Les Épines de l'âme
Défi : Cauchemar végétal.
Juliette n’avait jamais eu peur des cactus. Ces plantes, si rigides et sans vie à première vue, étaient une constante dans sa vie. Elles l’entouraient, dans chaque recoin de sa maison, sur les étagères, les rebords de fenêtre, toujours silencieuses, toujours là. Mais avec le temps, quelque chose d’étrange se produisit. Les cactus commencèrent à bouger. Pas de manière évidente, mais un frémissement léger, presque imperceptible, dans l’air autour d’eux. Les épines se redressaient lentement, comme si elles avaient pris une vie propre.
Puis, un soir, alors qu’elle arrosait une de ses plantes préférées, l’un des cactus s’agita brusquement, comme poussé par une force invisible. Juliette sursauta, mais au lieu de reculer, elle s’approcha. Elle toucha la tige. À ce contact, un frisson glacé parcourut son échine, et, pour la première fois, elle entendit une voix, faible mais claire, résonner dans son esprit :
« Tu sais pourquoi nous sommes là, Juliette ? »
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La voix ne quitta plus Juliette. Elle entendait constamment les murmures des cactus, un bourdonnement incessant qui semblait se glisser dans chaque recoin de son esprit. Au début, elle ignorait ces voix, les repoussant comme de simples hallucinations. Mais au fil des semaines, les murmures devinrent plus insistants, plus pressants. Les cactus n’étaient pas juste des plantes. Ils étaient là pour elle. Pour la prendre. Pour la nourrir.
Chaque soir, alors qu’elle passait plus de temps à s’occuper de ses plantes, la douleur se faisait plus intense. Ses gestes devenaient plus automatiques, comme si elle était attirée par une force qu’elle ne pouvait pas comprendre. Elle avait l’impression que les cactus la guidaient, lui montraient la voie. Une voie sombre, une voie sanglante.
Elle se leva une nuit, poussée par cette étrange pulsion, et se dirigea vers le plus ancien de ses cactus, un géant qu’elle avait trouvé dans une boutique poussiéreuse. Ce cactus était son préféré. Il était plus grand que les autres, plus imposant. Lorsqu’elle posa ses mains dessus, une douleur vive traversa ses bras. Un choc. Puis, une brûlure.
Elle tenta de retirer ses mains, mais les épines du cactus se refermèrent comme des crochets. Ses doigts furent piqués, puis ses paumes. Un éclat de douleur éclata dans son cerveau, et tout devint flou autour d’elle. La terre sous ses pieds semblait se déformer, devenir mouvante, comme si elle glissait dans un abîme. Les tiges du cactus commencèrent à s’étirer, se repliant sur elle, comme des bras longs et sinueux qui l’enserraient, l’étouffaient. Les épines se fendaient, se tordaient, pénétrant ses bras, s’enfonçant profondément dans ses veines, ses muscles. La souffrance était insoutenable. Les épines perçaient son corps comme des aiguilles, chacune plongeant plus profondément dans sa chair. Le sang jaillissait, éclaboussant la terre autour d’elle, mais elle ne pouvait plus bouger, paralysée par l’étreinte des cactus.
Les voix se faisaient plus fortes. Elles n’étaient plus seulement dans sa tête, mais autour d’elle, dans la pièce, envahissant l’espace.
« Tu es mienne maintenant. Nous sommes tous les mêmes, Juliette. Tu vas devenir l’un de nous. »
Les tiges du cactus s’allongèrent encore, se tordant pour s’enrouler autour de ses jambes, la soulevant du sol. Des épines s’enfonçaient dans son abdomen, pénétrant ses organes internes. Elle tenta de crier, mais sa gorge était serrée, comme un étau. Son sang coulait à flots, mais les cactus ne s’arrêtaient pas. Ils la prenaient, lentement, méthodiquement, dévorant son corps morceau par morceau.
La douleur était atroce, chaque seconde une éternité. Elle sentit ses entrailles se déchirer sous l’impact des épines, ses côtes se briser sous la pression de la plante géante. Les tiges s’enfonçaient dans sa poitrine, dans son cou, jusqu’à ce que son corps soit complètement enveloppé par la nature morte des cactus. Ses muscles, ses os, tout se déformait. Elle n’était plus qu’un corps défiguré, une marionnette prise au piège de la terre et des plantes.
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La maison restait silencieuse, presque déserte. L’odeur du sang, de la terre et de la pourriture se mêlait dans l’air. Les cactus, maintenant immobiles, étaient devenus les seuls témoins de ce qui s’était passé. Le corps de Juliette, désormais méconnaissable, reposait au sol, ses membres tordus et brisés. Une partie de son visage était encore visible, son regard figé dans une expression de terreur pure. Ses yeux étaient pleins de l’horreur finale qu’elle avait vécue, son corps marqué à jamais par l’étreinte des épines.
Les cactus, ayant tiré toute l’énergie vitale de son corps, semblaient les regarder silencieusement. Le sol autour d’eux était maintenant une bouillie de sang et de viande, absorbée lentement par la terre. La maison était figée dans un silence morbide, comme si le temps lui-même s’était arrêté.
Les cactus avaient toujours été là, attendant. Maintenant, ils étaient nourris. Mais ils n’étaient pas satisfaits. Ils attendaient encore. Attendaient la prochaine âme qui passerait dans leur champ de vision. La prochaine victime qui viendrait chercher refuge dans leur ombre silencieuse.
Le cycle recommencerait. Et, cette fois, ce serait quelqu'un d’autre.
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Oï.
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