Le vote
- Maintenant que tout le monde a pu se défendre, le vote va pouvoir commencer !
L'Architecture ne s'était même pas levée, trop exténuée, et sûrement trop lasse de cette réunion qui n'en finissait pas. Encore faible de l'excitation de son monologue, le Jeu Vidéo revenait doucement à lui, sans toujours vraiment savoir ce qu'il s'était passé.
- À côté de chacun d'entre-vous, vous trouverez un petit papier, ainsi qu'un stylo à plume. Dans la tradition de beaucoup de civilisations humaines, vous écrirez chacun le nom de l'Art contre lequel vous votez.
Chacun saisit son stylo, et dévisagea avec haine leur pire ennemi attablé. Le Théâtre et le Cinéma, bizarrement, furent les plus dévisagés.
- N'oubliez pas que l'Art ayant obtenu le plus de voix, disparaîtra à jamais du monde des Humains, et donc de cette table.
Alors que la Sculpture réalisait avec son constant vide cérébral qu'elle ne savait écrire, que la Musique découvrait que les différentes notes de son art ne lui permettait pas d'écrire un nom, le Jeu Vidéo, enfin remis, réfléchissait à qui pouvait-il bien éliminer.
Car il était le petit dernier, et tous les Arts autour de cette table avaient mené à lui. Si l'un d'entre eux disparaissait, il ne pouvait plus, à son tour, exister. Et son discours n'avait certainement rien changé à la haine.
Il ne savait alors quel nom écrire, mais alors qu'il saisit le stylo, il réalisa grâce à ce simple objet, ce qui était en train de se dérouler.
Tout ceci n'était qu'un piège, qu'une mascarade. Le vote était faux, car toute la table était manipulée. Ce n'était pas une vraie réunion des Arts, mais...
Il était dans une nouvelle, dans un conte. Tout ceci n'était pas réel et, au fur et à mesure qu'il se stupéfiait, il sentait l'auteur que j'étais décrire et manipuler ce qu'il se passait en lui.
- Arrêtez tout !
Il attira encore une fois toute l'attention sur lui, et tous coupèrent court à leur gribouillage pour le regarder. Il sentait la pression revenir, mais se tapa la poitrine, pour que j'arrête de le déstabiliser, et qu'enfin il ait le courage de dire :
- Nous sommes dans un piège, cette réunion n'est pas réelle !
- Les débats sont terminés, grogna la Littérature.
Alors tout lui devint clair, et luttant contre les mots que j'écrivais, balbutia :
- Nous somm....es dans une nouv....elle. Une masca...Carade de la Litt...Érature.
Alors les regards se posèrent sur la susnommée. Elle rougit, et sentit sa gorge se nouer.
- Il dit n'importe quoi ! Il essaie juste de trouver une astuce pour ne pas se faire éliminer !
Mais curieuse, L'Architecture lui fit signe de se taire, et regarda le Jeu Vidéo.
- Développez.
- Tout ceci est faux, c'est de la fiction ! Ça n'existe pas, le vote est faux ! Tout ce qu'il se passe est écrit, ou s'écrit pendant que nous parlons. Et chacun vote par écrit, alors que nous sommes censés voter en notre Art !
En bon serviteur, j'aurais aimé servir ma maîtresse. Mais l'entourloupe avait été découverte, et alors qu'on tournait tous les regards contre elle, elle se leva de sa chaise.
- Je n'accepte pas que l'on m'accuse !
Elle voulut partir, mais la Sculpture la saisit au poignet.
- Je me disais bien que je n'étais pas si bête.
Car oui, elle savait parler. Mais étant la plus maléable de tous, je l'avais choisie comme cobaye à abrutir. L'Architecture se leva, et prit son air le plus militaire.
- Au nom de tous les Arts, Littérature, je vous ordonne de rester à votre place.
La Littérature ne put que se rasseoir, coincée par ces horribles accusateurs qui...
- Et vous, l'auteur de ce traquenard ! Fermez-la !
Je...
- Chut ! Le véritable vote va désormais pouvoir commencer ! Arts, levez-vous, et ensemble, décidons désormais qui de nous disparaitra à jamais de la table des Arts, et donc de toute l'histoire de l'Humanité !
Et de toute sa puissance, l'Architecture se transforma en la Bibliothèque du Congrès, la Sculpture prit la forme du buste de Victor Hugo, le Dessin en La Liseuse de Fragonard, la Musique en La Chanson de Prévert, le Cinéma en Le Seigneur des Anneaux, les Médias en l'émission "Voyage au bout de la nuit", la Bande Dessinée en roman graphique, et le Jeu Vidéo en son adaptation du Sorceleur.
La sentence était tombée, et seul le Théâtre n'avait eu le courage de participer. Il regarda son aimée se désintégrer dans un horrible cri de détresse, tandis que ces lignes que vous lisez, décrivant la mort de la Littérature due à sa traîtrise, furent les dernières de son oeuvre.
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