Fièrement dressé sur son destrier, Felónwë attendait au bas de l'escalier. Comme ils avaient l'habitude de le faire lorsqu'ils prenaient en charge une personne d'importance, les gens à son service s’effairaient autour du carrosse afin de vérifier une ultime fois que tout était parfait. Les vétérans d'arme, montés sur leurs chevaux, immobiles eux aussi, formaient un mur défensif autour du véhicule. Ils guettaient le moindre geste directif de leur chef.

Finalement, elle apparue, escortée par ses demoiselles. Rayonnante et majestueuse, elle se tint un instant avec grâce au sommet du perron. Elle observa le convoi, apprêté pour elle en contrebas, avant d'entreprendre sa lente descente des marches. Dans le même temps, trois jeunes femmes l'assistaient, soulevant son ample robe.

S'approchant de lui, elle plongea ses yeux dans les siens.

― Alors c'est vous, Felónwë, qui m'accompagnez aujourd'hui jusqu'à ma destination. J'imagine que je ne peux prétendre à meilleure escorte que la vôtre.

Elle esquissa un sourire à son gardien puis continua en direction de la voiture. Constatant toute l'attention qu'on lui consacrait, elle se retourna pour déclarer :

― J'en n'attendais pas moins d'un champion elfe tel que vous, mon cher.

L'interessé tira l'épée de son fourreau puis hocha la tête en signe d'approbation.

― Ma lame est vôtre, madame.

Il portait sa tunique des grands jours. D'une couleur sombre, elle tranchait radicalement avec ses yeux clairs et ses longs cheveux blanchâtres. Si lui et ses hommes n'avaient pas déjà débarrassés la région de ses bandits, il aurait presqu'espéré l'embuscade qui lui permettrait de faire une retentissante démonstration de force auprès de sa belle du jour. Hélas, le voyage ne promettait rien d'extraordinaire. Il suffisait de conduire la princesse en direction d'un hameau proche d'où elle prendrait quelques jours de repos. L'honneur d'avoir été ainsi choisi, l'avait néanmoins incité à sortir le grand jeu.

Le carosse rigoureusement encerclé par les soldats de hauts rangs, s'éloignait déjà, empruntant une route traversant la forêt. En parfait leader, Felónwë ouvrait la marche, le dos bien droit et le torse bombé. Derrière lui, il cru sentir, posé sur sa personne, le regard admiratif de sa princesse. Peut-être, celle-ci se penchait-elle à la portière afin d'observer avec envie SON champion. Quand il se retourna, cependant, rien de tel. SA belle fut certainement retournée à l'intérieur du véhicule afin de se repoudrer le nez à la hâte, estima-t-il.

Alors que la compagnie avait déjà parcourue une lieue, le hameau était à portée de vu. Les vétérans firent bientôt stopper le convoi, observant avec étonnement leur chef continuer sa marche en avant.

— C'est le moment Monsieur, jugea utile de lui rappeler l'un d'entre eux .

— De quel moment parlez-vous, mon fidèle lieutenant ? demanda Felónwë, un sourire ingénu aux lèvres.

— je vous en prie Monsieur, surtout n'avanc...

La phrase ne fut pas prononcée en entier qu'une flèche vint se ficher en plein milieu du front du champion. Il tomba comme une mouche au sol alors que son beau destrier continuait d'avancer avec majesté. Les vétérans furent sidérés par ce qui venait de se passer. L'un d'eux s'empressa d'aller chercher un drapeau afin de l'agiter frénétiquement à l'avant du convoi. La princesse, restée dos à la route, questionnait un autre vétéran avec un brin d'impatience :

— Pourquoi s'arrête-t-on ? y en a-t-il encore pour longtemps ?

Dans la tour de garde attenante au hameau, les deux soldats de service se regardaient, comme perplexes.

— M'enfin, pourquoi n'ont-ils pas agité ce fichu drapeau plus tôt ?

Car effectivement, il était de notoriété publique que de ne pas exécuter le signal avant son arrivée était synonyme d'exécution. Dans la région, il fallait se préserver des bandits ou envisager de changer la loi devenue obsolète grâce à la prévenance de Felónwë et de ses vétérans.