Chapitre 12
░ ░ ░ IVY ░ ░ ░
Je ressens une certaine difficulté à adopter mon attitude habituelle envers Oleksandr ces derniers temps. Je sens que mon intérêt et mon désir envers lui se sont atténués depuis que Dixie a captivé mon attention. En même temps, je ressens de la culpabilité envers mon bien-aimé. Mélange complexe de sentiments. Par moments, je me demande ce qu'elle peut bien faire, où elle se trouve, si elle vit des instants plus passionnés que les miens avec son chéri. C'est une curiosité qui m'envahit de temps en temps. Oleksandr n'est pas dupe, il remarque clairement que quelque chose ne va pas chez moi ces derniers jours. C'est vraiment difficile pour moi de faire semblant d'aller bien et de dissimuler mes pensées les plus intimes. Je veux juste laisser le temps faire son travail et raviver la flamme dans mon couple. Mais je ne peux pas nier qu'elle est constamment présente dans mes pensées, me faisant réfléchir sans cesse. C'est vraiment perturbant. Oleksandr entre brusquement dans la cuisine, et je sursaute, refermant immédiatement les pages de mon journal intime. D'habitude, je ne cache rien, il peut le lire avec mon accord. Mais là, j'ai cette sensation d'être prise en flagrant délit, et cela me rend coupable.
Il me jette un regard interrogateur, et je déglutis avant de me forcer à lui sourire et de lui demander comment s'est passée sa journée. Je me demande ce qui le préoccupe réellement. Se doute t-il de quelque chose ?
Oleksandr me fixe avec de l'intensité, et je détourne le regard, mal à l'aise. Il s'assoit en face de moi, ses yeux plongés dans les miens.
- Chérie, tu te comportes étrangement, me dit-il en ukrainien.
Je sens une certaine inquiétude dans sa voix. Je lui réponds dans le même langage, la sueur coule le long de ma poitrine.
- Ne t'en fais pas, mon cœur. Mes pensées sont un peu confuses en ce moment, elles voguent vers l'Ukraine, ma famille, mes amis. J'ai appris qu'un événement troublant s'est produit récemment, un missile a frappé le centre-ville.
Je mordille ma lèvre inférieure, ressentant une légère douleur. Je me sens coupable de commencer à lui raconter des histoires. Il me lance un regard suspicieux, et je sens qu'il ne me croit pas du tout. Il se tourne vers moi et me dit :
- Darling, ne me raconte pas de bêtises. J'ai clairement vu que tu as été surprise quand je suis entré, et tu t'es empressée de fermer ton journal.
La tension monte entre nous. Oleksandr a raison, je ne suis pas tout à fait sincère et je me creuse la tête pour trouver une issue. Surtout qu'il peut être assez jaloux par moment. Je dois faire attention à mes mots. Je comprends parfaitement pourquoi il pourrait être jaloux dans cette situation, et cela me fait ressentir une vive douleur dans la poitrine.
- Écoute Oleksandr, je suis un peu perdue en ce moment. J'ai besoin de temps pour moi. Entre notre emménagement en France, les difficultés dans notre pays d'origine et le fait qu'on se voit si peu, tout cela ne facilite pas les choses, répondis-je en me levant pour lui faire face.
Ses yeux bleus foncés se remplissent d'ombre, et cette vision douloureuse me déchire le cœur. Je réalise que mes paroles lui causent de l'angoisse, peut-être même du chagrin. Ce n'est pas ce que je souhaite, mais je suis perdue et je ne sais plus quoi faire .Je peux clairement sentir la tension chez Oleksandr. Son visage se crispe, il se mord la lèvre et serre son poing. Je sais qu'il est vraiment tendu en ce moment.
- Depuis quand est-ce que nous gardons des secrets l'un pour l'autre ? Sa voix résonne d'une manière rauque. Qu'est-ce qui nous arrive ? Tu me fais vraiment peur, là ! Je ne comprends pas ce qui se passe entre nous. J'ai toujours été là pour toi, j'ai toujours tout fait pour toi !
Mon homme est complètement figé, ça devient vraiment tendu entre nous. J'ai l'impression qu'il ne me comprend pas du tout, et ça me fait tellement mal. Je ne suis pas non plus très ouverte, je sais que je devrais l'aider, mais c'est difficile. Il me saisit les bras et me secoue violemment. Je suis terrifiée, incapable de parler, les larmes aux yeux et la gorge nouée. Je fléchis les jambes, j'ai l'impression qu'elles vont céder sous moi. Les larmes coulent à flots pendant que je protège mon visage de mes mains. Je sais qu'il ne me fera jamais de mal, mais cette peur m'envahit quand il est comme ça. Mon corps tremble, ma tête est secouée violemment. Je le supplie d'arrêter, me recroquevillant au sol, les genoux contre ma poitrine. Il réalise enfin la gravité de ses gestes et s'arrête brusquement, son expression est froide.
Oleksandr s'agenouille près de moi, sa main caresse tendrement ma joue, son regard se trouble en voyant la peur sur mon visage.
Il est vraiment embêté, il se passe la main dans les cheveux avant de cacher son visage entre ses mains qui tremblent fébrilement. Je me sens tellement coupable de l'avoir plongé dans cet état. Sa voix tremble avec une nervosité palpable, son corps se saccade, ses lèvres frémissent. Il pose délicatement sa main sur mes genoux, et nous restons immobiles. Mes yeux suivent avec attention la larme qui dévale le long de sa joue.
- Je suis vraiment désolé, Ivy. Mes émotions ont pris le dessus, mais je te promets que je ne te ferai jamais de mal. Je n'oserai jamais lever la main sur toi, articule t-il.
- Tu n'étais pas le même. Complètement métamorphosé. Ça me dérange quand tu es dans cet état.
- Je ne voulais pas... bafouille Oleksandr.
- Pourquoi est-ce qu'on n'arrive jamais à communiquer normalement quand on se dispute ?
- Je ne sais pas... Chez moi, on n'a jamais été très loquace. Bon, je vais sortir prendre l'air, j'ai besoin de prendre du recul ! achève mon chéri en se relevant.
Oleksandr se lève d'un bond, enfile précipitamment son manteau. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, j'entends déjà la porte claquer derrière lui. J'attends d'être enveloppée par un silence absolu pour laisser échapper mes sanglots, libérant toutes les larmes de mon corps jusqu'à ce que ma gorge soit sèche. Il est impératif que je ne m'engage pas dans un jeu périlleux. Les sentiments de mon chéri à mon égard sont puissants et sincères. Je l'aime énormément également, mais je ressens une certaine distance entre nous et une incompréhension par moment qui pourrait causer notre perte. Oleksandr a grandi sans beaucoup d'affection ni d'attention de sa famille. La communication n'est pas quelque chose à laquelle il est habitué, et il sera difficile de le faire changer. Ce n'est pas de sa faute, ce n'est pas inné pour lui. Mon rôle sera de renforcer mon affection pour lui et d'être là pour le rassurer.
Mes cheveux roux sont mouillés par mes larmes, obstinés à rester collés à mon visage. Je me redresse en m'appuyant contre le mur, mon journal serré contre ma poitrine. Les larmes salées caressent à nouveau mes lèvres. Comment allons-nous surmonter cela ?
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