Chapitre 22 : Coup de pouce et Bêtise

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Après un week-end aussi mouvementé , j'appréhende très clairement le retour au travail demain. En plus de devoir croiser l'interne tous les jours, cette semaine je vais me coltiner Marina. Génial ! Autant dire que je me languis d'avance.

Dans l'espoir d'oublier un peu mes tracas, j'ai passé les deux derniers jours à postuler pour tous les postes que je pouvais trouver sur le net. Et, en plus de mes candidatures informatisées, j'ai imprimé mon CV et rédigé des tas de lettres de motivation, pour que Florence puisse aller les poster demain.

Je pose la pile d'enveloppes sur le meuble d'entrée, et pars m'installer devant Netflix. Un peu de divertissement me fera le plus grand bien.

— Voyons voir, pensé-je à voix haute, que proposent-ils pour une infirmière à la vie professionnelle pourrie, aux relations amicales détruites et à la vie amoureuse chaotique ?

J'hésite entre une comédie romantique cul-cul ou quelque chose de plus fun. Au bout d'une demi-heure je finis par jeter mon dévolu sur « SEX FRIENDS », ironique non ?

Je suis concentrée sur le film, confortablement installée sur le canapé et lovée sous un plaid, quand mon portable vibre. Depuis deux jours, il ne fait que ça, mais je prends bien soin de l'ignorer. Je n'ai pas envie d'être confrontée à un texto de Tanya ou Robin. Ils m'ont largement assez pourri le week-end ces deux-là.

Mon portable vibre de plus belle, ce qui indique plutôt un appel. Avant de raccrocher sans même répondre, je regarde l'émetteur : Papa.

— Allô, réponds-je soulagée.

— Bonjour ma chérie, dit-il avec une émotion palpable dans sa voix, ton week-end se passe bien ?

Même si en ce moment nos relations sont plutôt tendues, entendre sa voix me fait un bien fou. Alors que je réfléchis à quoi répondre à sa question, les larmes me montent aux yeux et j'étouffe un sanglot. Ce qui ne semble pas lui échapper.

— Roxane, s'inquiète-t-il, parle-moi.

Je veux retrouver mon père, ce confident de toujours. Même s'il brille par ses absences, nous avons toujours été très proche lui et moi. Vu les événements de ces dernières heures, j'ai besoin de lui, de ses conseils et remontrances alors je finis par tout déballer : Tanya, « l'interne », pour ne pas le citer, le boulot, mes candidatures...

— Oh ma puce, s'exclame-t-il comme s'il parlait à une enfant de huit ans. Déjà sache que Tanya je ne l'ai jamais vraiment appréciée. C'est une jeune femme très studieuse et ambitieuse, certes, mais je n'ai jamais compris ce qui pouvait autant vous rapprocher toutes les deux. Elle aime se faire voir alors que tu es plutôt discrète, elle est prête à marcher sur tout le monde, alors que tu es la bienveillance incarnée. Je te jure ma fille, c'est peut-être un mal pour un bien.

Malgré ce qui s'est passé vendredi, et le discours de mon père, je ne peux m'empêcher de me dire qu'elle me manque. D'accord, son comportement a été intolérable et mon père a raison sur certains points, mais elle est aussi tellement plus que ça. On a passé trois ans à se serrer les coudes, à se soutenir et à veiller l'une sur l'autre. C'est impossible de rayer tout ça. Je ne peux pas lui en vouloir d'être ce que je ne suis pas.

— Concernant ce jeune homme, poursuit-il plus sérieusement. Il aurait été éthiquement incorrect d'aller plus loin. Tu aurais eu des problèmes et lui aussi. Ce qui est dommage, c'est que c'est un bon parti...

— Papa ! m'indigné-je en rigolant.

Bien qu'il ait toujours souhaité le meilleur pour moi, il n'a jamais été le genre de père à se soucier du statut social de mes amis. Ma mère et lui se sont mariés par amour et ils ont toujours souhaité la même chose pour moi.

— Je plaisante ma fille, tu sais très bien que je ne m'attacherais pas à ce genre de détail.

— Je me doute, oui.

Cet instant de légèreté amené par mon paternel me réconforte. C'est vraiment la parenthèse dont j'avais besoin pour alléger un peu les idées noires qui tourbillonnent dans mon esprit.

— Pour ce qui est du travail, reprend-t-il d'un ton plus souple. Je suis ravi de savoir que tu as repris tes recherches. Je sais que tu es contre, mais je vais voir ce que je peux faire de mon côté.

— Hors de question !

— Écoute, Roxane, sois un peu raisonnable, me sermonne-t-il. Tu viens toi-même de me dire que tu ne te plais pas dans ce que tu fais. Saisis l'occasion que je t'offre de pouvoir changer les choses.

Je sais que c'est contre tout un tas de mes principes, mais je finis par céder. Il est inconcevable de continuer à travailler dans ce service, une fois les trois mois terminés. Je ne tiens pas à me coltiner Robin jusqu'à la fin de son internat et au-delà, ni cette dragonne de Marina qui se lève tous les jours juste pour le plaisir de faire de ma vie un enfer.

— Je m'en occupe dès mon retour, m'annonce-t-il déterminé. En revanche il faudra attendre un peu car le dossier ici prend plus de temps que prévu et je dois prolonger mon séjour. Il est probable que je ne rentre pas avant le milieu de semaine.

Un sentiment de déception m'envahit. J'aurais vraiment souhaité ne pas passer la soirée toute seule mais, il n'a pas vraiment le choix. Ce ne sera pas la première fois qu'un dossier m'empêche de retrouver mon père.

— Ça va aller ? s'inquiète-t-il face à mon mutisme.

— Oui, ne t'en fais pas. Je vais sûrement inviter Liam pour regarder un film.

— Tu as bien raison, en plus c'est un jeune homme tout à fait charmant. Je suis sûre qu'il saura comment te remonter le moral.

Après s'être mutuellement salué, nous raccrochons. Je profite d'avoir mon portable entre les mains, pour prendre connaissance des messages qui m'ont été envoyés ces dernières quarante-huit heures.

Vingt-cinq... Le chiffre me ferait presque sortir les yeux de la tête.

" Je ne suis pas la reine d'Angleterre, les gars, s'agace ma conscience ! Si je ne réponds pas dans les vingt-quatre heures, c'est soit que je vous snobe, soit que je suis morte."

Dans le cas présent, c'est la première option qui est à envisager.

Les premiers messages que je porte à ma connaissance sont ceux de Tanya. Il semblerait que sa conscience l'ait rattrapée car elle m'en a envoyé douze.

Tanya :

« Bichette, pardonne-moi, j'ai complètement merdé. »

« On va se faire la tête encore longtemps ? »

« Je te jure, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça »

« Ce n'était qu'un petit bisou de rien du tout »

« Franchement au moins, tu sais à quoi t'en tenir avec lui »

« Je t'ai pardonné moi pour Liam »

Un bisou de rien du tout ? Pardonner pour Liam ? Elle est franchement gonflée de remettre ça sur le tapis maintenant !

« Je crois qu'elle n'a pas bien compris ce que signifie s'excuser. » réfléchit ma conscience.

Je relis plusieurs fois les messages de celle qui est censée être ma meilleure amie, et je ne peux m'empêcher de me remettre à râler. Je ne sais pas bien quel était le but de ces sms, mais je suis encore moins encline à accepter ses excuses. Ma réponse ne se fait pas prier.

Roxane :

« Ne t'en fais pas pour le bisou, Tanya, tu l'as tellement dégouté, qu'il s'est jeté sur mes lèvres après ton départ. Quant à Liam, si tu en es encore là c'est que l'on n'a plus rien à se dire. »

Tant pis pour la retenue, je n'ai clairement pas envie d'être sympa. J'envoie et passe au suivant. Le moins que l'on puisse dire, c'est que maintenant je suis encore moins encline à les lire ces fichus messages en attente. Justement, voici le principal intéressé. Alors que me réserve-t-il ? Je parcours rapidement ses messages mais quelques-uns retiennent mon intention.

Robin :

« On ne va tout de même pas en finir de cette façon ? »

« Je suis désolé d'avoir été aussi déplacé. Tu n'as absolument rien en commun avec ta copine »

Il est au moins en accord avec mon père sur un point.

« Je t'en prie, Roxane, je culpabilise tellement. Laisse-moi au moins la possibilité de m'expliquer. Si tu continues à faire la morte, je débarque chez toi. »

Sachant que son message a été envoyé hier après-midi, s'il avait dû venir, il serait déjà passé. Comme je ne sais pas trop quoi lui répondre, je laisse ses messages en attente. J'envoie un texto à Liam pour lui proposer de passer, ce qu'il accepte aussi vite. Une fois sa réponse reçue, je pars m'habiller, ou plutôt enfiler un vieil ensemble de jogging moche mais confortable.

Il est quatorze heures quand mon ami frappe à la porte. J'ai à peine le temps d'ouvrir, qu'il me prend dans ses bras.

— Tu vas bien ? me demande-t-il prudemment.

Les larmes me viennent aussitôt et un sanglot m'échappe de nouveau.

— Oh non, je ne voulais pas te faire pleurer.

Il ressert légèrement son étreinte.

— Tu veux qu'on en parle ? chuchote-t-il doucement.

Sans même le lâcher, je lui déballe tout ce que j'ai sur le cœur. Quelle hôte détestable je fais, je ne l'ai même pas invité à entrer avant.

Au fur et à mesure que j'avance dans mon histoire, je le sens se raidir. A chaque fois que je prononce le prénom de Robin, je sens sa machoire se contracter contre le haut de mon crâne. Pour ne pas abuser de sa gentillesse, ou accentuer sa jalousie, je me garde bien de lui raconter certains détails.

Une fois mon laïus terminé, je lui propose d'entrer et nous nous installons sur le canapé. Florence débarque peu de temps après avec des cookies tout chaud. Il n'y pas de doute, elle sait comment me remonter le moral.

— Peu importe comment toute cette situation évoluera, se lance-t-il en posant ses mains sur mes épaules, je sais que tu trouveras comment rebondir. Tu as toujours su le faire.

Je cligne les yeux en signe de reconnaissance et lui fait un large sourire. J'ai souvent tendance à oublier comme il est agréable de discuter avec lui.

— Si je peux me permettre, poursuit-il prudemment. Ne te prends pas trop la tête pour Tanya. Pendant longtemps, je pensais qu'elle était amie avec toi juste pour que tu ne lui fasses pas trop d'ombre. Tu sais un peu dans le style "garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près". Mais, bien qu'entre elle et moi se soit devenu très compliqué, je dois admettre qu'elle tient réellement à toi, même si elle a une drôle de façon de le montrer.

Sa remarque me laisse perplexe. C'est sûrement la fatigue, mais je ne vois pas où il a voulu en venir.

— Je n'aurais jamais eu la prétention de vouloir lui faire de l'ombre, répliqué-je innocemment. C'est complètement absurde ! Tu as vu comment elle est gaulée.

— C'est parce-que tu ne te vois pas comme les autres te voient, Roxane, me corrige-t-il timidement. Tu es belle, intelligente, marrante, ouverte d'esprit. Il y a tout un tas de qualités qu'elle peut t'envier.

Son regard fuyant trahit son malaise. Il rougit, mais poursuit sur sa lancée.

— En soirée tu suscitais bien plus l'attention qu'elle, m'avoue-t-il, en se rapprochant. En tout cas, moi, je n'ai toujours eu d'yeux que pour toi. Tanya l'a vite remarqué. C'est d'ailleurs là, la raison de notre incapacité à être dans la même pièce à présent. J'ai préféré arrêté avec elle, quand j'ai compris que j'étais tombé amoureux de toi.

"Quoi ? Il vient vraiment de faire sa déclaration là ?" s'étonne ma conscience.

Sans crier gare, il pose ses lèvres sur les miennes. Une sensation étrange s'empare de mon esprit, mais je ne saurais dire si elle est agréable ou pas. A la fois, ses gestes sont doux ce qui rend ce baiser très tendre, mais le fait d'imaginer Liam coller à ma bouche me met mal à l'aise. J'ai cette impression étrange d'embrasser un frère. Pour remedier à ce problème, mon esprit divague vers le dernier homme que j'ai embrassé.

"Merde, Roxane, ressaisis-toi, râle ma conscience ! Tu ne vas tout de même pas embrasser tout Paris"

— Mademoiselle, nous interrompt Florence, monsieur Robin est venu vous rendre visite. J'ai bien essayé de le faire partir, mais il a physiquement insisté pour entrer.

J'étais tellement occupée à régler mes questionnements internes que, dans le feu de l'action, je n'ai même pas entendu la sonnette. Je repousse mon ami rapidement et je me relève immédiatement, comme si Liam était devenu l'homme le plus repoussant du monde. Lorsque j'ose enfin poser le regard sur le grand brun posté à l'entrée du salon, ses traits de visage trahissent la colère que lui a suscité cette découverte. Je n'ai jamais eu à l'esprit de me venger, surtout que je respecte bien trop Liam pour ça, mais au moins maintenant il sait ce que j'ai ressenti vendredi.

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