Hache de guerre et pomme de la discorde

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Jusque-là, je ne m'étais pas trop penché sur l'opération Déluge d'al-Aqsa. J'ai pourtant eu l'occasion de voir un reportage[1] avec le témoignage de victimes israéliennes. J'ai hésité, pensant que ça n'irait pas dans le sens de ce que je voulais voir – défense classique d'un biais de confirmation. Mais je ne peux me prétendre pacifiste et ignorer une partie d'un conflit. Je me suis donc forcé... pas longtemps.

Ce que j'ai vu ne ressemblait pas à une attaque terroriste comme on les connaît en Europe. Ça m'a plutôt évoquer à une opération de représailles, de nettoyage (ethnique). En m'apercevant à quel point tout était planifié pour tuer le plus possible, j'ai immédiatement pensé au massacre d'Oradour-sur-Glane, sanguinaire goutte dans l'océan des exactions nazies. Les hommes d'arme du Hamas, bande de paramilitaires comme l'étaient les Waffen-SS. Des similitudes sont là - et si je connaissais mieux les conflits civils d'Afrique, peut-être y trouverais-je des ressemblance... Ils ont piégé les jeunes israéliens avant de les attaquer... Leur pernicieuse entreprise a débuté par une préparation d'artillerie, prélude à l'assaut. Contrairement à celles des guerres « conventionnelles », s'il s'agissait d'affaiblir l'ennemi, c'était davantage en l'effrayant qu'en détruisant ces moyens de défenses – inexistants – où ces abris – quasi-inexistants – voire ses moyens de fuite – neutralisés autrement. C'était donc, à mes yeux, un acte de guerre, une offensive coup-de-poing dans le cadre d'une insurrection anti-coloniale. Les combattants du Hamas eussent été armés de lances, flèches ou carabines, eussent-ils chargés avec force cris de « sauvage » que l'on eût immédiatement penser à un Westerns.

Il n'existe en réalité pas de définition universelle du terrorisme[2]. Cependant, Déluge d'al-Aqsa coche un certain nombre de points retenus par les chercheurs. Mais dans l'intimation à qualifier l'attaque de terroriste, il y avait autre chose qu'un amour du droit ou la moindre compassion envers les victimes. Il s'agissait avant tout d'un problème nationale autant que d'un mouvement de fond, pro contre anti. Dans la qualification des exactions du Hamas, s'est surtout jouée une lutte contre la partie la plus dangereuse de la gauche – dangereuse pour le néolibéralisme. En réalité, l'essentiel était de les reconnaître comme des crimes. Au lieu de cela, une bonne partie de notre classe politique s'est abaissée à la polémique stérile et débilitante. Quoique, « grâce à » cela, le programme de la France Insoumise aux européennes est passé en arrière plan !

En effet, le communiqué du parti, s'il ne condamne pas noir sur blanc les actes du Hamas du 7 octobre 2023 comme les autres l'exigeaient, a le mérite de les contextualiser et d'appeler à la seule solution de bons sens : la désescalade. Son tort est d'en référer la raison plus qu'à l'émotion démonstrative de la majorité. Pour l'Occident, les attaques du 7 octobre restent inacceptables car, si les soldat·e·s peuvent se défendre, ce n'est pas le cas des civil·e·s désarmé·e·s – et c'était le cas des jeunes fétard·e·s. Toutefois, la polarisation manichéenne entre « gentils » et « méchants », à l’œuvre déjà pendant la Covid, oblige à prendre parti. Elle empêche tout avis alternatif et, partant toute réflexion et toute modération. Les vociférations et procès en sorcellerie étaient du même acabit. En détournant l'attention du vrai sujet, ils empêchaient toute discussion sur le réalité de la situation. Comme dans les Westerns d'antan, les bons blancs désirant vivre en paix ont été attaqués par les mauvais sauvages... ce qui prêche logiquement pour la destruction des ces pécheurs, donc au soutien inconditionnel à la répression israélienne, Wounded knee[3] à Gaza.

Ce qui se passe en Palestine n'est rien d'autre qu'une guerre de colonisation, la Nakba, qu'une Piste des larmes supplémentaire. Les accords de paix n'ont jamais été appliqués, à commencer par celui d'Oslo devant, à terme, déboucher sur l'existence d'un état Palestinien. Au lieu de cela, la Cisjordanie est colonisée, annexée... grignotée. La bande de Gaza, après avoir été évacuée, reste une prison à ciel ouvert, un camp de détention XXL, soumise à un blocus et à la volonté de l'ancien occupant. Comme le souligne Amnesty International[4], l'occupation n'y a pas cessé, elle s'est juste transformée. Du reste, pour les colonisé·e·s, impossible de faire la différence entre l'épée et la charrue. Les deux permettent d’accaparer leurs terres. Certains colons profitent que les soldat·e·s fassent le sale boulot pour ensuite récupérer un gagne-pain à peu de frais. D'autres vont gaillardement proférer qu'un bon Palestinien, un Palestinien mort ; maintenant qu'ils sont armés, ils peuvent appliquer cette philosophie... pour les ceusses qui ne le faisaient déjà. Au Far West, on décimait les troupeaux de bisons, en Palestine, on vole les moutons, on incendie les champs, on s’accapare la terre. L'État de droit est une chimère, un virevoltant insaisissable. Cela ne justifie pas le meurtre de civil·e·s mais explique qu'il ait eût lieu.

Malgré tout, le Hamas et ses brigades d'Al Qassam ne sont pas les chevaliers blancs volant au secours d'innocents. Même si, de son point de vue, les attaques étaient une réponse normale à tous les complots israéliens contre le peuple palestinien et les massacres de civil ·e·s, des erreurs ou le fait de tirs fratricides c'est ce qui est ressorti de son communiqué de janvier 2024. Cependant, un mois après les faits, déjà un de ses responsables affirmait à la BBC[5] que les combattants avaient ordre d'éviter de tuer les femmes, les enfants et les vieillards ; selon lui, seuls les réservistes – les femmes ne font-elles pas leurs services ? et les militaires d'actives étaient visés. Comment alors les tueurs auraient-ils reconnu les réservistes dans le lot des civil·e·s ? Non, les images parlent d'elles-même. Le Hamas, mais aussi nos médias, par le biais de scientifiques spécialistes de la question, auraient dû rappeler que, dans un conflit colonial, ni l’oppresseur, ni les opprimés ne reconnaissent d'innocents. Pour le premier, toute personne peut-être un péril, pour le second, elle l'est de part sa position. Le fait que toute la bourgeoisie se soit jointe pour crier haro en dit long sur l'état de notre démocratie.

Rosebund Creek ou Little Bighorn[6] ne se reproduiront probablement pas en Palestine. L'armée Israélienne me parait bien trop forte. Avec sa tactique de la dévastation, elle n'obéit qu'à une stratégie : exterminer les natifs et repousser la frontière. L'Occident ne reniera pas son dernier acte de « colonialisme à la Papa ». Cependant si le territoire des États-Unis d'Amérique est assez grand pour contenir quelques réserves[7] amérindiennes, la Palestine n'a plus ce luxe et Israël se doit à présent de les exporter. Du reste, une fois totalement exproprié, quel droit aura donc ce peuple exilé à réclamer la terre ? Faudra-t-il attendre un nouvel holocauste, avec une nouvelle culpabilité des puissance dominante ? Un seul État, juif, du fleuve à la mer, semble donc la seule solution pour une paix durable. Sinon, pourquoi la poussée de colonisation en Cisjordanie et ce déchaînement de violence à Gaza quand la loi du Talion ne demande qu’œil pour œil et dent pour dent ?

P.S : Pour aller plus loin, je conseille cette interview[8] de l'historien Ilan Pappé.

[1] https://youtu.be/TqxeYIck_Qo?feature=shared

[2] Voir https://musee-memorial-terrorisme.fr/definir-le-terrorisme.

[3] Massacre par l'armée américaine de 150 à 300 Lakota miniconju, le 29 décembre 1890.

[4] https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/02/israel-must-end-its-occupation-of-palestine-to-stop-fuelling-apartheid-and-systematic-human-rights-violations/

[5] Voir ces articles du Monde (https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/21/le-hamas-affirme-que-l-attaque-du-7-octobre-etait-une-etape-necessaire-et-reconnait-que-des-erreurs-ont-peut-etre-ete-commises_6212115_3210.html) et de la BBC (https://www.bbc.com/news/world-middle-east-67321241).

[6] Victoires des Lakotas et Cheyennes sur l'armée américaines, remportées respectivement les 17 et 25 juin 1876.

[7] Notons, que les parcs visant à protéger la faune africaine portent le même nom...

[8] https://youtu.be/q1I5qG5SIyc?feature=shared

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