Oui, le silence
Ce que nous pensons alors, ceci : nulle beauté n’est obscène pour le simple motif que, paraissant, elle anesthésie tout le réel qui n’est pas elle. Nous pensons aussi que l’érotisme vrai consiste en ceci : donner à voir une Forme identique à celle de nos rêves, la porter au-devant de nous dans la plus effective innocence, dévoiler puis voiler des territoires du corps à la mystérieuse sémantique, laisser tout ceci en suspens et plonger le Voyeur en sa jouissive stupeur. L’érotisme trouve son équivalent symbolique dans la figure rhétorique de l’oxymore, une ombre recouvre une clarté dont chacune trouve, en cette conjonction, l’accomplissement même de son essence. Libre-de-soi ne l’est qu’à se manifester dans la retenue. Toute retenue n’est jamais que le premier mot du laisser-être-soi en direction du monde.
Sans doute, avant que de nous retirer sur la pointe des pieds, laissant Libre-venue à sa méditation, convient-il de dire un mot sur l’étonnante présence de la paire de lunettes qui vient obturer son regard. Souhait d’une dissimultion ? Volonté de voir sans être vue ? Recul à l’abri d’une énigme ? Peut-être une clé précieuse nous est-elle fournie par le titre que l’Artiste a attribué à son œuvre : "Sibylle peut être..."
Mais alors, qui est-elle cette Prophétesse,
qui est-elle cette Visionnaire,
que lui manifestent ses dons d’Aruspice :
l’illusoire et toujours fuyante beauté du Monde ?
La fuite à jamais du temps ?
Notre impatience de la connaître plus avant ?
Elle seule pourrait le dire
mais la fraise carminée de sa bouche
repose dans le silence.
Oui, le SILENCE !
Annotations
Versions