Chapitre 4
Rose resta figée un petit moment, encore perturbée par ce qui venait de se produire. Comment pouvait-on être aussi changeant ? Tantôt gentil et serviable, tantôt froid et bizarre, tantôt timide et fuyard... Ce fleuriste était une énigme à lui tout seul. Pendant un court instant, Rose songea qu'il n'avait pas toute sa tête... mais elle se ravisa vite, concluant qu'elle n'était personne pour le juger.
Elle prit soin de prendre un sac dans lequel elle glissa la bouteille de vodka et le sandwich pour les mettre dans le frigo du personnel, à l'arrière-boutique. Elle prit ensuite la monnaie qu'elle lui devait pour la mettre dans sa propre poche. Puisqu'elle savait où il travaillait, elle irait lui rendre son argent en main propre. Mais avant cela, elle allait devoir justifier son acte afin de ne pas passer pour une voleuse sur les caméras de surveillance. Même si Monsieur Milaire n'était pas du genre à la fliquer, elle préférait assurer ses arrières. Aussi, elle prit son téléphone pour envoyer un message à Jérémy.
"Salut, un client a oublié sa monnaie et je l'ai gardée sur moi pour la lui rendre plus tard."
Il répondit 2 minutes plus tard.
"Et alors ?"
"ET ALORS si tu me vois mettre de l'argent dans mes poches sur les caméras de surveillance c'est le sien ! Je ne suis pas en train de vous voler !"
"T'es sérieuse, Rose ? Je sais très bien que t'es pas une voleuse... t'es chelou des fois."
"Laisse tomber. Dis bonjour à Lola pour moi. Bisous"
"Ça marche. Tkt pas pour les caméras. A+"
Soupirant, Rose déposa son téléphone et retourna à son documentaire sur la pêche.
Lorsqu'il fut enfin minuit, elle ferma boutique et se rendit jusqu'à son arrêt de bus. Les horaires de nuit étaient bien moins arrangeants. Son bus n'arrivait que dans 30 minutes et elle se maudissait de ne pas avoir de voiture, d'autant plus qu'elle avait réussi son examen du permis de conduire depuis plusieurs années. L'attente dans le froid lui sembla durer une éternité. Enfin, son bus finit par arriver et elle se blottit à l'intérieur pour se réchauffer. Lorsqu'elle fut rentrée chez elle après ce long trajet, elle sombra dans un profond sommeil.
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Le lendemain, Rose se rendit à l'épicerie plus tôt que prévue. Elle comptait bel et bien aller au magasin de fleurs pour rendre les articles de ce "Saad". Jérémy, qui ne comprenait pas pourquoi elle se donnait tant de peine, décrocha ses yeux de la minitélévision -qu'il n'avait pourtant pas le droit de regarder- pour les poser sur sa collègue.
« Honnêtement Rose, tu devrais arrêter de te prendre la tête. Si il veut son fric et sa bouteille, il viendra les récupérer lui-même. »
« Ça n'a pas l'air d'être son genre. Et puis ça ne me dérange pas d'y aller. » affirma Rose en récupérant le sac qu'elle avait déposé au frigo la veille.
Jérémy haussa les épaules. Il savait qu'insister ne servait à rien et le match de catch qu'il suivait l'intéressait bien plus que les états d'âmes de Rose.
Sac en main, la jeune femme quitta la boutique pour se diriger vers le fleuriste. A l'intérieur, ses yeux trouvèrent instantanément sa cible. Saad était en train de ranger l'espace de vente et n'avait pas l'air d'avoir repéré sa présence. Aujourd'hui, quelques mèches rebelles avaient trouvé leur place sur les côtés de son visage et une partie de son front. Elle s'approcha de lui et se racla la gorge pour signaler sa présence. Quand il se retourna, il afficha d'abord un air surpris, mais fronça très vite les sourcils.
« Bonjour. » lança Rose
« Qu'est-ce que vous me voulez ? » grogna-t-il en lui tournant le dos pour retourner à ses occupations.
« Je suis venue vous rendre vos articles et votre monnaie. »
« Je ne vous ai rien demandé. » répondit-il d'un ton cinglant.
Outrée, Rose fronça les sourcils à son tour. Pourquoi diable se comportait-il comme un idiot ? Elle s'en voulut de ne pas avoir écouté Jérémy et siffla entre ses dents.
« Vous savez, Saad, ce n'est pas parce que vous êtes plutôt beau gosse que vous pouvez vous permettre ce ton condescendant avec moi. Un simple merci aurait suffi. Bonne journée. »
Sur ses mots, elle déposa le sac à ses pieds et déguerpit sans lui laisser le temps de répondre. Le bougre l'avait mise en rogne. Où était passé le vendeur doux et serviable qu'elle avait rencontré la veille ? Son animosité totalement injustifiée l'irritait au plus au point. Elle partit en claquant la porte et retourna dans l'épicerie pour se préparer à bosser. Heureusement pour elle, Jérémy n'insista pas en voyant qu'elle n'était pas d'humeur. La nuit s'annonçait longue.
Quatre heures plus tard, les clients n'affluaient pas. Rose se demandait si tenir la boutique si tard était bel et bien rentable, mais elle n'allait pas s'en plaindre. Après tout, son travail n'était pas si compliqué et avec la télé, les heures passaient plus vite.
Un vieil homme qui habitait le quartier voisin vint lui faire la conversation pendant une bonne heure. Il lui raconta ses péripéties du moment, comment il avait réussi à retrouver ses lunettes qui étaient tombées dans la machine à laver, ou encore comment il avait découvert que la caissière d'un supermarché lui avait encaissé 2 fois le même article... Lorsqu'il partit enfin, Rose soupira un bon coup et surprit au même moment une tête blanche qui lui était familière. Saad.
La sonnette de la boutique ne l'avait pas alertée de sa présence. Aussi, elle ignorait depuis combien de temps il était ici mais quelque chose lui disait que cela faisait un moment. Il sortit d'un des rayons et déposa une boîte de pâtes à la tomate prête à réchauffer sur le comptoir. Rose, qui était encore froissée par les évènements de tantôt, ne lui adressa pas un seul mot. Après quelques secondes de malaise, une voix hésitante brisa le silence glacial.
« Est-ce que... votre mère a aimé les fleurs ? »
Rose arqua un sourcil face à cette question. Lorsqu'elle leva les yeux vers son interlocuteur, elle constata avec surprise que celui-ci avait l'air gêné et intimidé. Encore une fois, son comportement n'avait absolument rien à voir avec celui de tout à l'heure.
« Oui, je suppose. » répliqua-t-elle froidement.
« Vous supposez ? »
« Ma mère n'est plus de ce monde. »
Un long silence s'installa. Rose encaissa le pot de pâtes et lui rendit sa monnaie en le regardant droit dans les yeux.
« Bonne soirée. » lui dit-elle.
« ... Mes parents aussi sont morts, » lança-t-il soudainement. « La prochaine fois que vous viendrez, je vous ferai un bouquet de chrysanthèmes. Elles symbolisent l'éternité. »
Son regard emplit de compassion laissa Rose médusée. Il prit ses pâtes, sa monnaie et quitta l'épicerie avec un dernier coup d'œil pour elle. Décidément, cet homme était vraiment unique en son genre.
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Pour ceux ou celles qui ont hâte de savoir quand les choses sérieuses vont commencer, sachez qu'on y vient :D
Je rappelle encore une fois que certaines scènes seront violentes et pourront heurter la sensibilité. Vous pouvez encore faire demi-tour. Auquel cas... bonne lecture !
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