J’ai démissionné.

Après la faillite, ce n’était plus tenable.

J’avais échappé à l’explosion de la supernova, j’avais échappé à ma mutation sur l’enquête publique et à toutes ces conneries. Nos managers nous annonçaient une énième réorganisation, mais plus personne n’avait la motivation. Il était plus que temps de partir. Et j’avais de la chance : la société qui avait déjà commencé à m’intéresser depuis quelques mois voire quelques années venait de s’implanter à proximité. Solar City.

Ou plutôt Tesla Energy, puisque Tesla avait racheté depuis quelque temps déjà Solar City.

Mais qu’est-ce qu’un ingénieur en radioprotection reconverti dans le planning, le suivi d’affaires et la branlette intellectuelle pouvait bien faire chez Solar City ? Je dois vous avouer que je m’étais sérieusement posé la question, mais j’avais tout de même postulé en candidat libre ; ils avaient trouvé mon profil intéressant car très éloigné de leur base, et ils avaient jugé que, de toute façon, ils étaient une start-up flexible et moi un ingénieur généraliste, et donc qu’il n’y avait pas de raison qu’au final ça ne fonctionne pas. Ils sont pragmatiques ces gens-là.

Je suis chez eux depuis trois mois, je travaille sur des appels d’offres pour construire des centrales à énergie renouvelable couplées à de gigantesques fermes de batterie pour la France, l’Ukraine et l’Australie. Je fais des études de faisabilité, j’apprends l’équilibrage de réseaux et je reprends les bases de l’électricité, dans une équipe au management efficace, réduit et effacé. C’est bizarre et ça me plaît.

En plus, Elon Musk n’a jamais été antinucléaire, bien au contraire. Il avait même toujours dit que, maîtrisé et sécurisé, le nucléaire était clairement une bonne idée. Surtout la fusion nucléaire.

Et vous savez quoi ?

Tesla Energy a justement racheté un start-up américaine spécialisée dans la fusion nucléaire, basée sur une nouvelle technologie d’aimants et de supraconducteurs high-tech bien plus performants que ceux d’Iter, dont le design est figé depuis vingt ans et qui est incapable de faire preuve de la moindre agilité et qui est donc totalement obsolète avant même d’avoir démarré.

Elon se lance donc dans le nucléaire, alors j’aime autant vous dire que ça va dépoter, et je ne vois pas comment Greenpower pourrait encaisser.

Et moi, je vais pouvoir aider Tesla Energy à développer son activité dans la fusion avec mes compétences en radioprotection nucléaire. La boucle est donc bouclée.

Mais au fond, que nous propose Elon Musk ?

Il nous offre le rêve technique, technologique et philosophique ultime qui est la conquête de Mars, mais il nous propose aussi, et peut-être surtout, de renoncer aux énergies fossiles. Il a trouvé selon moi l’équilibre ultime : il nous propose à la fois le rêve et le pragmatisme, le fantasme et l’utilitarisme, la puissance et la décroissance, la grandeur du programme Apollo couplée à un vrai projet d’humanité, il nous propose de nous rassembler en tant que société pour mener à bien les deux projets les plus importants qui puissent être pensés : nous projeter vers les étoiles sans jamais oublier notre planète dont les blessures doivent être pansées.

Chacun verra midi à sa porte, mais en ce qui me concerne, il me semble que ça a quand même un tout petit peu plus de gueule que de juste réclamer un pouvoir d’achat augmenté, un nouvel iPhone et un SUV.