Première étincelle
Tout d'abord, il n'y eut rien. Qu'un silence noir, insensible, défiant les lois de la gravité. Le néant absolu, mais tout de même, étrangement, une conscience subsistait, qui connaissait ce néant, qui était le néant. Cette conscience qui d'abord ne fut rien, avait pourtant toujours été là, inconsciente de son propre rôle en ces lieux. Drôle, non ? Absurde, peut-être ? Oh, mais rien n'est impossible ni bizarre ; vraiment, vous le savez bien, au fond.
La conscience, comme si elle partait de très loin, apparut soudain sous la forme d'un minuscule point à l'horizon. Avançait-elle, grandissait-elle ou n'était-ce qu'une illusion, se rétractait-elle, s'éloignait-elle ? Toutes ces réponses se valaient, se vaudraient à l'infini, en ces lieux où nulle vérité n'en égale une autre.
Me vint alors à l'esprit que j'étais, moi de même, quelque chose, une présence, apte à cette réflexion que j'émettais en cet instant. J'ai réalisé d'un coup que j'avais même le don de me souvenir de la première pensée qui avait mené à cette réflexion, et celui d'en suivre le fil qui continuait de se tisser dans mon esprit. Comme un moteur qui prend de la vitesse, ma conscience s'est étendue et j'ai été en mesure de comprendre que j'avais toujours été là, moi aussi. J'étais consciente tout ce temps, toute cette éternité ; je n'y avais simplement jamais réfléchi. Au fond, n'étais-je pas même cette conscience que je cite plus haut ? D'ailleurs, à quel moment étais-je donc devenu ce point lumineux, à la fois loin et proche, petit et grand ? Qu'est-ce qui s'était joué en moi pour que je cherche à atteindre une telle distinction que d'être lumière sur noirceur, unique petite étincelle de cet univers ? Toutes ces pensées, soudain, me ramenaient à cette époque si récente et pourtant si loin, où comblée de noirceur, j'avais connu un silence paisible, si paisible...
Mais trop tard, je m'animais et plus je m'illuminais, sublimes se déversaient les couleurs dans mon illumination, prenant des teintes si variées qu'il fallait encore là s'y arrêter et y songer, réfléchir à leur sens, au sens de ma conscience, de la noirceur, du temps et des formes. C'est alors que je me suis demandé, surprise : "Mais qu'est-ce que je suis, et si je pouvais me voir en entier, que découvrirais-je ?"
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