30. Crème grillée

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Clémentine

Je soupire derrière mon bureau et referme brusquement le cahier de comptabilité. Dire que je pourrais être au lit, à l’étage du dessus, en charmante compagnie, plutôt qu’enfermée là après un rendez-vous hyper matinal avec ma comptable. C’est la merde, c’était prévisible, mais je gardais espoir. Ça pourrait être pire, c’est sûr, mais le chiffre d’affaires est bien moins élevé qu’à la même époque l’an passé, alors que l’été est plus chaud et plus beau. Je ne me dégage toujours pas de salaire, entre celui des employés, les charges diverses et l’emprunt à la banque à rembourser.

J’ai peur de ne pas y arriver. Peur de ne pas réussir à tenir cette promesse qui tenait tellement à cœur à mon père. L’idée d’échouer me retourne le ventre et je me dis que je devrais peut-être passer un peu moins de temps à fricoter avec mon voisin canon et distributeur d’orgasmes à la pelle. Ou pas, putain, ça fait du bien ! Bon, je suis clairement en train de me foutre dans la merde, parce que Thor, en plus d’être un amant au top niveau, se révèle aussi être un homme des plus agréables qui ne me laisse pas indifférente, loin de là.

Je me perds dans la contemplation de la Manche à travers la vitre durant un moment et finis par me secouer. Je crève d’envie de passer dire bonjour à Alexei, mais je ne veux pas passer pour la nana envahissante. C’est toujours difficile de trouver le juste milieu et je crois que ça l’est encore plus quand on vit côte à côte et qu’on bosse ensemble. Nous nous voyons tous les jours depuis qu’il a commencé à bosser ici et dormons ensemble toutes les nuits depuis maintenant dix jours. Je ne peux déjà plus compter le nombre d’orgasmes auxquels j’ai eu droit, mais le total est élevé. Le mec est insatiable et je me révèle l’être tout autant. Je suis crevée, mais capable d’en redemander encore. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir comme ça la cadence, mais mon humeur n’a jamais été aussi bonne depuis que je suis revenue ici, si l’on fait abstraction de ce matin, évidemment.

Je me lève finalement et sors du bureau où je me retrouve percutée par une masse de muscles reconnaissable entre mille. Thor m’attrape par la taille et me fait reculer dans la pièce. Je me retrouve plaquée contre la porte qu’il a claquée, et embrassée comme si ma vie en dépendait.

— Bonjour à toi aussi, Thor, ris-je quand il libère finalement mes lèvres. Heureusement que ma comptable est partie.

— Pourquoi ? Elle m’aurait empêché de t’embrasser, tu crois ?

— Non, elle aurait sûrement voulu participer, même si elle doit avoir soixante ans et semble coincée comme Dolores Ombrage, ris-je en glissant ma main sur sa nuque pour l’embrasser à mon tour.

— Toi, j’espère que tu n’es pas coincée parce que là, j’ai envie de toi. Ne me dis pas que tu n’as pas le temps…

— Je ne te le dis pas, mais c’est un fait, beau blond. Il va falloir remballer le matériel et être patient.

— Je ne suis pas patient, dit-il en me repoussant contre le bureau, sa main déjà entre les jambes.

— Alex, on va être en retard, marmonné-je en déboutant malgré tout son pantalon.

— On s’en fout. J’ai envie de toi.

— Bien, quand je déposerai le bilan du restaurant, tu diras ça à mon banquier ? On s’en fout, j’ai envie de la patronne ? Enfin, ancienne patronne…

— On va le sauver, ton restau. Laisse-moi te faire oublier ton banquier.

Il soulève alors ma robe, fait glisser ma culotte le long de mes jambes et vient se positionner tout contre mon intimité.

— Ça se voit que ce n’est pas toi qui viens de passer une heure le nez dans les comptes, marmonné-je en guidant son sexe en moi.

— Oh Clem, j’aime trop quand tu n’es pas raisonnable comme ça !

Monsieur a l’air bien excité par la situation et je sens son membre tout dur qui me pénètre et me remplit comme à chaque fois, non seulement physiquement, mais surtout avec son lot de sensations qui me retournent le cerveau. C’est lui qui me rend tout sauf raisonnable et me pervertit avec tout ça. Je ne devrais pas, mais c’est trop bon, trop agréable de vivre pour moi et pas pour le restau, juste quelques heures par jour.

C’est un petit coup rapide mais agréable, toutefois. Ses mains se font entreprenantes, ses lèvres tout autant, et je ne suis pas en reste de mon côté. Le plaisir enfle rapidement dans tout mon être alors qu’il va et vient en moi sans relâche, possédant chaque partie de mon corps qui lui est accessible. Il jouit rapidement et se déverse dans mon intimité dans ce gémissement qui me fait toujours autant d’effet, me poussant moi-même à l’orgasme d’une manière brutale et libératrice. Les retrouvailles du corps et de l’esprit, un pur délice que je consomme sans modération.

Je finis par me presser contre lui, glissant mes mains sous son tee-shirt. Me voilà à chercher la tendresse post-coïtale, autant dire que c’est très mauvais signe pour mon indépendance émotionnelle. Je suis indéniablement en train de tomber amoureuse du Russe, et ça me fait bien flipper.

— Faut que j’y aille, marmonné-je en rompant le contact pour descendre du bureau et aller récupérer ma tenue de cuisine dans mon placard.

— Moi aussi, sinon ma patronne risque de me coller un avertissement. Je fonce !

— File oui, soupiré-je. Je ne voudrais pas te créer d’ennuis.

— Je suis prêt à affronter tous les ennuis, maintenant, me dit-il en venant m’embrasser tendrement.

Je savoure ce doux baiser et le laisse finalement rejoindre la salle. Il faut que je me bouge également, et je me change en me demandant ce que va donner ce truc avec Alexei. On passe notre temps libre à coucher ensemble, mais pour le reste, je ne saurais dire. Je ne peux m’empêcher de regretter de ne pas partager tant que cela avec lui, en dehors de ces moments intimes. Nous n’avons rien défini clairement, et je déteste coller des étiquettes à tout et rien, mais cela m’interroge un peu, tout de même. Et plus le temps passe, plus je cherche un semblant de relation classique, durable avec lui. Si bien que ce genre de moments, aussi agréables soient-ils, me laissent un goût amer en bouche quand j’y repense. Le petit coup vite fait, bien fait, planqués dans mon bureau, c’est bien sympa, mais les à-côtés le sont aussi. Un peu de tendresse, des moments où nous ne sommes pas seulement guidés par nos hormones et notre désir…

Je gagne la cuisine et entame la préparation de mes derniers desserts sans me préoccuper de Terrence qui prépare ses pâtes sans aucun ingrédient du coin pour le plat du jour. Je me tais, le laisse faire ce qu’il veut, tant qu’il reste dans les clous pour le reste des plats. Certains clients commandent sa mixture italienne, mais les recettes de mon père restent plus vendues et cela me fait intérieurement jubiler. Je lui ai proposé une recette de tarte au pont-l'évêque et au calvados il y a deux jours, lui tirant grognements et protestations, lui qui déteste ce fromage, mais il la fait quand même. S’il savait que la recette ne vient pas de mon père, Chef reconnu, mais de moi, je suis sûre qu’il lâcherait l’affaire immédiatement. Foutu connard misogyne.

Je lutte pour retenir le sourire qui me vient aux lèvres quand Alexei passe la porte et me rejoint devant mon piano alors que je fais revenir des quartiers de pommes dans du jus de citron et de la cannelle. Il jette un œil vers Linguini et, rassuré, pose sa main sur la mienne. Une simple petite caresse, un regard plein de… d’amour ? En tous cas, beaucoup d’émotions et de respect dans ce geste tendre qu’il ne prolonge pas, malheureusement, de peur de se faire surprendre.

— Tu as déjà goûté à ma crème au cidre et aux pommes ?

— J’ai déjà goûté à ta crème, mais pas à celle-là, me répond-il espiègle alors que le feu me monte aux joues.

— T’es terrible, ris-je en allant dans le frigo pour lui sortir un ramequin de ma première fournée. Goûte-moi ça. Recette de ma mère.

Il trempe son doigt dedans et fait la grimace. Il ouvre grand les yeux et a l’air inquiet en jetant un regard vers Linguini. Puis, il replonge son doigt dans la crème et le tend vers moi, me faisant comprendre que je dois y goûter, ce que je m’empresse de faire, inquiète sur le résultat de ma préparation. Le goût est succulent, je trouve. Alexei ! Le fourbe !

— Oui, elle est excellente cette crème. Tu l’as parfaitement sucée !

— Tu me le paieras, ça ! Tu m’as fait peur !

Je replonge mon doigt dans la crème, et cette fois, je le suce encore plus langoureusement et de manière volontaire. Quand il fait mine de tremper le sien dans le pot, je viens lui mettre une petite tape sur la main.

— Ah non, ce n’est que pour les serveurs gentils qui ne se montrent pas fourbes !

— Mais je suis le plus gentil des serveurs russes à ton service ! Tu ne peux pas me faire ça !

— Je fais tout ce que je veux, ris-je en débarrassant mes pommes revenues dans un plat froid, je suis la patronne je te rappelle.

— Je reviens vite, jolie patronne, me lance-t-il avant de récupérer un plat préparé par Linguini et l’emmener dans la salle du restaurant d’où vient un agréable brouhaha me faisant croire que la recette du jour devrait être à la hauteur de mes espérances.

Je profite de la vue sur son charmant derrière moulé dans un jean et me secoue pour reprendre mes tâches. J’adore cuisiner sucré, reproduire les recettes apprises avec ma mère, régaler les papilles de spécialités normandes qui donnent envie d’y revenir, comme c’était le cas pour moi lorsque j’étais plus jeune. Cette crème, c’est par elle que j’ai goûté pour la première fois au calvados, cet alcool fort qui ne plaît pas à tout le monde. Pourtant, bien dosé, adouci par le sucre, par la crème, le cidre et les pommes, cela donne une délicieuse combinaison qui me rappelle bien des souvenirs avec ma mère que j’espère ne jamais oublier.

Alexei repasse à plusieurs reprises dans la cuisine, au gré du service, et c’est comme s’il avait entendu mes pensées du matin, senti mes doutes, mes peurs. J’ai droit à de petites attentions discrètes et bien agréables. Il me surprend même à un moment alors que je goûte à un de mes desserts. Il manque un petit truc, ce petit je-ne-sais-quoi comme disent les anglo-saxons et c’est lui qui vient me suggérer de rajouter une dose de noisette. Je réfléchis et lui fais confiance. Le résultat est un délice, je ferme un instant les yeux et, quand je les rouvre, le sourire qu’il m’adresse alors vaut tout l’or du monde.

— Tu as la même tête quand tu jouis, me murmure-t-il à l’oreille avant de déposer un tout petit bisou dans mon cou qui me fait frissonner.

— De quelle tête tu parles ? dis-je en jetant un œil à Terrence, affairé sur son plat de pastas.

— Celle que tu as quand tu vénères le dieu Thor, me dit-il en riant. Ou quand tu manges du chocolat !

— Je ne fais aucune tête particulière, n’importe quoi ! bougonné-je en lui pinçant le flanc alors qu’il s’éloigne à nouveau.

— Si c’est la tête que tu fais quand il te fait l’amour, c’est qu’il fait ça bien ! rit Sonia à mes côtés.

Son intervention me coupe le souffle et me fait monter le rouge jusqu’au bout de mes cheveux.

— Je.. Heu, balbutié-je stupidement. Ne parle pas si fort, Linguini a les oreilles qui traînent !

— Lui, ce sont les oreilles, Alex ce sont les mains, si je ne me trompe, me dit-elle en me regardant d’un air empli de curiosité.

— Garde ça pour toi, tu veux ? marmonné-je en jetant un nouveau coup d'œil au cuisinier.

— Vous êtes mignons, tous les deux. Promis, je ne dirais rien. Mais que veux-tu que ça lui fasse, à Linguini, si vous couchez à deux ? Vous êtes grands, non ? Et c’est pas toi la patronne ?

— Justement, il remet déjà suffisamment en question mon statut. S’il sait qu’Alex et moi… Bref, et si mon oncle l’apprend, en plus, ils vont me faire chier. Comme s’ils n’étaient pas déjà assez agaçants.

— Et alors, il est aussi bon qu’il en a l’air ? me dit-elle, coquine.

— Tu n’as même pas idée, ris-je alors que j’entends Terrence se racler la gorge.

— Ça va refroidir, bouge-toi, Sonia.

— Peux-tu apporter les assiettes avant qu’elles ne soient froides, Sonia, s’il te plaît ? dis-je en exagérant volontairement le ton poli. Tu vois, c’est pas bien difficile, Ronchonchon ! Faudrait vraiment que tu penses à tirer un coup, je suis sûre que ça te détendrait.

— Ronchonchon ? C’est comme ça que tu me parles ? Et toi, c’est pas avec ton gros cul que tu pourrais tirer ton coup !

— Si tu savais, m’esclaffé-je. Crois-moi, le frustré, contrairement à toi, je jouis autrement qu’avec ma main droite.

— Ah ouais ? Tu fais ta maligne parce que t’a un gode dans ta salle de bain ?

— Eh, n’oublie pas que je ne suis pas ta sous-fifre, Terrence. Et Sonia non plus d’ailleurs. J’y peux rien, moi, si t’es tellement invivable que tu te couches seul le soir.

— Je t’inviterais bien dans mon lit, mais j’ai arrêté avec les gros thons.

— T’as arrêté avec le cul tout court ouais, avoue ! T’as fait vœu de chasteté ou j’ai raison et aucune femme ne peut te supporter plus de deux minutes ?

Etonnamment, depuis que j’ai débuté ma relation avec Alexei, ce genre de réflexions ne me touche plus du tout. Vu l’attention que mon magnifique Russe leur porte, mes formes et mes courbes se portent bien et sont à l’abri des remarques qui se veulent blessantes de cons comme Linguini. Je reprends un morceau de chocolat, le croquant avec délice. Si je fais autant bander ce beau dieu slave, c’est que je dois être un minimum sexy, non ?

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