10. À m'en faire tomber la mâchoire - 3/3
Je me souviens parfaitement du jour où a été prise la photographie. J'avais été appelée en urgence par Billy pour un soutien moral à l'hôpital et je m'étais retrouvée à assister Leia dans son accouchement. Quelques images horribles peuplées de cris de femme et de sang - avec étrangement quelques Bisounours qui balancent des bonbons multicolores dans tout l'hôpital - m'envahissent l'esprit. Je les repousse le plus loin possible et me concentre sur les évenements qui ont suivis cette scène. Ce sont eux les plus importants aujourd'hui.
Quelques heures plus tard, nous sommes sortis tous les trois de l'hôpital, Billy, Rocky et moi. Il faisait nuit depuis longtemps. Ma sœur nous a rejoint quelques secondes après : elle devait signer des papiers concernant son admission. C'est cet instant qui a du être pris en photo. Mais, mal interprété, ce n'est pas une jeune sœur tenant son neveu dans les bras que l'on voit mais une mère qui rentre chez elle avec son enfant contre son ventre.
Le lendemain, je m'attends à ce que l'effervescence à l'annonce de ma soit-disant grossesse se soit calmée. Ce qui est étrange, d'ailleurs, c'est que le lycée entier a été prévenu avant moi que j'avais accouché et que j'avais été enceinte. Alors que je me croyais vierge ! Mais, les regards des autres semblent encore plus perçants car je sais pourquoi il m'observe ainsi : ils me jugent, me cataloguent, m'évaluent, me critiquent. Ce n'est pas tous les jours que l'on voit une jeune mère de dix-sept ans entrer dans son lycée !
Je ne devrais pas faire attention aux regards de travers. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Chaque personne que je surprends à me regarder, c'est comme un couteau que l'on me plante dans le ventre. Si bien qu'à la pause du midi, je me rue aux toilettes et vomis tout ce que peux contenir mon estomac.
Ce que je redoute le plus, je crois, c'est le sourire satisfait d'Hailey. Sa vengeance est si bien trouvée, elle me fait si mal, qu'elle mérite bien un ou deux oscars.
Et la réaction de Noah. Va-t-il croire ce que l'on raconte ? Il était là quand je suis partie en urgence à l'hôpital. Mais les rumeurs des adolescents peuvent être si convaincantes que j'ai peur. Très peur. Si peur, que je m'enfuie en courant du lycée.
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