Vous ne me croirez pas.

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Votre petit chat préféré trottinait à côté de Merlin.

L’Enchanteur s’arrêta et me lança un regard étrange :

« Petit chat, es-tu sûr de vouloir retrouver tes amis ?

— Vieil homme, tu m’as posé cette question cinquante fois !

— C’est, précisa Merlin, que ton choix te dépasse largement, il aura des conséquences, que tu ne peux imaginer.

— Par exemple, me faire redevenir un homme ?

— N’est-ce point ce que tu désires ?

— Je ne sais pas ce que je désire, avouai-je.

— Pourtant, tu désires retrouver tes amis.

— Quoi qu’il en coûte !

— Ce qui t’attend est pire que la covid, ironisa l’Enchanteur.

— Merlin, tu connais l’avenir, pourquoi t’inquiéter ?

— Connaître l’avenir, ce n’est pas pouvoir le changer. Tu utilises le mot ami, de façon bien légère : sache que tu ne seras pas le bienvenu.

— Alea jacta est, répondis-je. »

J’essayai de relancer la conversation, mais Merlin s’enferma dans le mutisme.

Je me dirigeais vers le camp de mes amis, mais je ne reconnaissais rien.

Les belles forets avaient disparu, remplacés par une maigre végétation desséchée.

Une odeur de mort rodait, je me sentais pris à la gorge, perdu, désemparé.

Je finis par atteindre le camp. Un silence pesant m’accueillit, personne ne fit attention à moi.

J’avais un mauvais pressentiment, mais ce que je vis était pire que tout.

L’homme-fauve tenait Zirki dans ses bras, elle semblait morte ou agonisante.

Je m’arrêtai stupéfait.

L’homme fauve hurla : « Tout cela , c’est de ta faute, dégage ou je te tue ! ».

Merlin retrouva la parole et me supplia de partir.

Je n’écoutai rien, je ne voyais rien, j’avançai.

Tout alla très vite, pour autant que je m’en souvienne.

Le fauve posa délicatement la jeune fille-oiseau et, en un bond, fut sur moi.

Je n’eus ni le temps, ni l’envie de me défendre.

Je tombai à la renverse sous le poids de l’homme fauve puis je sentis une douleur insoutenable, au-delà de tout ce que les mots peuvent décrire.

Puis ce fut le silence, tout s’effaça autour de moi.

Lectrice, lecteur, vous risquez de ne pas croire tout ce que je vais vous raconter.

Je n’ai aucune preuve de mes dires.

Je n’en voudrai à personne de ne pas me croire, et je ne serai pas choqué, si vous me traitez de menteur, ou d’affabulateur.

Mais tout ce que je vais vous décrire est vrai, absolument tout.

Il y eut ce tunnel, ce long tunnel blanc que celles et ceux qui ont fait cet étrange voyage ont pu décrire.

Je n’ajouterai qu’une chose : rien ne m’a jamais paru plus « réel » que ce tunnel.

Je pouvais le voir, le toucher, le sentir. Il avait un parfum de cannelle et de framboise.

Une voix étonnamment douce me rassura :

« Viens petit chat, je t’attends depuis longtemps, depuis toujours. N’aie pas peur avance. »

J’arrivai dans une verte prairie, c’était le printemps, des fleurs de toutes les couleurs

embaumaient une scène enchanteresse.

Avec le recul, ce qui m’a le plus surpris c’est le sentiment de réalité de cette scène.

J’avais l’impression que toute ma vie antérieure n’avait été qu’un mauvais rêve, que le matin se levait et que j’échappais au cauchemar de cette pseudo vie.

Puis elle vint vers moi, lentement, tendrement.

Dire qu’elle était belle serait une bien pauvre description.

Certes, elle ressemblait à Julie, mais ses cheveux étaient bien plus blonds, ses yeux bien plus doux, d’un bleu fascinant, sa voix révélait une tendresse que j’avais attendue toute ma vie.

Elle me récita un poème, un de mes poèmes :

Tu mets des fleurs dans tes cheveux

Et mon cœur amoureux

S’embrase de mille feux

Devant ce geste gracieux

Elle me regarda droit dans les yeux et m’accueillit ainsi :

« Bienvenue Odyssée, ton voyage est terminé ».

Puis elle ajouta,avec un regard malicieux qui, dès le départ, détruisit touts mes défenses : « J’espère que tu n’as pas trop froid. »

Surpris, j’abaissai mon regard vers mes vêtements : non seulement j’étais entièrement nu, mais j’étais redevenu un homme.

J’étais gêné, terriblement gêné, et à ma grande honte, je dois avouer que mon membre viril ne pouvait cacher mon désir.

Calypso se déshabilla lentement et nous ne fîmes qu’un.

Que dire ? Le bonheur ne connaît ni temps, ni ennui.

Je suis incapable de dire combien de temps je suis resté là bas, combien de baisers nous avons échangé, combien de fois nous avons fait l’amour.

Toutes ces journées n’en faisaient qu'une jusqu’à la dernière. Le temps, pourtant, passait.

J’avais demandé l’entretien spécial, prévu dans les statuts signés à mon arrivée.

J’avais atteint l’âge mûr, et je m’arrêtai devant la porte, hésitant.

J’avais pleinement conscience de l'incongruité de ma requête.

Autour de moi tout n'était que teintes pastel, douceur, " luxe, calme et volupté".

On devinait la présence d'une femme, attentive à la moindre nuance, la moindre vibration.

Qui aurait voulu quitter ce paradis ?

Et pourtant...

Je soupirai et poussai la porte.

Elle était là, belle, fabuleusement belle, plus belle que toutes les déesses de l'Olympe.

Elle me sourit, et soudain je me mis à douter.

« Vous souhaitiez me rencontrer ? Le ton était froid et protocolaire.

— Oui, Madame, j'ai rempli le formulaire.

— Quelque chose ne va pas ?

— Non, Madame, chaque jour est un jour de bonheur.

— Vous souhaitez changer la décoration, les harmonies de couleur ?

— Non, tout est parfait, murmurai-je.

— Vous souhaitez de nouveaux loisirs, de nouvelles...

— Non : ici, c'est le paradis ?

— Vous manquez de tendresse ? murmura la tentatrice. »

Je me tus et baissai les yeux, je ne pouvais supporter l'intense regard bleu qui pénétrait jusqu'au plus profond de mon âme.

La divine beauté devinait mon trouble, elle me scrutait, ironique, mais aussi, vaguement inquiète.

Le silence se prolongeait, pesant. Elle se rendait compte que son ton glacial ne m’avait pas découragé.

Je pris mon courage à deux mains :

« Je souhaite activer l'article 50.

— Le paradisexit ?

— Oui !

— Vous ne pourrez pas revenir ?

— Je sais.

— Elle vous manque tant que cela ?

— Julie ? Non !

Pour la première fois, je sentis un voile dans le doux regard de l'impassible beauté.

Je décidai de profiter de mon avantage :

« Vous refusez ?

— Non c'est écrit dans le contrat, mais...

— Mais ?

— Avez-vous songé à ce que vous perdez ? Tout cela pour un simple oiseau ?

— C'est mon choix. »

.

Calypso m’embrassa une dernière fois puis me poussa doucement.

Longuement, je tombai encore et encore.

J’atterris doucement, mes yeux étaient fermés, mais tous mes sens confirmèrent la bonne nouvelle : j’avais retrouvé mon corps de chat !

J’entendis une voix maugréer : « C’est bon, tu l’as veillé toute la nuit, on peut l’enterrer, maintenant. »

J’ouvris les yeux et croisai le regard stupéfait d’une jeune fille oiseau : Zirki !

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