Il était une fois un homme amoureux de la Lune. Il l’aimait tendrement, sans jamais penser qu’elle pourrait un jour l’aimer en retour. Qu’importe ? La simple présence rassurante de l’astre adoré, en majesté dans le ciel nocturne, suffisait à son bonheur. Il tâchait de s’en convaincre ; il n’avait jamais espéré plus, ou bien dans ses rêves ridicules. Il n’y avait rien au monde qu’il chérît plus que le crépuscule, lorsque l’obscurité jetait enfin son voile de pudeur sur le monde tandis que la Lune se levait au loin. C’était des instants volés à l'univers. Il n’en était pas digne, si tant est que l’amour accordât le moindre crédit à ces considérations profanes. Il n’en était pas digne, il ne le savait que trop bien. Pourquoi s’intéresserait-elle à lui ? Une seule de leurs différences valait bien tous leurs points communs. Il l’aimait, pourtant. Sans pouvoir l’expliquer, car sans doute n’y avait-il aucune explication. Il l’aimait à s’en arracher le cœur. Peut-être aurait-il pu s’amouracher d’une fleur ou d’un arbre, mais cet homme aimait la Lune, et qui pourrait l’en blâmer ?

  Il l’aimait de loin, sans oser faire quoi que ce soit pour se rapprocher d’elle. Que pouvait-il faire, de toute façon ? Il appartenait à la Terre, elle au Ciel. C’était ainsi. Seuls ses rêves voyageaient jusqu’à elle. Il voyait pourtant des fous dresser des échelles dans l'espoir vain de la conquérir. Cela l’amusait, parfois. Cela l'attristait souvent. Et puis un jour, l’un de ces fous parvint à l’atteindre. L’homme cessa de rêver. Il ne regarda plus la Lune qu’avec regret, voyant la joie de celui qui marchait avec elle sur le ciel obscur. Il se mit à préférer les nuits nébuleuses, celles où la pluie cachait ses pleurs. La Lune, indifférente aux nuages comme à sa douleur, poursuivait sa course nocturne. Le temps aidant, les regrets de l'homme s'éclipsèrent. Et puis il cessa de l'aimer.