13. Le bar de la tentation
Alexei
Je ne sais plus où donner de la tête. J’ai l’impression d’être sur l'île de la Tentation et de me faire draguer par toutes les nanas qui sont dans le bar ! Même Zoé la serveuse a réussi à glisser un papier avec son numéro dans la poche de ma chemise ! Il leur arrive quoi à toutes ces filles ? Elles sont toutes en manque ou quoi ? Surtout que la seule qui m’intéresse vraiment boude depuis que je suis arrivé. Pas moyen de m’en approcher et surtout de lui parler. Et la voilà qui se lève pour aller “concrétiser” comme elle dit, avec ce con qui la reluque depuis tout à l’heure ! J’en reviens pas et je suis en rage de la voir donner à un autre ce que je désire depuis que je l’ai vue. Dire que moi, j’ai eu droit qu’à un simple bisou. Pourquoi elle a pas voulu concrétiser avec moi ? Trop blond ? Trop con ?
En tous cas, quand Mathilde m’invite à danser, je ne peux pas refuser. Même si je la trouve moins canon que ma voisine, il n’y a pas à dire, elle arrive à m’exciter ! Surtout depuis qu’elle m’a dit qu’elle ne portait pas de culotte sous sa jolie robe rouge bien moulante. Et les caresses qu’elle n’a pas arrêté de me prodiguer m’ont bien mis en forme ! Si je peux pas avoir Clem parce que je ne suis pas son type, je crois que je vais au moins pouvoir prendre du bon temps avec son amie qui a l’air de me vouloir dans son lit. Enfin, dans mon lit, je pense, car le sien risque d’être occupé par Clem et son brun. J’observe ce petit con avec son sourire niais. Qu’est-ce qu’elle peut lui trouver, putain ! Le gars a l’air d’un imbécile fini et, vu la taille de ses mains, il doit rien avoir dans le boxer ! Parole de russe !
Mathilde vient tout de suite se lover contre moi et passe ses bras autour de ma nuque, en posant sa tête contre mon torse. Je sens son parfum vanillé qui vient détourner mon attention de Clem qui s’est assise, pour mon plus grand déplaisir, quasiment sur les jambes du gars. Je bande rien que de m’imaginer à la place de ce gringalet alors que j’ai une femme splendide dans les bras. J’essaie d’ailleurs de me concentrer sur elle et viens poser mes mains sur ses fesses que je sais nues sous la fine étoffe de la robe. Elle se colle contre mon érection et ondule contre moi, en rythme avec la chanson. Moi qui ne suis pas un grand danseur, je me laisse entraîner par elle et, quand elle glisse sa main directement sur mon torse en défaisant encore un bouton de ma chemise, je me penche pour venir lui mordiller l’oreille. Cela lui arrache un gémissement vraiment prometteur pour la suite, mais ce qui m’intéresse réellement en faisant ça, ce n’est pas l’excitation de ma partenaire avec laquelle je risque de finir la nuit vu comme c’est parti. En fait, si je m’occupe de la jolie rousse comme ça c’est pour pouvoir observer plus facilement la splendide brune qui me fait perdre toute raison.
Ce que j’arrive à voir entre deux mouvements de danse me met en rage. Elle n’a pas perdu de temps à ce que je vois. Elle est déjà assise sur ses genoux et rit en trinquant avec le type. Lui ne perd pas l’occasion de zieuter son décolleté et j’enrage encore plus quand la main qu’il a posée dans son dos descend vers ses fesses. S’il ose aller jusque là, je vais le tuer, c’est sûr.
— Mmmm, Alexei, tu veux rentrer tout de suite ? Tu me rends folle à t’occuper de mon cou comme ça.
Mince, j’y suis allé trop fort, elle veut déjà baiser et me le fait sentir en venant se frotter contre mon érection sans se douter que ce n’est pas pour elle que je suis dans cet état. J’arrête immédiatement mes bisous dans son cou et je remets un peu de distance entre nous.
— On ne peut pas abandonner tout le monde comme ça, lui dis-je. Et j’ai promis une danse à Sarah aussi.
— Clem l’a fait, pourquoi pas nous ?
— Parce que j’adore quand tu es chaude comme ça, bébé. Sois patiente, la récompense arrive.
J’essaie de gagner du temps et jette un œil vers Clem qui se laisse peloter par son brun en transe. Ce salaud ne se rend pas compte de la chance qu’il a de pouvoir poser ses lèvres dans le cou de cette voluptueuse femme.
— Patiente pendant que tu danses avec les autres ? Je vois que tu ne sais pas ce que tu veux, tique-t-elle avant de rire. A moins que tu saches ce que tu veux mais ne puisses pas l’avoir, évidemment !
— Désolé Mathilde, tu es bandante, je ne peux pas le nier. J’ai envie de toi, je crois que ce serait super de te faire l’amour, mais ce n’est peut-être pas le moment. Pas encore, ajouté-je en voyant que Clémentine essaie de ralentir les ardeurs de son mâle en rut en le repoussant gentiment alors qu’il allait s’attaquer à ses seins.
— Pas encore ? Parce que c’est quoi ton objectif, te taper Clem et puis chacune de nous ?
Je lui lance un regard étonné, surpris de sa réflexion. Sans me soucier des autres, je l’attrape par les hanches et l’attire avec moi derrière un des piliers du bar, pas très loin du comptoir, à un endroit où l’on peut parler et s’entendre sans crier.
— Mathilde, je n’ai pas envie de toi ni de tes copines. Je suis un mec, je pourrais baiser avec vous, oui, mais la seule dont j’ai vraiment envie, c’est Clem. Et avec elle, j’aurais jamais rien. Donc je suis perdu, c’est tout. Tu vois ?
— Accroche-toi, beau gosse, parce que je vais t’en dire une bonne. Clem craque pour toi, ça ne devrait pas être trop difficile d’arriver à tes fins si tu la joues correctement. Par contre, si tu lui brises le cœur, Thor, Musclor, parrain de la mafia ou Poutine lui-même, je m’en branle, je te coupe les couilles et te les fais manger. C’est clair ?
— Elle craque pas pour moi, elle est en train d’en bécoter un autre.
— Si tu étais un peu plus observateur et moins préoccupé par ton entrejambe, tu aurais sans doute remarqué qu’elle crevait de jalousie de nous voir autour de toi. Elle est allée voir le mec par dépit, colère ou je ne sais quelle connerie, parce qu’elle ne fait jamais le premier pas elle-même.
Les paroles de Mathilde résonnent en moi et me font réfléchir. Ce n’est pas tant mon entrejambe qui me préoccupe que la situation dans laquelle je suis. Elle a évoqué Poutine et la mafia et cela m’a replongé dans la réalité de mon quotidien, dans la mission que je dois mener à bien pour sauver ma fille. Dans ces conditions, il est clair que je n’ai rien à espérer d’une relation avec cette femme que je cherche par ailleurs à détruire, même si mon cœur s’en fout de tout ça. Enfin, mon cœur, je vais peut-être vite en besogne, c’est peut-être simplement ma queue qui parle. Mais si c’était le cas, je pourrais tout aussi bien baiser la jolie fille qui reste collée à mes côtés, non ?
— Arrête de réfléchir ! On va aller retrouver les autres, beau blond, sinon ils vont croire que tu m’as emmenée dans les toilettes du bar pour me faire ma fête ! Et ce ne serait pas le meilleur moyen de conquérir le cœur de ta brune, si tu veux mon avis !
— Oui, tu as raison. Désolé d’avoir un peu joué avec toi…
— Tu peux l’être, ouais, mais je te pardonne si vous faites de beaux bébés avec Clem et que je suis marraine, rit-elle en attrapant ma main pour me tirer vers la table.
— Avant de faire des bébés, il faudrait déjà que j’arrive à la décoller du mec avec qui elle est, bougonné-je en la suivant.
Lorsque nous retrouvons notre table, nous sommes accueillis par des sourires entendus des amies de Clem, mais Mathilde leur fait vite comprendre qu’il ne s’est rien passé et qu’il faut qu’elles arrêtent de se faire des films. Elle demande :
— Elle est où, Clem ? Toujours avec son brun ?
— Oui, enfin je crois, dit Sarah en regardant la salle, vous ne les avez pas croisés aux toilettes ?
— On n’était pas aux toilettes, dis-je un peu brusquement. On parlait près du bar. Ils sont partis aux toilettes à deux ?
Mon cœur s’arrête de battre un instant. Je sens une rage froide s’emparer de moi et je me dis que si elle est le genre de femmes à faire ça, j’aurais mieux fait de me taper sa meilleure pote. C’est fou comme l’imaginer se donner à l’autre abruti me fait mal. J’en serre les poings et cherche, malgré tout, à la retrouver dans la foule, espérant que Sarah se soit trompée. Mais je ne la vois pas. La place où il était en train de la bécoter est désespérément vide. Putain que je suis con ! Elle avait juste envie de baiser et elle s’en fout de moi, en fait. Mathilde s’est plantée en beauté. Quel abruti je fais !
— Bon, les filles, je vais vous laisser. Si vous recroisez Clem et l’autre abruti quand ils auront fini leur petite affaire, dites-lui que je suis rentré. Seul.
— Compte sur moi pour lui faire la morale, soupire Mathilde en sortant son téléphone de son décolleté. Attends, Alexei, c’est elle !
J’ai envie de rire, pour le coup. Si Clémentine trouve le temps d’envoyer des messages à sa copine pendant qu’ils font leur affaire, le gars doit être sacrément naze. Pourtant, quand je vois le pli d’inquiétude qui s’imprime sur le front de sa meilleure amie, je fais moins le malin.
— Elle est dehors et a besoin d’aide, dit-elle en récupérant rapidement sa veste.
Elle se précipite déjà à travers le bar pour gagner la sortie, et je la suis instinctivement, tout comme ses deux autres copines. Qu’est-ce qui lui arrive ? Nous sortons vite du bar et arrivons sur le parking où nous entendons des cris.
— Mais laisse-moi, connard ! Je t’ai dit non ! Bordel ! Non, c’est non !
Mon sang ne fait qu’un tour et je me retrouve en mode commando comme si les années n’avaient pas eu d’effet sur moi. Je cours tel un félin vers les deux ombres qui se dessinent sous la lumière d’un lampadaire. Je bondis derrière le gars qui a déjà baissé son pantalon et cherche à maintenir contre le mur une Clémentine qui se débat comme elle peut. Je lui attrape le bras et je le propulse à mon tour contre le mur avant de lui décocher un coup de poing dans son visage de connard. Il s’effondre à mes pieds et je sens la rage m’envahir. Froidement, je le regarde et me baisse vers lui. Je murmure à son oreille :
— Non, c’est non. Pas difficile à comprendre.
Je le soulève en le prenant par la gorge et le colle au mur. Il se débat un peu mais ne peut rien faire face à mon entraînement et à ma force. Je vais le tuer. Jamais il n’aurait dû toucher à Clémentine. Je serre lentement mes doigts sur sa gorge, pris par la colère que je ressens contre lui.
— Alexei, c’est bon, arrête, je crois qu’il a compris ! crie Mathilde au loin.
Ses mots parviennent difficilement à mon cerveau mais ils ont au moins le mérite de me ramener au présent. Je réalise ce que je suis en train de faire. Je comprends que je ne suis plus dans les montagnes de Tchétchénie, mais dans une petite ville normande, que le gars en face de moi n’est pas mon ennemi, mais un pauvre type incapable de maîtriser sa libido. Je le relâche rapidement avant qu’il ne succombe entre mes doigts. Je prends une forte respiration car c’était moins une. Ma vie d’avant reprend si facilement le dessus, c’est effrayant. Je vois le gars se tordre de douleur et essayer de reprendre son souffle.
— Dégage, où je t’achève, lui lancé-je froidement.
Le gars se relève difficilement et me jette un regard apeuré. Dès qu’il a réussi à se redresser, il se met à courir et retourne à l’intérieur du bar sous les yeux amusés du videur qui a l’air d’avoir apprécié ma prestation. Je me retourne vers Clémentine et je constate que sa robe est un peu déchirée mais que Mathilde est déjà en train de la réconforter. Elle est entourée de ses amies et semble ne pas avoir été trop molestée. Je me dis que je n’ai pas ma place et que j’ai fait mon travail. En plus, j’ai dû lui faire peur en tuant presque un type sous ses yeux. Je me détourne donc d’elles et me dirige vers le chemin qui mène au restaurant.
— Alexei ! Alex, attends !
J’entends Clémentine m’appeler en courant vers moi, mais je ne m’arrête que lorsque je sens sa main attraper mon avant-bras. Je n’ai pas envie de voir son visage apeuré ou de l’entendre me dire que je suis fou et qu’il faudrait m’enfermer. Elle me tire sur le bras et me force à la regarder.
— Merci, murmure-t-elle en venant se coller contre moi, posant sa tête contre mon torse.
— Je… Désolé, j’y suis allé un peu fort, j’ai pas réussi à me contrôler. J’ai failli tuer ton mec…
— C’est pas mon mec, dit-elle en frémissant contre moi. J’étais sortie prendre l’air, seule, prétextant aller aux toilettes, ce connard m’a suivie pour… Beurk, mon dieu.
— Je le savais, un connard… dis-je en la serrant dans mes bras. C’est fini. Il ne recommencera pas, ça j’en suis sûr.
— Heureusement que tu étais là… J’ai essayé de me défendre mais… Je ne suis même pas sûre que les filles auraient pu faire quoi que ce soit.
— Tu vas bien ? Il n’a pas…
Je n’arrive pas à finir ma phrase, pris à nouveau par mes envies de meurtre contre celui qui a osé toucher à cette femme magnifique.
— Non, non, soupire-t-elle en entourant mes hanches de ses bras. Il n’a pas eu le temps de grand-chose…
— Tant mieux. On rentre ? Tes copines viennent aussi ?
— On est là, dit Mathilde dans mon dos. Ce soir c’est girl power, on dormira toutes les quatre. On ne lâche pas les copines.
— Ça va, c’est bon, je vais bien, bougonne Clémentine en me lâchant pour s’éloigner de moi.
— Ne discute pas, tu n’as pas le choix, de toute façon.
— Allez, c’est parti pour le girl power, dis-je en retrouvant le sourire. Et moi, je serai votre garde du corps pour éviter qu’il vous arrive encore des soucis ! Je vous escorte jusqu’au restaurant.
— Super, un garde du corps personnel, s'extasie Sarah en venant agripper mon bras, mais Mathilde l’attire vers elle en lui faisant les gros yeux.
Clémentine soupire et commence à avancer sans nous attendre. Je crois que la soirée a été un peu trop forte en émotions pour elle, et je peux comprendre qu’elle ait besoin d’être un peu seule, mais Mathilde me met un coup de coude dans le ventre et me fait signe de la rejoindre. Je lève les yeux au ciel, blasé, avant de me souvenir que j’ai fait la même chose que ma voisine il y a quelques minutes. Je la rejoins rapidement et me poste à côté d’elle jusqu’à être certain qu’elle m’ait vu, puis passe mon bras autour de ses épaules, et nous rejoignons le restaurant dans un silence seulement perturbé par le bruit des vagues.
— Ça va aller ? demandé-je doucement alors qu’on contourne la bâtisse pour entrer par le petit portillon de la cour privée.
— Oui, j’ai juste envie d’un chocolat chaud, murmure Clémentine plus pour elle-même que pour moi en ouvrant le portillon.
Laissant les filles entre elles, je regagne mon appartement et m’effondre sur mon lit. Cette soirée m’a démontré que j’étais bien dans la merde. Je suis en train de succomber aux charmes de ma patronne, cette même femme que je suis censé mettre en difficulté pour sauver ma fille. C’est sur ces difficiles pensées que je m’endors alors que j’entends les gloussements à côté, me faisant réaliser que malgré la proximité physique, je vis bien dans un monde totalement à part.
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