un diplomate du Royaume de Xilia

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Nous sommes en droit de nous interroger : la naïveté est-elle un trait de caractère acquis une fois pour toutes ou un état d'esprit passager qu'il est possible de faire évoluer par l'expérience ?

La porte du bureau s'ouvre sur le Capitaine de l'Arche de Xilia. Il est toujours aussi élégant avec son uniforme impeccable d'officier fidèle à son poste et assurant coûte que coûte la sécurité du Royaume. Je dois avoir une bien piètre allure à côté, n'assurant que difficilement ma propre survie au prix d'efforts inconsidérés pour trouver la motivation de me nourrir.

--- Monsieur le Représentant ?

Il semble pressé, comme si une décision importante devait être prise au coeur d'une bataille. Mais les combats sont terminés. Les navires Krakenis ont tous été réduits en poussière, certains par eux-mêmes, mais globalement avec peu de pertes inutiles de notre côté. Le plan était bon et aurait pu nous assurer une prompte victoire sans la présence de cette station secrète équipée de canons à longue portée. Par chance, notre amie des Hommes Libres a pu en venir à bout rapidement, sans quoi nos pertes se seraient révélées considérables. Le capitaine m'assure que je suis en partie responsable de cet heureux dénouement et qu'elle n'aurait jamais obtempéré aux seuls ordres rugueux des Seelluss et Scavelaars combinés.  

--- Monsieur, il faut que je vous parle, insiste-t-il.

J'étais encore parti dans une de mes absences quotidiennes. Le monde réel me paraît si dénué d'intérêt qu'elles se font de moins en moins rare.

--- Oui ?

--- Nous avons une ouverture.

Une ouverture ? de la porte ? dans la coque ? Je ne comprends pas. Il s'en rend naturellement compte et précise sa pensée :

--- Les Seelluss sont en train de disparaître de la carte.

Je ne comprends toujours pas...

--- Ils se sont fait surprendre sur Coreberr, alors que le plus gros de leur flotte était engagé avec nous contre les Krakenis. Leur présence dans le système de Corellia est désormais nulle et les instruments montrent un mouvement massif de leurs vaisseaux restés dans la sphère d'influence de Xilia vers Coreberr. Ils veulent reprendre la main sur le centre de la galaxie.

--- Tout cela me paraît très confus capitaine. Je ne comprends pas bien qui a pu les surprendre. Seraient-ce les Gromov venus se venger ?

--- Non. Je vous avoue que ce détail n'est pas clair. Les tentatives d'identification des assaillants restent encore infructueuses.

--- Mais admettons que cela soit vrai, qu'entendez-vous exactement par ouverture ?

--- Les planètes du Royaume ne seront bientôt plus gardées que par nos propres vaisseaux.

Je ne peux m'empêcher de pointer un détail.

--- Vous voulez certainement faire référence aux navires obéissant aux ordres du pseudo-roi Rixorolo le dernier ? dis-je avec plus de mépris que d'amusement en prononçant le dernier quolibet à la mode à bord.

--- Ceux-là même, et, j'en suis certain, les mêmes qui s'empresseront de nous suivre au premier de vos appels pour la sauvegarde du Royaume.  

--- Donc, corrigez-moi si je me trompe, vous voudriez que nous retournions vers Xilia pour reprendre le contrôle sur le Royaume en l'absence des Seelluss.

--- C'est bien cela, Représentant.

--- Admettons que cela soit possible, comment envisagez-vous notre arrivée sur Xiril ? Toute la population doit aujourd'hui être convaincue par les mensonges qui inondent les réseaux depuis la prise de pouvoir de Rixo. Tous les Xiliains ne verront en moi que le traître revenu pour commettre un acte encore plus odieux, l'usurpateur de position diplomatique revenu s'accaparer le trône, le voleur de vaisseau revenu piller le reste des joyaux de Xilia, le... le kidnappeur de compagne venu arracher la belle des bras de celui qu'elle aime...

Je finis cette phrase en sanglots, aussi pathétique que misérable. En fait, je ne suis réellement qu'un vil usurpateur de ma position de Représentant, un méprisable voleur de vaisseau loin d'être digne d'en commander un, et un vulgaire kidnappeur incapable d'être aimé... un véritable traître laissant le Royaume entre les mains de malfaisants. Tout mon peuple doit me haïr, et je ne peux que leur donner raison.

--- Rien n'est perdu, il est encore temps d'agir, j'en suis persuadé. Nous ne pouvons nous soumettre sans tenter tout ce qui est en notre pouvoir !

Il a haussé la voix, ce qui est si inhabituel que je me retrouve presque pris de panique. Mon coeur s'accélère et je me sens obligé de justifier mon inaction.

--- Je ne crois pas... Je... Je veux dire, capitaine, que je ne crois pas que tout cela soit réellement en notre pouvoir.

Mais je sais que mes mots sonnent creux, tout comme le capitaine qui ne se donne pas même la peine de répondre, se contentant de franchir la porte ouverte aussi promptement qu'à son arrivée. Cette dernière se referme et me voici à nouveau où j'en étais quelques minutes auparavant, c'est-à-dire... nulle part.  

Cette entrevue me laisse un goût amer. Je sens bien que mes actions ne sont pas à la hauteur des enjeux, mais je ne crois sincèrement pas pouvoir gagner quelque chose à me lancer dans la reconquête de Xiril. Me retrouver face à Rixo, sans aucun argument à lui opposer. Refaire face à Xali... ou quelle que soit cette personne prétendant être Xali... Je ne m'en sens tout simplement pas capable.

Mais suis-je capable de continuer ainsi ? Faire semblant de vivre en ayant le sentiment de trahir les Xiliains au moindre de mes actes, ou à chaque fois que je décide de ne pas agir ? Je dois faire quelque chose... mais quoi ?

Me voilà face à un dilemme impossible. Je ne suis pas fait pour prendre de telles décisions, contrairement au Capitaine qui, lui, sait garder la tête froide et analyser la situation sereinement.

Voilà la solution ! Je n'ai qu'à abdiquer et confier les commandes de l'Arche au Capitaine. Je sais que je peux lui faire confiance pour faire ce qui est bon pour le Royaume. Et pendant ce temps, j'aurai tout le loisir de me morfondre en laissant les événements décider du sort des Xiliains pour moi...

***

Le Capitaine n'a pas accepté mon offre, mais nous avons convenu d'un arrangement. Il prendra toutes les décisions nécessaires ; je me contenterai de rester à mon poste et de fournir une façade diplomatique. Je devrai préparer un discours pour attirer les foules à notre cause le moment venu, mais le reste sera entre les mains d'une personne bien plus apte que moi.

--- Monsieur le Représentant, un message MXU-1 en provenance du Palais.

Ce doit être la reconnaissance du bien fondé de nos actions récentes. Sans parler de tonnerre d'applaudissements, Rixo doit se réjouir de voir l'Arche enfin de retour vers Xiril et son contrôle. Le Capitaine a eu la sage idée de prévenir le pseudo-roi de notre retour pour la remise de l'Arche aux autorités royales. Il espère ainsi nous assurer un voyage sans encombre jusqu'au plus proche du Palais, là où nous serons le plus efficace pour entrer en action.

Cela dit, pourquoi utiliser le protocole d'urgence pour de simples remerciements ?

--- Passez-moi ce message je vous prie.

Mes yeux agissent indépendamment de ma volonté en parcourant le texte, ils s'humidifient et laissent couler des larmes sans aucune retenue. Le message n'est pas de Rixo, mais de Xali... ma Xali, celle que je connaissais avant de partir pour Coreberr. Elle semble perdue et terrorisée. Elle me demande de l'aide... J'ai du mal à en saisir tous les détails tellement ma vision se brouille sous l'effet des larmes, mais il est clair qu'elle regrette sa tromperie et son association avec Rixo et les Seelluss.  

***

Mon coeur bat à tout rompre, irriguant mon corps d'une joie de vivre qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps. Je sais qu'il est dangereux de croire à tout cela et que je risque de me faire emporter à nouveau dans une machination malsaine, telle que le Capitaine l'appelle, mais je ne suis pas capable de lui dire non, tout comme je n'étais pas capable de vivre sans elle.

Elle dit s'être fourvoyée sur les motivations des Seelluss, ne pas avoir vu ce que cela impliquait pour le peuple Xiliain. Elle raconte la pression imposée par les Seelluss et l'avilissement rampant de toute notre civilisation. Elle ne peut plus se tourner vers Rixo, qu'elle qualifie de pantin à la botte de l'envahisseur, trop fier de sa propre personne et de sa position pour se rendre compte du terrible destin qui nous attend tous. Elle n'a plus personne à qui demander de l'aide à part moi, celui qu'elle a trahi le plus durement.

Elle me soumet une idée dans la veine de celle du Capitaine, mais avec un atout supplémentaire garantissant cette fois-ci la réussite et levant tous mes doutes. Elle se propose de donner tout son appui de Haute Ambassadrice pour faire de moi le Gouverneur intérimaire de Xilia, reniant le pseudo-roi et semant ainsi le doute au plus profond des troupes qui lui sont le plus fidèle.

Elle va jusqu'à suggérer que nous pourrions devenir amis, une fois ma colère légitime apaisée. Elle dit en avoir envie. Elle prétend avoir extrêmement souffert d'être obligée de m'infliger tout ceci. Elle dit avoir découvert en moi un être bon, aimant et chaleureux, comme elle aurait aimé en trouver bien avant de rencontrer Rixo. Elle sait qu'elle ne peut effacer tout ceci d'un simple message, mais elle est prête à accepter tout ce que je lui demanderai pour se faire pardonner. Elle semble sincère. Elle me touche au plus profond de moi. Elle... elle, elle... Elle. C'est elle. Et plus rien d'autre ne compte pour moi.