Chapitre 20 : Combat de coq
Il est plus de deux heures du matin quand la soirée se termine enfin.
Après ma triste découverte dans la cuisine, je n'avais plus le cœur à la fête. Je n'ai pas fait de scandale, pour ne pas éveiller les soupçons, mais j'ai clairement eu du mal à suivre le reste des festivités.
Heureusement pour moi, j'ai pu compter sur la présence réconfortante de Liam, qui a tout de suite remarqué mon changement d'humeur et qui s'est montré très présent. Je suspecte, cependant, qu'il ait profité de la situation pour jouer le mâle dominant face à Robin. Ah les hommes, toujours dans le concours de celui qui aura la plus grande.
Je trouve gonflé de la part des deux tourtereaux, qu'aucun d'eux n'ai eu la présence d'esprit de partir. Au contraire, Tanya a rayonné de bonheur toute la soirée, cherchant sans cesse la présence du grand brun alors que ce dernier s'est montré un peu moins fier. Quand à moi, j'ai du les supporter sans broncher.
Il est temps pour mes convives de quitter les lieux. Je salue les filles joyeusement et laisse Tanya s'en aller, sans même lui accorder un regard. Tout cela se réglera bien assez vite.
Je suis en train de débarrasser la table du salon, quand une présence se fait sentir dans mon dos.
— Tu veux de l'aide, propose Robin mal à l'aise.
— Je vais rester, lui répond Liam sèchement sans même me laisser le temps de parler, tu peux disposer. On n'a pas besoin de toi ici.
Je remarque tout de suite le regard foudroyant que jette Robin à l'encontre de mon ami, mais je n'en fais pas cas. Il ne mérite même pas une attention de ma part. Je tourne le dos, sans même lui dire au revoir, alors qu'il sort de la maison.
Je m'occupe de la vaisselle, pendant que Liam se charge des bouteilles vides. Visiblement perturbé par le silence dont je fais preuve, il se décide à lancer le sujet de ses tourments.
— Tu vas me dire ce qui ne va pas, m'interroge-t-il, me sortant ainsi de mes pensées.
Je lui dirais bien "rien" mais j'ai vraiment besoin de vider mon sac. Ne pouvant plus compter sur ma meilleure amie, et je n'ai que lui auprès de qui me confier. Je décide de jouer franc-jeu.
— Je craquais pour Robin, j'en avais parlé à Tanya et je les ai retrouvés à s'embrasser dans la cuisine tout à l'heure.
Mes yeux s'embuent. Je craque, laissant évacuer toutes ces émotions que je contiens depuis plusieurs heures.
Il encaisse l'annonce, réalisant sûrement que ses sentiments à mon égard ne sont définitivement pas partagés, et me prend dans ses bras.
— Je ne vais pas en rajouter une couche sur les relations au travail, ironise-t-il pour détendre l'atmosphère.
Je fais non de la tête, tout en restant collé à son torse. Avec mon nez qui coule, il me sert presque de mouchoir, mais ça m'apaise d'être enveloppé de la sorte.
— Désolé si je dérange, nous interrompt une voix. J'ai oublié ma veste.
Je me retourne et découvre Robin qui nous observe depuis l'encadrement de la porte.
— Je ne crois pas que tu sois le bienvenu, s'empresse d'intervenir Liam sans me lâcher. Tu ferais mieux de t'en aller, mec.
— À ce que je sache, tu n'es pas chez toi non plus, mec, répète ironiquement Robin. Si tu le permets, c'est avec Roxane que j'aimerai m'entretenir.
Je sens Liam se tendre de tout son corps, alors je décide d'intervenir avant que ça se termine en combat de coq.
— Ça va aller, Liam, je te remercie pour ton aide.
Je me défais de son emprise et plante un baiser de remerciement sur l'une de ses joues.
— Je vais pouvoir finir sans toi, le rassuré-je avec un léger sourire.
Il ne cherche même pas à me contredire, prend sa veste, me lance un dernier regard qui semble dire " appelle et je débarque si besoin " et s'en va. À peine a-t-il franchi le pas de la porte que Robin me tombe dessus.
— C'était quoi ? Une vengeance parce que Tanya m'a embrassé.
"Hein ? Quoi ? Il n'est pas sérieux." réagit ma conscience, mécontente du comportement de Robin.
Il ne va pas oser me faire une scène pour ce câlin ridicule après ce qu'il s'est passé ce soir ! Je me sens bouillir de l'intérieur.
— Non mais tu te prends pour qui ? hurlé-je de colère. Tu crois vraiment que toi, Robin, le tombeur de ces dames, tu as le droit de me dire comment gérer mon amitié avec Liam ? Contrairement à toi, je suis droite dans mes bottes, moi ! Je n'embrasse pas le premier venu.
Je saisis l'éponge et me dirige vers le salon, frôlant son épaule sur mon passage. Je suis tellement en colère, que je passe mes nerfs sur cette pauvre table. Je crois qu'elle n'a jamais été aussi propre. Sans avoir besoin de regarder, je sais qu'il m'a rejoint.
— Je suis désolé, s'excuse-t-il finalement, en se plaçant dans mon dos. Pour le baiser et pour la prise de tête.
— Peu importe, répliqué-je tristement en frottant toujours au même endroit. Au moins, j'ai ouvert les yeux et évité de faire une grosse bêtise. Depuis le début, je savais que tu causerais ma perte. Et puis, nous ne sommes qu'amis non ?
Je le sens se crisper après ma remarque. Il s'avance d'un pas, me stoppe dans mon mouvement et me force à le confronter. À bout de force, je ne cherche même pas à me débattre et je laisse tomber l'éponge sur le sol. Mes yeux trouvent les siens. Son regard est intense et pourtant il me semble y percevoir de la peur. Mes yeux sont toujours plongés dans les siens quand, sans prévenir, il pose ses lèvres sur les miennes. À son contact, je perds tout contrôle. Ma raison a sorti tous les voyants rouges mais je ne peux résister à l'envie de lui rendre ce baiser qui m'obsède depuis la première fois où nos lèvres se sont rencontrées. Ce contact, à la fois doux et passionné, provoque en moi un tourbillon de sensations.
"Tu n'es pas sensée être en colère ?" râle ma conscience, complètement en désaccord avec la tournure que prend cet soirée.
Si bien sûr que je le suis mais, sans que je sache pourquoi, le désir est plus fort.
— C'était de cette bêtise dont tu parlais ? questionne-t-il en collant son front au mien, alors que je reprends mon souffle contre ses lèvres.
— Oh la ferme, chuchoté-je en retournant à la rencontre de ses lèvres encore humides.
J'en veux plus, beaucoup plus. À cet instant, toutes les contrariétés de la soirée sont loin dans mon esprit. Je cède, impuissante, à la tentation qui me ronge depuis des jours. Je suis faible, diront certains, mais les jeux du cœur ne sont-ils pas les plus dangereux ?
La douceur laisse place à la passion alors que l'on chavire sur le canapé. Mon corps se retrouve sous le sien. Une de ses mains s'entre-mêle dans mes cheveux alors qu'il se maintient, de sa main libre, pour éviter de m'écraser de tout son poids. Toute résolution a définitivement quitté mon esprit. Son corps appelle le mien, dans un enchaînement de vas et viens. D'un mouvement habile, je le déleste de son polo et plante délicatement mes ongles dans sa peau. Il lâche un léger grognement et je sens son érection poussée contre ma jambe. Sa main passe de ma poitrine à ma hanche puis remonte vers le zip de ma robe, situé dans le dos.
— Très joli choix de couleur, la robe, murmure-t-il délicatement à mon oreille. J'ai espéré te l'ôter toute la soirée.
Ma peau réagit instantanément à ses paroles et ma déesse intérieure fait des cabrioles.
— Je l'ai choisie rien que pour toi, chuchoté-je en retour.
Il baisse la fermeture d'un mouvement habile, puis reprend la direction de mes cuisses. Ses caresses se font de plus en plus intenses, s'approchant toujours un peu plus de ma zone intime. Ses doigts experts finissent leurs courses sur le doux tissu qui constitue la dernière barrière de mon intimité.
Alors que sa main passe sous ma culotte, un flash de Tanya et lui s'embrassant me revient. D'un mouvement brusque, je le repousse.
— On va s'arrêter là, raisonné-je à voix haute tout en me redressant.
— Il y a un problème, s'inquiète Robin.
— Oui, tu as embrassé ma meilleure amie, expliqué-je doucement. Je suis désolée mais, avec cette image plantée dans ma tête, je pense que pour ce soir il vaut mieux en rester là.
Il se redresse à son tour et remet son polo. Il semble complètement déconcerté par ce soudain revirement de situation. Il ne pensait tout de même pas que ça serait si facile ? Je défroisse ma robe et m'installe convenablement dans le canapé. Face au malaise qui s'installe, je me décide à romprele silence.
— Il va juste me falloir du temps. Je n'étais déjà pas bien à l'aise avec la situation, et ce qu'il s'est passé ce soir n'arrange rien.
Son regard se durcit en un rien de temps.
— Je comprends, lance-t-il froidement. Je ferais mieux de partir.
Il se lève d'un bond mais, comme si j'avais anticié sa réaction, je lui rattrape le bras sans même avoir besoin de me lever. Je ne peux pas le laisser partir alors que la discussion ne fait que commencer.
— Reste, le supplié-je du regard. À moins que tu ne sois revenu rien que dans l'espoir de me retirer cette robe ?
Son visage se déforme alors qu'il se rassoit de façon à me faire face.
— Ça ne va pas non, répond-t-il contrarié, je suis revenu pour toi.
Il prend une de mes mains dans les siennes, alors que je baisse les yeux. C'est comme si d'un coup, je n'avais plus la force de soutenir son regard.
— Contrairement à ce que tu sembles penser, je ne tiens pas à te mettre à tout prix dans mon lit, Roxane, commence t-il en me massant le dos de ma main avec son pouce. Ce qu'il s'est passé ce soir, je suis le premier à le regretter franchement. J'étais dans la cuisine à la recherche d'une bière quand Tanya m'a rejoint. Elle était si saoule qu'elle a trébuché sur le pied d'un des tabourets de bar. Par chance je l'ai rattrapé avant qu'elle ne se fasse mal. Pour me remercier, elle s'est jetée sur mes lèvres. Le temps d'un instant, mon esprit a pensé à toi, persuadé que tu étais celle à l'initiative de cette embrassade, et l'alcool n'aidant pas au bon raisonnement, j'ai répondu aux avances de Tanya.
Je retire ma main, me redresse et tente d'assimiler les explications fournies par l'interne. En moi, c'est un réel conflit qui se joue, si bien que je reste mutique. Mon cerveau cogite tellement que rien ne sort de mes cordes vocales, je suis somme sur "off". Robin, qui me fait face droit comme un "i", semble être mal à l'aise.
— Je ne cherche pas d'excuse, et encore moins à rejeter la faute sur Tanya. Seulement, je te devais des explications et je ne voulais pas que tout s'arrête comme ça. Avant tout, Roxane, dit-il en relevant mon visage de son index, je n'ai jamais souhaité te faire de mal.
Mes yeux confrontent les siens alors que je perçois toute la sincérité dans son regard. D'un revers de la main, je chasse une larme qui se forme au coin de mon œil. Je le remercie pour son honnêteté, mais, cet incident encore tout frais, est trop douloureux. C'est en partie pour ce genre de raison que je ne tenais pas à ce que ça aille plus loin entre nous.
— Je pense que le mieux à présent, est de ne plus en parler, suggéré-je en lissant ma robe. On ne pourra pas effacer ce qui s'est passé et cette histoire ne fait que confirmer qu'il ne vaut mieux pas brûler d'étapes. A l'heure d'aujourd'hui, je suis incapable de te promettre qu'il se passera quelque chose entre toi et moi, tout comme je ne peux te dire qu'il ne se passera rien. Je suis seulement fatiguée de la soirée, de ma semaine et de tous les rebondissements qui ne cessent de chambouler ma vie.
— Tu vas encore me dire qu'entre nous ça doit rester professionnel ?
Bien que sa voix semble ironique, son regard s'assombrit. En un fraction de seconde, l'ambiance devient pesante, du coup je me tente à faire un peu d'humour.
— Non, je vois bien que cela est impossible avec une personnalité aussi déterminée que toi. Je pense simplement qu'il nous faut apprendre à mieux nous connaître car qui sait, peut-être que finalement on est fait pour être de simples amis.
Il lève les yeux aux ciel.
— Si tu pensais me rassurer avec ça, c'est loupé !
Finalement, son regard s'emplit d'une lueur d'envie.
— A moins que tu envisages une amitié améliorée ?
Nous rigolons. Il n'en manque vraiment pas une. Avec lui, impossible de s'ennuyer.
— Absolument pas ! Comme je le disais, ne brûlons pas d'étapes.
Il finit par accepter, sûrement à contre coeur vu sa mine renfrognée. Malgré l'heure tardive, et la fatigue bien présente, je n'ai pas envie d'aller me coucher et, Robin, n'a vraisemblablement pas envie de partir. Après un commun accord, j'allume la télévision et nous prenons place sur le canapé. Comme deux aimants attirés l'un par l'autre, je finis lovée contre lui, la tête posée sur son épaule alors que le film s'apprête à commencer. Finalement, Morphée a raison de moi, et je me laisse gagner par le sommeil, incapable de rester captivée par le film.
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