Les proscrits (nouvelle)
Chez moi, les nouvelles vont vite. Quelques fois, elles allaient tellement vite que quand on proscrivait une personne, ses voisins étaient au courant avant elle. Cette injustice de bannir quelqu'un de la société devrait me rendre triste, j'en ai conscience, mais tous les mois près de cinq personnes partaient et cela était tellement devenu habituel que l'inquiétude disparaissait au bout d'un certain temps.
Le fait de proscrire une personne de la société est plutôt une chose courante là où j'habite. Quand une personne s'en vas au-delà des limites visibles de la ville pour ne plus jamais revenir. Certaines rumeurs circulaient sur ce qu'on pouvait trouver de l'autre côté de la grande barrière. Quelques-uns pensaient que c'était la mort assuré, d'autres pensaient qu'on n'y voyait rien qu'une étendue d'herbe ou de sable et que la personne proscrite n'avait d'autres choix que de marcher jusqu'à ce que sa mort arrive. Honnêtement, je ne savais pas ce qui avait pu se trouver de l'autre côté et je m'en fichais un peu, car, après tout le but était de ne jamais le découvrir.
Pour ce faire, il fallait seulement se fondre dans la masse, participer du mieux que l'on pouvait au bien de la communauté et ne pas rester seul dans son coin afin de ne pas avoir un impact négatif sur le moral des autres.
Personnellement, je n'ai jamais été très sociable. J'avais certes quelques amis, car je n'avais pas d'autre choix pour survivre, seulement si aucun d'entre eux n'était présent et que mes tentatives maladroites pour ne pas rester seule ne se soldaient que par des échecs, je n'insistais pas et je préférais rester dans mon coin en lisant un bon livre.
C'est pourquoi je n'ai pas été réellement surprise quand j'ai appris que j'allais être proscrite à la fin du mois. Après tout, je nuisais au bien-être de la société, et ce, depuis plusieurs années. La seule raison pour laquelle j'ai été surprise était le fait que je n'ai pas été bannie de la société plus tôt.
Ce soir, entourée par quelques soldats, j'avançais à ce que tout le monde disait être ma mort, accompagnée de trois compagnons de malchance de plus de cinquante ans. Ils étaient vraiment âgés comparés à moi qui n'étais qu'une adolescente.
Dire que j'étais sereine aurait été un mensonge. J'étais terrorisée. Devant moi, se tenaient d'immenses portes de plusieurs mètres de haut et la seule chose à laquelle je pouvais penser était le fait que ces portes étaient vraiment grandes pour faire passer quatre minuscules humains.
Devant moi, des soldats commençaient à faire une courte parade avant de s'approcher des lourdes portes et, de nervosité, je laissai échapper un petit rire. Quelqu'un me frappa le dos ce qui stoppa net mon agitation. Il me tendit une machette et me fourra dans les poches des espèces d'anneaux argentés tout en me murmurant "Tu ne riras pas bien longtemps."
Prise de court, je me tus. Venait-il de dire que j'allais mourir ? Je n'étais pas bête, je savais que mes chances de survie étaient minces au-delà des limites de la ville, mais je n'en n'avais jamais réellement pris conscience.
Un bruit sourd retentit, me sortant de ma léthargie. C'était le signe que les hommes armés autour de moi venaient d'ouvrir les portes. Le signe que j'allais mourir.
On me passa une énième arme, signe que j'allais effectivement devoir me battre pour ma vie, et, tandis que les portes étaient encore entrouvertes, on me poussa sans ménagement à l'extérieur de l'enceinte de la ville en ne prenant pas garde à ce que je finisse blessée ou non.
Je titubai légèrement en sortant, aussi bien à cause de la brutalité des soldats, que par la chaleur qui régnait autour de nous malgré le fait que cette nuit était douce de l'autre côté du mur, mais par chance, je restai sur mes pieds.
Mes collègues de malheur n'eurent malheureusement pas la même chance que moi. Ils tombèrent à genoux sur le sol, probablement exténués par le fait de ne plus revoir leur famille et d'être maintenant en exil.
L'un d'entre eux se mit à crier d'injustice tout en sanglotant. Mon cœur se serrait en les entendant laisser leur chagrin les envahir. Ils avaient pourtant gardé la tête froide devant les soldats, mais maintenant qu'on était tout seuls, ils n'en n'avaient plus rien à faire.
Un grognement retentit alors. Pensant que l'un de mes compagnons de malchance avait sûrement faim, je n'en pris pas garde, seulement à l'entente de plusieurs autres grognements qui se faisaient de plus en plus forts, je serrai la crosse de ma machette.
Je commençais à comprendre pour quelle raison toutes ces armes nous avaient été passées, et pour quelle raison il faisait aussi chaud de ce côté-ci du mur.
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