Nuit éternelle
Un je ne sais quoi me réveille. J'ouvre des yeux bouffis de fatigue. Encore Pifou qui a dû réussir à entrouvrir la porte d'un coup de patte. Je déteste dormir la porte ouverte. Je tourne la tête pour vérifier. Impossible.
D’un coup, tous mes sens sont en alerte : Un silence assourdissant me dise mes oreilles, aucune odeur m'informe mon nez. Ce qui m'inquiète ce sont mes yeux. Ils n'arrivent pas à percer l'obscurité. Pourtant le réverbère créé toujours une lueur dans la chambre, malgré les doubles rideaux installés par les parents à mon retour de thèse. Je suis perplexe.
Je cligne des yeux pour sentir leurs mouvements : ils sont bien ouverts. Mes pupilles se dilatent au maximum. Je distingue une forme. Une tête émerge de l’obscurité.
Mon Dieu, quelqu’un est entré dans la maison ! J’essaie de bouger. Rien. Cette tête comme suspendue dans un halo de ténèbres se penche vers moi. Des yeux scintillants croisent les miens. Un désir sombre les habite. Mon cœur en pleine cavalcade saute un battement. L’angoisse l’enserre. Mon cerveau foisonne d’images horribles issues des séries américaines que j’affectionne : femme droguée, séquestrée, corps mutilé. Puis mes neurones rendent les armes. La panique a atteint un tel niveau que le cerveau déroute les communications pour éviter l’overdose de neurotransmetteurs. Je me mets à trembler, transpirer, immobile. Je suis paralysée. Par la peur ? La drogue ? Depuis combien de temps ? Je regarde ces yeux dorées qui s’approchent, s’approchent. Je sens une main froide qui attrape mon menton, tord mon visage vers la gauche. Le réveil entre dans mon champ de vision : 00 :01. Je ne peux plus voir l’intrus.
Je sens que çà se penche vers moi. Beurk, il me sent le cou. Il me lèche. Ah, c’est immonde ! Il…me mord ! J’aimerais me débattre, appeler à l’aide. J’ai l’impression que deux aiguilles s’enfoncent dans ma gorge vulnérable. Des dents ! Impossible ! La raison n’est plus de mise ce soir. Il faut que je sorte de là. C’est un cauchemar ! Oui, c’est çà un cauchemar. D’où les sens déroutés, l’incongruité de la situation : un voleur qui vient dans ma chambre au lieu du coffre dans le bureau ou de l’entrée avec nos sacs à main. N’importe quoi ? Cette fraction de bon sens est emportée par un maelstrom de plaisir, Un gout suave s’empare de mes papilles et je chavire…Puis les dents ressortent, et je reste pantelante happée par son regard.
- Léa, le monde n’est pas ce que tu crois, me sussure une voix douce, terrifiante de douceur.
Une saveur métallique se répand dans ma bouche. Ma langue indépendante s’empare avide des gouttes qui s’attardent sur mes lèvres.
Un froissement de drap, une main qui s'agite. Je me réveille en sursaut de ce cauchemar trouble. Brr… Je secoue la tête. Bon sang, j’ai la gorge tellement sèche ! Je vais aller boire un petit quelque chose; maman a sans doute une bouteille de jus dans le frigo.
Léa repousse les draps et sort de sa chambre d’un pas rapide.
Dans le miroir, face au lit, seuls les draps ont bougé.
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