Et si on danse ?

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— Voici ta combinaison. Elle est moins lourde et encombrante qu’il n’y paraît. Dans tous les cas, dis-toi que c’est ta seconde maison, ton refuge, si tu veux. Tu lui devras rapidement ta vie, car elle seule est capable de te protéger des dangers du milieu sous-terrain.

Zelo ouvrit une armoire et désigna une combinaison brunâtre. Elle était gigantesque, pleine de tuyaux et de cadrans.

— Dame ! Lui dis-je, et si on danse ?

— Ha ha ha ! Très drôle Ernesto. Je ne plaisante pas, tu sais. Le sous-sol comporte de nombreux dangers chimiques, radiologiques et biologiques. Je vais t’expliquer en chemin. Pour le moment, nous allons nous équiper pour faire notre première sortie… Ou plutôt notre première entrée dans le monde sous-terrain des soussols.

Sa voix avait pris un petit accent dramatique. Ce garçon aimait vraiment son métier !

— Les soussols se chargent des travaux d’inspection et d’entretien de l’ensemble des installations souterraines de la ville. Nous ne sommes pas habilités à gérer d’éventuels problèmes de radioactivité, mais il n’y a pas d’installation radioactive en ville, du moins théoriquement… Il ponctua sa phrase d’un léger toussotement.

Nous nous dirigeâmes vers un ascenseur. La structure semblait particulièrement robuste, sans doute afin de pouvoir supporter le poids d’un groupe d’agents portant leur combinaison.

— Les combinaisons ne sont pas si lourdes, m’expliqua Zelo. Ce matériel est étudié pour ne pas épuiser les agents. Tu apprendras à l’aimer, tu verras !

Nous débouchâmes dans un vaste tunnel. Un léger brouillard verdâtre s’étalait sur le sol.

— Nous y voici ! Zelo m’expliqua que l’atmosphère des tunnels était parfois toxique, voire mortelle dans certaines zones. La « combi » était donc indispensable. Vous l’avez compris, il avait un peu tendance à se répéter…

— Aujourd’hui nous allons remettre en état un relais énergétique de classe A. Il a cessé de fonctionner d’un seul coup il y a une semaine et on ne sait pas pourquoi. C’est embêtant, car il y a là-haut plus de 200000 personnes privées d’énergie. Zelo pointait son index vers le plafond de la galerie. Les gens s’agacent, me dit-il calmement.

— Pourquoi avoir attendu une semaine pour descendre ?

— Mais enfin Ernesto ! Notre équipe avait un homme en moins ! N’oublie pas que nous avons perdu Jona dans un trivalve. Le coup a été rude pour nous.

J’imaginais 200000 citadins privés d’énergie et ce qu’il se passerait s’ils pouvaient mettre la main sur Zelo et ses agents… Mais comme je fais désormais partie de cette équipe, je préférai penser à autre chose.

— Puisque tu en parles, peux-tu m’en dire plus sur les trivalves ? Ces bestioles semblent dangereuses, et pourtant, je n’en ai jamais entendu parler.

Zelo réfléchit deux secondes puis m’expliqua, d’une voix patiente :

— Les trivalves sont des coquillages de grande taille, arrivés dans la région il y a quelques années. Ils viennent des côtes rocheuses du grand lac au sud du continent. C’est une espèce invasive. Ils vivent fixés sur les parois des galeries où ils sont plus ou moins dissimulés par les mousses et autres organismes qui se développent de façon naturelle. Lorsque qu’un animal passe devant un trivalve, celui-ci écarte les trois panneaux formant la partie supérieure de sa carapace et projette une dizaine de bras flexibles qui s’enroulent autour de la proie et l’attire dans le corps du coquillage. Là, il est digéré vivant par de puissants sucs gastriques. C’est tout simple, conclut-il.

— Tu veux dire que votre collègue Jona est mort de cette façon ?

Zelo n’eut pas le temps de me répondre. Nex poussa un rugissement de rage et hurla :

— Je vais buter tous ces fumiers de coquillages, je le jure !

Zelo mit quelques minutes à calmer la jeune femme puis coupa simplement la transmission de son casque pour qu’on ne l’entende plus.

— Ouf ! dit-il, la voilà plus silencieuse !

— Zelo, je ne veux pas être indiscret, mais y avait-il quelque chose entre Nex et le collègue Jona ? Elle a l’air vraiment profondément touché par sa mort. Mon instinct de flic cosmique remontait à la surface.

— Tu es très perspicace Ernesto ! Ils étaient effectivement très proches dans la mesure où Jona lui devait une grosse somme d’argent. Nex lui avait prêté du fric pour couvrir des dettes de jeu et elle veut absolument se venger des coquillages assassins par tous les moyens.

Derrière nous, Bayek et Lygor discutaient de façon animée. On voyait qu’ils étaient engagés dans un échange radio « 1 versus 1 » (1v1 disent les soussols) car leur nom s’affichait dans une couleur différente des nôtres et clignotait sur le bord inférieur droit de la visière de nos casques. Pratique pour savoir qui entend ou écoute qui.

— Ils ont l’air de se disputer, dis-je à Zelo. Il y a quelque chose qui cloche ? C’est moi le problème ?

— Ho non, ne t’inquiète pas ! Je pense qu’ils se disputent encore à cause de la vanne 32.

Devant mon absence de réaction, Zelo m’expliqua que quelqu’un avait fait une fausse manœuvre et ouvert l’une des vannes reliant un sous-réseau d’acheminement des eaux usées. Plusieurs dizaines de tonnes d’excréments avaient alors diffusé dans les galeries d’acheminement des eaux pluviales et terminé leur voyage dans le canal 424, contaminant l’élevage de glucks local et dégageant une odeur infâme.

— Finalement, l’incident n’a pas eu de conséquence grave. Personne n’a remarqué la puanteur, car le quartier du canal 424 pue de toute façon, et comme les glucks se nourrissent de n’importe quoi, ils n’ont pas été incommodés. Seuls, les éleveurs-pêcheurs de ces coquillages ont protesté à cause du changement de couleur de l’eau du canal qui est devenue fluorescente. Ils prétendent que cela les gêne dans leur travail de nuit. Zelo souriait. Je sais bien que c’est de la blague, j’ai été pêcheur de glucks dans le temps. De toute façon, la hiérarchie a étouffé l’affaire et la version officielle de l’histoire est qu’il y a eu un accident. Pas de fausse manœuvre et donc pas de blâme dit-il d’un ton joyeux.

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, je ne risque pas de manger de glucks de sitôt !

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