8. Je t'ai mal jugée - 1/3
Une demi-heure plus tard, je sors de la chambre de Bryan. Il s'est assoupi, la couverture serrée dans son maigre poing et une esquisse de sourire sur les lèvres comme si, pour la première fois, il s'endormait paisiblement. Avant que je ne sorte, je lui ai fait promettre de ne jamais recommencer. En échange, il a exigé que je parle avec sa mère. Je n'ai pas refusé, même si je savais que ce ne serait pas chose simple d'avoir une discussion sensée avec Belle. Elle qui est si frivole !
Noah n'est pas dans le couloir. Je le sais parce que, qu'en regardant l'écran d'accueil de mon téléphone, je repère deux messages de sa part au milieu des inquiètudes d'Alex ne nous voyant pas revenir à la maison. J'explique calmement la situation à ma nièce et son message affolé me fait songer qu'il faudrait mieux que je rentre pour lui exposer les détails en face à face et non par écrans interposés. Je finis par ouvrir le message de Noah.
Noah : J'ai du partir. Je devais récupérer Roland chez un copain.
Noah : Je peux passer chez toi, ce soir ?
Je souris, sans aucune raison. Et lui réponds.
Moi : Non, désolée. Je vais dormir avec Bryan à l'hôpital ou me coucher immédiatement.
Moi : Et pas sur le canapé...
Il répond immédiatement, comme s'il attendait impatiemment mon message devant son téléphone.
Noah : Zut, j'aimais bien moi.
Noah : Dors bien et fais de beaux rêves...
Je range mon portable dans ma poche sans répondre et relève la tête. Je croise le regard de Charlie. Que fait-il encore ici ? Il se lève.
- Salut, Kayla. Je voulais te parler, si ça ne te dérangepas ?
Je secoue la tête et m'assois sur le sol contre le mur blanc et froid. Quelques minutes de plus, quelques secondes de moins ne changeront rien pour Alex. Il inspire profondémment puis commence à débiter son discours. C'est comme s'il l'avait remué dans sa tête pendant tout le temps où je me trouvais avec Bryan.
- Je t'ai mal jugée. Je pensais, la première fois que je t'ai vue, que tu étais comme toutes ses filles que je connais en Italie : fans d'elles-même et dénigrant tous ceux qui ne les adorent pas autant qu'elles ne s'aiment. Mais, ce soir, j'ai compris que tu étais tout sauf ça. Tu prends soin de tes neveux plus que leurs parents, tu les aimes, tu les élèves, sans jamais rien demander en retour... Je m'en veux d'avoir pu penser ça de toi. Je suis désolé...
Je ne dis rien. Le silence, pour une fois, est si appaisant que je ne veux pas le briser.
Puis, quand le mutisme est si présent que le couloir se transforme en thébaïde, d'une toute petite voix, je chuchote :
- Je ne t'en veux pas. J'en veux seulement à mes sœurs qui ne sont mêmes pas capables de bien se tenir le temps d'un dîner. Parfois j'ai honte de ma propre famille. Ce n'est pas affreux ? J'ai l'impression que mes sœurs sont plus superficielles les unes que les autres, qu'elles organisent un concours entre elles pour savoir laquelle sera capable de débiter le plus de débilités en un temps record. Et que je ne suis pas invitée. Je me sens un peu à l'écart.
Je fais une pause dans mon monologue.
- Je ne sais même pas pourquoi je te raconte ça, tu te fiches de ce qui peux m'arriver tant que tu récupères tes neveux. Tu veux une garde alternée ? Très bien. Mais c'est à eux que tu dois le demander. Pas à moi.
Je me redresse, lisse mon manteau et me dirige vers la sortie.
- Au revoir, Charlie.
Et je sors du couloir, sans écouter sa réponse.
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