faute de pouvoir l’attraper, Mercure tape dans le pistolet pour l’éloigner davantage. Si Dylan ne l’avait pas fait trébucher ça aurait marché.
« On pourrait peut-être aller le chercher. » Propose le Docteur Harris. Son ami médecin le regarde avec des yeux ronds.
« Tu es fou, on ne devrait pas rentrer dans cette bagarre. » Le docteur Willem se frotte le dos des mains, peut-être que Matthew a raison, ou peut-être qu’il est inconscient.
Ce qui est inconscient, c’est que tout le monde reste autour, et ne réagit pas. La peur les pousse dans leurs retranchements, Dylan leur a déjà prouvé que c’était un homme sans réflexion, qu’il n’hésitait pas à se mettre en danger inutilement, lui, et les autres.
Le son des coups de feu, des cris de rages et de douleurs, évidemment, c’est trop dangereux. Le groupe recule même de quelques pas pour s’extraire de la zone de danger. Avec Dylan malheureusement le monde entier est une zone de danger.
Mercure frappe dans le Beretta à chaque fois qu’il parvient à se dégager les jambes, le repoussant d’un demi-mètre à chaque fois. Dylan grogne de rage.
« Rend-le moi, putain ! »
Celui qui se prenait pour le plus fort du monde, n’est finalement plus grand-chose sans une arme à feu ou un couteau.
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