Soleil vert (poème)
Dans l'éclat vert et brillant
d'un rayon de soleil vert
j'ai levé des yeux si grands
que mes yeux verts ont souffert
Vigie vacillant au gré des rafales qui rabattent mes cils je me tiens debout en bordure du néant et j'arrose de larmes les morts et la poussière de leurs os
abrasés
Dans l'envers de ses ivresses
l'innocent souvent se perd
si l'Enfer me ment sans cesse
c'est le Ciel qui m'exaspère
La fournaise affole le monde et reflue en vagues brûlantes vers les chairs si tendres des jeunes pousses germées en douce dans les sillons de mes pleurs
par erreur
Vérité sévère idée
comme un dieu vide et repu
un soleil vert et ridé
que mes yeux verts ne voient plus
En rien nous n'avons cru mais nous avons cuit à la fin enfournés dans nos cubes de briques réfractaires à l'Univers prisonniers de nos rêves de paille et de tristes
artifices
Cécité si mes paupières
s'ouvraient sur le firmament
j'en verrais les murs de pierre
une vie d'enfermement
Seul un fou fait de beaux rêves quand crèvent les arbres leurs bras secs levés en signe de reddition moi je pisse sur la grève et ses galets qui ne pourront plus jamais
ricocher
J'enverrai paître en Enfer
les moutons à face humaine
je mettrai mes yeux sous verre
et j'irai bêler ma peine
Rat des champs je ronge fébrilement le temps comme une lanière de souvenirs en cuir et je déchante enfin dans la fraîcheur des soirées qui apaisent les plaies du jour
ravageur
Je ne sais vers qui vers quoi
déverser mes états d'âme
l'univers est de guingois
le pion fou a pris la Dame
La nuit je sors lire les panneaux des villes à la lueur des feux follets dansant près des égouts elles avaient quand même de jolis noms les villes avant de s'effriter dans la brise
par surprise
Dans l'envers des apparences
s'est glissé la vérité
qui verrait la différence
entre hiver et presque été
À l'aube luiront les éoliennes rouillées dans leurs robes ruisselantes de rosée et leurs pales immobiles pâles comme l'oubli finiront bien par tomber sous les coups sauvages
des orages
Entre automne et presque hiver
entre amour et déraison
entre le blanc des calvaires
et le rose à l'horizon
Comme une Lune abusée que ses milliards de révolutions n'ont jamais libérée du joug de la Terre je rêve de dérive au-delà des apogées jusqu'aux lointains rivages ombragés
du passé
Dans le glas fort et bruyant
du tocsin des temps modernes
j'ai lancé un cri si grand
que le Ciel s'est mis en berne
Alors le vent saura raviver les braises qui s'étiolent comme des lucioles privées de nuit noire et des feux fiévreux fleuriront enfin sur les tombes de toutes les créatures
disparues
Dans l'éclat vert et brillant
d'un rayon de soleil vert
j'ai levé des yeux si grands
que mes yeux verts ont souffert
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