Justaucorps

2 minutes de lecture

 Elle plia le buste vers sa jambe droite posée sur la barre, la jambe gauche en pointe. Au-dehors, un autre genre de ballet avait lieu. Derrière la baie vitrée, le parking du supermarché se remplissait et se vidait de véhicules, des gens poussaient leur caddie. Une main froide appuya fermement sur son dos, elle réprima une grimace.

On exécuta une série de déboulés et de demi-contretemps rythmés par la voix de Mme Pareto, puis les arabesques et les entrechats. Quand arriva le tour d’Alizée, des chuchotements s'élevèrent. Mme Pareto s’approcha, et lui murmura à l’oreille :

— Vous devriez retourner au vestiaire, et faire le nécessaire.

Une chaleur lui envahit les joues, tous les regards étaient braqués sur elle. Qu’avait-elle fait ? Elle courut au vestiaire, se tourna et se retourna devant la glace.

Son justaucorps était maculé de rouge au niveau des fesses. Elle fixa l’auréole sanguine qui s’étalait lentement, grignotant le rose satin pour répandre des nuances de rouges : du rouge vif au centre vers le cramoisi en périphérie. Sur les bords, le sang séché affichait une teinte marron. Le tissu s’imbibait outrageusement.

Cette image la choqua, elle se sentait atteinte dans sa dignité. Soudain, le contact du tissu mouillé contre sa peau devint insupportable. Elle verrouilla la porte, et se déshabilla en gesticulant ; dans sa hargne, sa bretelle céda et son collant se troua. Elle tira sur ses rubans, et secoua ses pieds pour faire valser ses chaussons. Les sanglots sortirent malgré elle, bientôt son torse fut pris de soubresauts.

Elle alla devant le grand miroir au fond du vestiaire, et contempla les galbes de son corps. Il n’y avait pas le moindre doute, c’était un corps de femme. Elle aurait dû être flattée de cette apparence de sylphide, mais le gouffre entre la petite fille à l’intérieur et la femme à l’extérieur était trop vertigineux. Elle se laissa choir sur le sol et ramena ses genoux à la poitrine. Elle se sentait en colère contre ce corps qui se transformait à sa guise, et sans prendre la peine de la consulter, elle aurait aimé le ralentir, qu’il lui laisse un peu de temps pour s’y faire…

Elle voulut qu’il disparaisse et elle l’imagina se dissoudre peu à peu dans le néant comme si chacune de ses cellules n’était que grain de sable soufflé par le vent.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Diane94 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0