Le ciel de toi

3 minutes de lecture

Je t'ai repeint le ciel et me suis écorché sur le verre brisé d'une étoile tombée,

Mais enfant, pourquoi de tes griffes te fallait-il tout égratigner ?

Ne te faisais-je pas là cadeau du sublime recherché, convoité ? N'avais-je pas souffert assez d'avoir à avaler le soleil et cracher la nuit pour que tes yeux fragiles puissent être en paix dans ce monde impitoyable où nos deux âmes, disais-tu, pleuraient d'être les seuls d'entre nous à se gâcher ainsi ?

Mais enfant, je souffre ! Je me suis vu dans le reflet des cieux, et j'ai compris que j'étais comme "eux", ne vois-tu pas que toi aussi ?

Je t'ai repeint le ciel car il te répugnait : regarde comme il brille ! disais-tu en portant ma gorge vers le ciel, et je te répondais oui.

Pourriture, éclaboussure, explosion de haine et d'amertume, et brûle puis chauffe mais je refuse d'être aveugle,

Je ne serai pas toi ni un autre, mouton va, me crache-tu dans les veines jusqu'à ce que piscine, je m'emplisse de toi, de ton sale toi, de ta noirceur toi, et qu'à mon tour je vomisse,

Que je régurgite ton ciel et te le peigne au va et viens de mes mains nues, fredonnant un air avec la lune, celle-là qui me dit bonjour, bonne nuit, lorsque je suis sur le point de m'assoupir, celle-là qui me pique et me pique de son dardant éclat pour que jamais je ne perde vue de ce ciel en devenir,

Mais enfant, pourquoi si tu y tenais tant, pourquoi s'il te le fallait pour te rendre heureux, pourquoi si pour y parvenir il était nécessaire de martyriser un être cher, pourquoi, dis-moi pourquoi, as-tu égratigné le ciel frais peint jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que des lambeaux ? Ne te plaisait-il donc pas ? J'y avais pourtant mis tout mon âme, tout mon coeur, toute ma volonté, je le promet, alors dis-moi, enfant, dis-moi quelle a été ma faute, pourquoi me faire violence, pourquoi te faire violence, pourquoi cette violence ?

Et j'ai compris, et j'ai pleuré, car jamais tu ne m'as aimé, et toujours tu m'as détesté, et cette haine que tu portais envers le ciel, tu m'en réservais une part tout aussi importante, ainsi lorsque tu m'as vu grimper si haut, même si je le faisais pour toi, tu n'as plus vu qu'un astre tel qu'un autre, et tu m'as méprisé du plus profond de ton être, tu as voulu que je tombe, que je me déchire sur les étoiles qui dégringolaient autour de nous, que je me perde corps et âme dans la tourmente et te rejoigne là où toi-même t'était égaré.

J'ai pleuré un nouveau monde, et tu n'avais pas d'arche pour te protéger de la mer qui s'est abattu sur toi, ainsi, tu as eu à te réfugier sur le plus haut toit du monde, et de là, te tenir bien petit, car enfant, ta tête touchait à présent presque au ciel que tu méprisais tant, et sous toi coulait une source qui te méprisait, toi, plus encore, et si tu avais crut la maîtriser, la contrôler à une époque, elle se révélait aujourd'hui trop puissante pour ta petitesse.

Car enfant, cette source avait connu le soleil, les étoiles et la lune, la noirceur et le commun des mortels, la souffrance et l'amour, la créativité et le travail manuel, et enfant, cette source, mienne, pouvait tout repeindre, tout rebâtir, car en réalité, tout ce temps, nous vivions dans ma boule de verre, pas dans la tienne, et je prends conscience à présent que le ciel que j'ai repeint pour toi, c'était un ciel qui m'appartenait, que j'avais meublé à ma convenance et qu'à présent, je pouvais réapprivoiser en toute quiétude.

De là me vient de me sentir en paix avec moi-même ; les bris de verre et d'étoiles se sont accumulés au fond de ma boule, sous l'océan de mes larmes, tels des flocons de neige, et attendent patiemment qu'un prochain bouleversement s'autorise à les faire valser de part et d'autre, t'entraînant toi, enfant, dans leur danse vertigineuse. Je sais que même lorsque cela arrivera, je resterai forte, digne et fière, car j'ai posé un nouveau socle sur ma boule de verre et commencé à peindre un nouveau ciel, et qu'alors, je me sais en sécurité de m'avoir, moi, pour alliée dans l'adversité.

Annotations

Vous aimez lire Raton Lunaire ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0