Croac !

- Saleté de charogne. Même pas foutue de rendre sa chair de qualité après la mort. Je reste rationnel et économe, par conséquent je me contenterai d'y prendre goût sans me plaindre. Parole de corbeau !

            Arrivant sur la partie inférieure de la bête, je me rends compte qu'un humain à bord de sa charette nouvelle génération à la couleur verdoyante me dévisage. Ces bipèdes n'aiment pas les charognards. Est-ce que je critique ses goûts en matière de coloration ? Non. Alors qu'il ne m'embête pas avec ma croûte. A bien y réfléchir, je pourrais user de ma critique fine et objective. De par ma couleur noire aux teintes bleuâtres selon la luminosité environnante, il n'y a d'être égal à ma personne dans le domaine du style. Je suis d'une pureté mettant à mal même la plus blanche des colombes. Elles jalousent ma beauté. Certes, il est vrai que nous sommes souvent comparés du fait de nos manteaux contraire. Cependant, le blanc et le noir sont indissociables. L'ombre d'ailes déployées a besoin de la lumière du soleil pour exister. Une bougie a besoin de l'obscurité d'une pièce pour exister et ainsi se définir en tant qu'objet luminescent. Je dois donc reconnaître l'importance de nos cousines blanchâtres. Grâce à elle, nous pouvons exister. Nous avons acquis ce sentiment de supériorité. Nous nous sentons puissant, intemporel et immortel dans la pensée collective des monstres bipèdes aux yeux globuleux. Derniers se faisant appeler "être humain". Comme si le fait de posséder un droit sur quelque chose leur confère une arrogance à hauteur des Dieux. Naïveté et idiotie vont souvent de pair. Malgré tout, c'est de leurs présences que nous sommes accusés des pires réputations. Partout dans le monde nous sommes vus comme des oiseaux de mauvais augure. Moi et mes compatriotes sommes légions. Nous avons comme bien d'autres espèces la responsabilité de réguler la nature. Coyote, Vautour, Corbeau et j'en passe. Nous avons obtenus ce statut mythique de médiateur entre la vie et la mort. Comme mes compatriotes, je suis rejeté par ces humains pensant avoir la capacité à privatiser n'importe quelles espaces. La haine que j'ai envers eux est grandissante de jour en jour.

Croac !

Croac !

Croac !

- Tu peux pas la fermer oiseau de malheur ! J'essaye de coucher mon fils ! Répondit un bipède pas plus grand qu'un pied de tomate.

             Je m'envole plus haut que ses quatre murs en prenant les restes de mon repas avant qu'il ne me balance un jet d'eau par son tuyau d'arrosage.

- Si ton fils n'est pas capable de s'endormir avec quelques croassement, alors je n'imagine pas le jour où tu mets ta musique de sauvage à l'aide de boom-boom et de cris de ménagères décomplexées. Wardruna, Dvorak, Wagner, Tchaikovski... Ma liste est longue, je pourrai encore continuer longtemps pour évoquer de la belle musique. Ces mélodies réchauffent mon coeur de corvidae.

             Minute. Pourquoi un être dôté d'un statut mythique rappelant la mort par une simple présence ne pourrai pas jouir de ce droit ? Voilà une façon de me venger de tous ces comportements obscènes à mon encontre. Si j'avais des zygomatiques, je pense que j'éclabousserai de rire au vu de mon dessein. C'est acté dans tout les cas. Je prendrai mon rôle à coeur. J'écraserai cette suprématie bipédienne, j'anéantirai ces privations, ces carnages fait à l'encontre de mon espèce ainsi qu'aux espèces voisines. Installons cette peur qu'ils ont tant refoulé. C'est cette même peur qui oblige à les rendre vulnérables et à commettre des inepties. Je vole à présent en direction de mes prochaines victimes. Il est temps de mettre le roi en échec. Mais avant cela, je dois prévenir mes camarades de sang. Nous devons nous réunir afin d'endiguer le mal par le mal.

Croac !

Croac !

Croac !