Premier jour
Quelques jours plus tard, Estelle informe Lance que le contrat est prêt, il eut officiellement se présenter à l’accueil pour finir les formalités, et commencer à s’intégrer à l’équipe pour commencer ses investigations discrètement.
Passant par l’accueil, Mathilde est la première à le féliciter. Lui demandant de la suivre dans un bureau attenant à l’accueil afin de prendre la photo qui sera apposée sur son badge d’accès, la jeune femme en profite pour essayer de ce rapprocher du quadragénaire.
- Monsieur Whiteknight, ne bougez plus. Parfait. Ne souriez pas, vous serez trop mignon pour le badge.
- Mademoiselle, je ne suis pas un peu trop vieux pour que vous me fassiez ce genre de compliment ? Réagit Lance, sur un ton taquin
- Vous savez, je suis stagiaire, je ne suis là que pour quelques mois, ensuite je retournerai seule à mes études. Le but d’un stage est aussi de faire des connaissances, se construire un réseau et … garder de bons contacts une fois le stage terminé.
- Vous avez raison, sur la partie du réseau. Pour le reste, ne faites pas confiance trop vite à des inconnus, même si ce sont de nouveaux collègues.
- Ne vous inquiétez pas, je sais me défendre, certains ici en ont fait les frais.
- Oh ? C’est vrai ?
- Oui, certaines personnes ne comprennent que quand ils sont remis à leur place. Vous aurez l’occasion d’en rencontrer quelques-uns ici. L’ambiance peut être détendue, parfois … trop, et certains managers profitent parfois de leur position, disons, hiérarchique.
- Il faudra que vous me racontiez ces anecdotes croustillantes, mademoiselle. J’adore les potins.
- Alors, disons, ce midi au restaurant d’entreprise, pour faire connaissance, continuer à discuter ?
- Parfait, mademoiselle …
- Mathilde. Comme la femme de Guillaume le Conquérant. Avec votre prénom, vous devez aimer les récits historiques.
Une fois le badge réalisé, la réceptionniste demande à Lance de patienter quelques minutes, non sans lui avoir apporté un café, le temps que Madame Darcy viennent le chercher pour le conduire jusqu’à son poste.
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- Bonjour Lance, dit Madame Darcy en arrivant, main tendue. Si vous le voulez bien, appelez moi Marie-Chantal, et je vous appelle également par votre prénom.
- Avec plaisir. Ce sera plus simple et plus amical.
- Suivez-moi, je vous conduits à votre poste, où je vous donnerai votre matériel informatique ainsi que les premières explications pour vous connecter,
Une fois arrivé au dernier étage, ils entrent dans le bureau dans lequel Lance avait passé la première partie de son entretien.
- Comme nous allons travailler en binôme, nous avons installé votre bureau avec le mien, de façon à être plus efficace. Nous serons à directe proximité d’Estelle, je veux dire Madame Cabreret. Juste à côté, vous trouverez l’équipe commerciale, dont vous ferez connaissance cet après-midi. En attendant, je dois vous montrer comment fonctionnent nos systèmes, nos procédures, …
S’en suivent un long temps d’explications durant lequel Lance essaye d’enregistrer le maximum d’informations afin de pouvoir répéter les procédures lorsqu’il devra être autonome.
Marie-Chantal, toute à ses explications, semble moins tactile que pendant l’entretien, toute concentrée à sa tâche de former son binôme. Le temps passe rapidement, sans que personne ne s’en rende compte. Soudain, la porte du bureau s’ouvre brutalement.
- Poupée, c’est l’heure d’aller manger. Ce midi, ça va être du lourd, je suis mort de faim. Dit un homme plutôt petit, trapu,
- Jean-Eudes, je te présente Lance, le nouvel assistant adjoint.
- Ah. Oui. Pardon. Le nouveau. Jean-Eudes de Nuchèze. Je suis le responsable commercial. Nous discuterons cet après-midi, si j’ai bonne mémoire. Bon, c’est pas tout ça, Marie, il faut y aller, je n’ai pas beaucoup de temps et tu le sais.
- Lance, dit Marie-Chantal, le restaurant d’entreprise est au rez-de-chaussée, au fond à droite après avoir passé l’accueil. Vous payez avec votre badge, vous verrez, rien de plus simple. Je vous fait faux-bond aujourd’hui, j’avais déjà un engagement, mais nous pourrons déjeuner ensemble demain.
L’assistante et le commerciale partent ensemble vers les ascenseurs, laissant notre détective seul dans le bureau, qui décide de suivre le conseil et part à la découverte de ce qui sera sa cantine pendant quelques jours.
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Arrivant au rez-de-chaussée, traversant le grand hall, une voix interrompt l’avancement de notre enquêteur.
- Monsieur Lance, je vous attendais. Vous n’allez pas me poser un lapin ?
- Bien sûr que non, Mademoiselle Mathilde. Allons-y, faites moi découvrir les mets raffinés que nos chefs cuisiniers nous mitonnent pour nous garder au summum de notre productivité.
- Monsieur Lance. Vous maniez si bien les mots. Je suis certaine que toutes les femmes meurent d’envie de tomber dans vos bras.
- Toutes, non, probablement pas, jeune fille. J’ai eu du succès, quand j’étais plus jeune. Aujourd’hui, mon travail me prend beaucoup de temps.
- Alors mêlons l’utile à l’agréable. A table !
Après quelques minutes d’attente, le duo arrive devant les plateaux, début du parcours du complexe choix d’entrées, plats et desserts. La diversité de menu étant relativement importante, le premier jour est assez complexe. Ensuite, les habitudes prennent le pas, comme l’atteste le choix très rapide opéré par Mathilde, qui en quelques secondes a rempli son plateau et attend Lance à la caisse.
S’ensuit le rituel du paiement, puis de la recherche de places disponibles. L’espace est relativement grand, cependant la disposition suffisamment aérée pour ne pas sentir le nombre de convives. Lance cherche du regard où peuvent être Marie-Chantal et Jean-Eudes, mais ne les trouve pas dans cette foule. Pendant ce temps, Mathilde a trouvé deux places sur une table isolée.
Et le duo de discuter, de tout, de rien, de la pluie et du beau temps. Par moment, la jeune femme se laisse aller à un rire délicat, réagissant aux mots de cet homme bien plus âgé qu’elle, semblant chercher à le séduire. Pourtant soudainement, Lance la sent se fermer.
Au bout de la salle approchent Marie-Chantal, suivie de près par Jean-Eudes. La femme semble avoir les cheveux légèrement décoiffés, les joues rosies. L’homme a la chemise mal mise dans son pantalon. En arrivant à leur hauteur, le manager les interpellent.
- Et bien, à peine arrivé et tu connais déjà les meilleurs plans du bureau. Attention à ne pas te faire surprendre, au moins pas pendant ta période d’essai.
Ils partent alors prendre une place à une table plus éloignée, Marie-Chantal baissant les yeux, marchant en regardant ses pieds avant de s’asseoir en tournant le dos à Lance, semblant ne pas vouloir rester face à lui.
Lance se retourne sur Mathilde, tendue comme un arc prêt à se rompre.
- Que t’arrives-t-il ?
- Rien. Laisse tomber. Ce n’est rien.
- Il se passe quelque chose. Raconte moi. De toute façon, je finirais pas tout savoir.
- C’est juste ce … connard. Excuse moi, je n’ai pas d’autre mot.
- Et il t’a fait quoi ?
- Pas qu’à moi. C’est un manipulateur, un menteur, exhibitionniste, … violeur.
- Wow. Tu as des preuves de ce que tu avances ?
- Non, aucune. Il a essayé de me faire tomber dans ses filets, j’ai réussi à me protéger. Mais regarde Madame Darcy. Elle a fait quoi avec lui ?
- C’est vrai qu’ils sont descendus avant moi, et qu’ils viennent à peine d’arriver. Ils ont pu aller ailleurs ensemble, faire une course, n’importe quoi, …
- Non, regarde sa dégaine à elle. Il l’a sauté, c’est certain. Et vu sa tête, je ne suis pas certaine qu’elle était consentante. D’autant qu’elle n’est pas amoureuse de lui.
- Déjà, comment sais-tu qu’elle n’est pas amoureuse de lui ? Et regarde, tu es bien en train de me draguer, pourtant tu n’es pas amoureuse de moi.
- Je ne peux pas révéler comment je le sais. Mais c’est une certitude. Être invisible à l’accueil offre de nombreuses possibilités de découvrir tous les petits secrets, les ragots, les potins, …
- Raconte moi tout.
- Non, pas maintenant. Plus tard, peut-être, un soir après le travail, mais pas ici. Il faut que j’y retourne, je vais être en retard à mon poste. Passe me voir avant de partir ?
- OK, ça marche. File.
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Repassant quelques minutes plus tard dans le hall d’accueil, Mathilde lui lance un clin d’oeil et un baiser d’un geste discret de la main. Attendant que la porte de l’ascenseur s’ouvre, il est bientôt rejoint par Marie-Chantal et Jean-Eudes, qui montent en même temps que lui.
Leur tenue est ajustée, les coiffures faites, comme si rien ne s’était passé, comme si ce que l’enquêteur avait cru voir n’était que illusion.
- Lance, je vous propose d’aller prendre un café, puis nous devons allez vous présenter à l’équipe commercial. Dit Marie-Chantal. Comme Jean-Eudes est avec nous, nous pourrons faire d’une pierre, deux coups.
Devant la machine à café, le manager commence immédiatement à présenter les activités de son service, son importance au sein de la structure.
- Ici, tout fonctionne grâce à moi et au service commercial. Quand j’ai repris le service, rien n’allait, j’ai tout retravaillé pour que nos chiffres soient atteints, et en six mois, nous avions dépassé nos objectifs. Explique Jean-Eudes.
- J’ai lu dans le magazine interne que Madame Cabreret a été promue justement grâce aux excellents résultats obtenue. Questionne Lance
- Cette petite pu … promotion lui a été donnée parce qu’elle a revendiqué les résultats de mon travail. Ne soyons pas dupes, nous savons tous comment elle a obtenu l’aval du président. N’est-ce pas, Marie-Chantal, nous savons tous comment obtenir un bel aval.
- Jean-Eudes, si le Comité Directeur a nommé Estelle, il a de très bonnes raisons, sans remettre en cause le fait que les excellents résultats du service commercial sont dus à ton travail assidu et à ta vision et les qualités de ta réorganisation.
S’ensuit une présentation classique des principaux clients, des produits vendus et de leur rentabilité, de l’intérêt porté par le marché sur le portefeuille de la société, tout en soulignant la stratégie innovante en place et la volonté de gagner de nouveaux marchés
A chaque moment, Jean-Eudes en profite pour rabaisser le pouvoir d’Estelle, ce qui a le don, à chaque mot, de faire rougir Marie-Chantal, qui regarde ses pieds depuis tellement de temps qu’elle doit avoir le cou raide à la limite du torticolis, ses mains serrées aux jointures si blanches que Lance s’attend à les voir craquer sous la pression.
A la fin de la visite et des explications, Marie-Chantal et Lance retournent dans leur bureau commun. L’assistante semble tellement mal à l’aise que Lance suggère une pause, pour prendre l’air en buvant un thé, justifiant ce besoin par un mal de tête lié à la mémorisation de toutes ses informations.
La jeune femme accepte avec une joie non dissimulée cette opportunité de changer de sujet, pour discuter avec son nouveau coéquipier de son arrivée dans l’équipe. Il sera toujours temps pour Lance de trouver une occasion de discuter avec elle de ce qui semble être une très forte jalousie, telle Napoléon cherchant à compenser sa petite taille par la grandeur de ses victoires militaires.
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En milieu d’après-midi, alors que les deux assistants sont concentrés dans leurs tâches, apparaît Estelle.
- Monsieur Whiteknight, je voudrais vous voir dans mon bureau à 18h00 pour faire le point avec vous de votre première journée. C’est possible ?
- Oui, volontiers, madame, avec plaisir.
- Marie-Chantal, pouvez-vous me faire une faveur ? Il faut regarder la réservation de mes vols et hôtels pour la convention de la semaine prochaine. Pouvez-vous regarder ce qui est encore disponible ?
- Bien sûr, madame, vous aurez le tout sur votre bureau demain matin.
- Parfait, vous êtes un ange. Je vous laisse, la revue de direction va commencer. Je ne sais pas pourquoi, Jean-Eudes est remonté comme un coucou suisse.
Les deux assistants se regardent, un éclair malicieux dans les yeux. Eux savent bien pourquoi Napoléon est monté sur ses grands chevaux. Cette intervention aura au moins permis de détendre l’atmosphère dans le bureau.
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A l’heure dite, Lance se présente dans le bureau d’Estelle. Une fois la porte fermée, il voit la dirigeante se détendre immédiatement, cherchant une forme de réconfort dans la présence auprès d’elle de l’enquêteur. Elle lui demande immédiatement de lui raconter dans le détail tout ce qu’il a pu remarquer.
De façon la plus professionnelle possible, Lance commence alors son debriefing, principalement le comportement très limite de Jean-Eudes et les remarques collectées auprès des différentes femmes avec qui Lance a pu parler, mais également de la relation entre Jean-Eudes et Marie-Chantal.
- Jean-Eudes a-t-il déjà essayé de vous faire des propositions ?
- Bien sûr que oui, comme avec la plupart des femmes qui ont plus de pouvoir que lui, ou celles qui peuvent l’aider à monter sur un piédestal plus haut que ses concurrents masculins. C’est un excellent commercial, mais avec un ego surdimensionné et un syndrome d’infériorité très marqué.
- D’accord, donc je comprends la réaction de la stagiaire à l’accueil, qui tient de la gravure de mode. Mais pourquoi Marie-Chantal ?
- Vous êtes certain, pour eux deux ?
- De plus en plus au fur et à mesure que le temps passe. Avec un doute sur l’amour qu’ils se portent. C’est plus sexuel, animal, que sentimental. Après, certains aiment ce genre de relation, je ne peux pas juger les mœurs d’une personne, cependant je dois analyser si cela peut impliquer un levier sur notre enquête.
- En parlant de levier … je n’ai pas l’habitude de ce genre de vocabulaire, mais il paraît qu’il a … une petite bite. Dit Estelle en rougissant, mal à l’aise. Il ne sait pas satisfaire ses conquêtes, il ne pense qu’à lui.
- Alors que peut bien apprécier Marie-Chantal chez lui ? Il doit y avoir quelque chose là-dessous, qu’il faudra que je trouve.
Estelle et Lance continuent à discuter, de cette journée et de ces découvertes, quand Estelle s’interrompt.
- Au fait, j’y pense. Il serait bien que vous veniez à la convention, comme mon assistant. Jean-Eudes sera peut-être présent, et il va forcément essayer de faire de la lèche à la direction.
- Aucun problème. Qu’attendez vous de moi, pendant ce voyage ?
- Vous aurez l’occasion de rencontrer le Comité Directeur au grand complet, de voir comment ils agissent envers moi. Je me demande si ils ne m’ont pas nommé pour avoir leur quota de femme, par défaut, pas pour mes compétences propres
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Le comité est uniquement masculin, à part moi. Disons que, peut-être que les remarques répétées de Jean-Eudes commencent à avoir raison de mon mental, mais souvent, quand je suggère un plan d’action, une solution, elle est balayée par la main par tous ces hommes.
- D’accord, je regarderai ceci. Et je serais votre garde du corps, puisque je sens que vous n’osez pas me le demander. Ne vous inquiétez pas, tout ira bien.
- Parfait. Il faudra que j’en parle à Marie-Chantal et à Pierre. Elle sera peut-être contente de ne pas avoir cette corvée cette année, et Pierre va probablement râler de mon abscence, mais bon, c’est une réunion annuelle, il commence à avoir l’habitude de mettre dans son agenda que je serais absent à cette date. Il aura sûrement déjà planifié une soirée poker avec ses amis.
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