L'oeil enflé, un mouchoir dans le nez, le Théâtre se tenait tout de même fier sur sa scène.

- Dites ce que vous voudrez. Eliminez-moi si vous le souhaitez, je n'en ai cure. Aujourd'hui, vous n'avez plus affaire à un Art fort et puissant, mais à un art ayant perdu toute poésie depuis que sa muse, créatrice même de la poésie, lui a avoué sa lâche tromperie avec un homme plus vieux.

- D'ailleurs, j'y pense, mais môman elle va pas nous refaire la gaffe d'inventer un autre art qui mélange littérature et théâtre. Qu'est-ce que ça donnerait, vous imaginez ? Comme le Théâtre, mais en plus pédé !

Le Dessin ne put s'empêcher de rire, mais la Littérature le mitrailla du regard. Elle l'aurait bien giflé, si la Sculpture ne la tenait pas.

- Accablez-moi d'injures, mélodramait le Théâtre, peu me chaut. Plus rien n'a de sens à mes yeux, je ne suis qu'un art trompé...

- Théâtre, arrête !

C'était la Littérature qui avait finalement réussi à se lever.

- Tu n'es pas un art trompé, je t'interdis de dire ça. Oui, j'ai couché avec le Dessin, mais cela était il y a longtemps, bien avant que tu n'apparaisses. Dès que tu es arrivé, j'ai quitté le Dessin, et n'ai plus pensé qu'à toi.

- C'est surtout, s'énerva le Dessin, que pendant un bon bout de temps, j'ai été le seul homme à cette table. Madame avait la dalle, mais quand de la meilleure bouffe est arrivée, elle s'est jetée dessus. Ne lui faites pas confiance, Théâtre, dans quelques semaines, elle sautera sur le Jeu Vidéo.

- Menteur, cria-t-elle.

- Peste ! répondit-il.

- Monsieur ! s'exclama le Théâtre, je ne permettrais pas qu'on insulte mon aimée devant moi. Retirez.

- Je retire rien du tout. Espèce de peigne-cul.

Le Théâtre voulut lui sauter dessus, mais le vieil homme l'évita in extremis, laissant son agresseur se vautrer au sol.

Le bruit du choc fut tel que la Bande Dessinée l'entendit. Qu'elle en ait ensuite quelque chose à faire, c'est une autre histoire.