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Stradivarius

Paris.
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Œuvres

Stradivarius

« Maman.
Je ne suis qu’un pauvre garçon. Tu ne le vois peut-être pas, tu ne le sens peut-être pas. Seulement, personne ne veut de moi. Tu peux le croire, tu peux le sentir, tu peux le humer. En fait, ce n’est pas tant que je souhaite mourir, mais parfois je souhaiterais simplement ne jamais être venu au monde. Pourquoi? Certainement pour la raison simple que ce monde n’est pas celui auquel on croit, c’est sans aucun doute un monde sordide qui sort d’un cauchemar, d’une mauvaise influence, d’une société vénale et pénible où tous les gens comme moi ne sont que des rebuts, des vauriens, des merdes, des verrues purulentes et suintantes de boules de graisses sales et nauséeuses. Non, maman. Non, ce n’est aucunement de ta faute, ce ne sera jamais de la tienne. Ne pleure pas, garde le sourire. Peut-être qu’un jour tout ira mieux, peut-être que tout n’ira jamais. On n’en sait rien. Je n’en sais rien. Je ne peux te faire la promesse d’un futur merveilleux, d’un jardin d’Eden qui se dessine sous nos yeux ébahis et émerveillés. Et tu me diras que, du haut de mes treize années, je ne connais rien à la vie, que je ne peux pas me permettre de parler de la sorte. Que je ne peux pas prétendre à n’être rien aux yeux de tous. Que je suis simplement un petit garçon qui passe par une phase de rébellion, ou toute autre chose. Mais non, maman. Ce que j’ai fait est bien plus grave que tout ce que tu peux bien imaginer. Ce que j’ai fait, ce n’est pas par envie, ni même par besoin. C’est par folie. Car tu as engendré un monstre, maman. Oui, tu as engendré le Malin. Un Démon qui pourfend le bien pour faire le mal à tout ce que je peux toucher. Je ne suis pas Midas qui transforme le tout en Or jusqu’à en mourir de faim. Je suis juste moi. Robert Haston Stranvolio DiVarius, dit Stradivarius. Un morveux des bacs à sable. Un bouseux de la chaumière écrémée qui se trouve en haut d’une colline pourrie. Le fils d’une catin, semble t’il, qui ne jure que par des passes vite fait afin de gagner sa vie et nourrir sa pauvre famille composée de cinq enfants car l’époux maudit est parti au loin sans même prévenir alors que nous avons passé des moments heureux en sa compagnie. Je suis celui-là. Ce petit être abandonné qui, jadis, voyageait beaucoup, lisait beaucoup, riait beaucoup. À présent, tout est noir. Tout est sombre en moi. Tout n’est que ténèbres et monstruosités. Mais vraiment, maman, est-ce que tu veux tout savoir? Alors oui, je vais te dire ce que j’ai fait, moi, du haut de mes treize printemps.
Il faisait froid.
C’était l’hiver. Tu te souviens comme nous nous gelions dans la masure que nous habitions? Le toit était à moitié écroulé, et tu préparais de la soupe. Du moins, de l’eau avec quelques pauvres navets à l’intérieur. Ce que tu avais pu récupérer du marché. Tu tentais de donner du goût à la chose insipide que personne n’aimait. Nous ne disions rien, par simple respect pour toi. Après tout, tant de sacrifices pour la chair de ta chair, nous ne mériterions d’êtres vivants si nous n’avions un peu de considérations pour toi, pour ce que tu fais. Pendant ce temps, nous étions sous une couverture faite de la peau d’un ours brun. Souvenir d’un lointain voyage au-delà même des frontières du réel. Nous n’eussions imaginé que tout cela était possible à l’époque, lorsque père et ses compagnons de fortune ont mit à bas ce monstre brun impressionnant. Une bête qui, aujourd’hui, sert à nous maintenir en vie dans ce froid affreux. Mais voilà, moi je suis quelqu’un de dissipé. J’ai besoin de faire des choses, j’ai besoin de bouger, j’ai besoin de voir le monde. Me contenter de rester sur place en te regardant cuisiner quelque-chose de dégueulasse, ça ne me convient pas. Même avec le plus grand des respects. Tu te souviens du sourire que je t’ai donné à ce moment précis où je passais la porte en te disant que je reviendrais? Oui, tu sais, tu me l’as rendu en affichant ton regard vers le ciel comme si tu voulais dire que je n’étais qu’un sale garnement que tu aimais pourtant si tendrement. Je t’ai dit que je reviendrais. Je tiens toujours mes promesses maman. Seulement, aujourd’hui est un jour spécial. Un peu trop spécial. Et tu comprendras certainement que je m’en veux, que je me sens si sale et monstrueux que la simple pensée de recroiser ton regard me met dans un état pas possible. Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire ce jour là?
Un mois de décembre.
Nous approchions des festivités de fin d’année. La neige avait recouvert les landes. Les branches croulaient sous l’épais manteau blanc et, parfois, quelques malheureux se transformait en bonhomme de neige s’ils avaient la malchance de croiser une branche trop chétive pour tout ce poids. Ça me faisait rire, par ailleurs, je dois bien l’avouer. J’étais un gosse merveilleux, je le sais, tu me le disais souvent. Je riais beaucoup, même si je me sentais rejeté de tous. Un art de camoufler ce qui ne va pas dans ma vie et de ne rien te dire pour simplement ne pas te faire de peine. Autant garder le sourire, non? C’est beaucoup plus beau. Alors je m’amusais dans cette eau gelée jusqu’à parvenir jusqu’au lac. Toute l’eau était figée. Il y avait une sorte de brume qui cachait légèrement l’horizon. Je souriais encore. Je voulais me faire une petite cabane de neige, tout seul. J’entendais parfois les rires des enfants au loin, de ceux qui me rejètent et me font souffrir quotidiennement lorsque je les croise. Ils s’amusent eux aussi en cette période. Ils se jètent des boules dans la tronche, ripostent. Ils agissent tels des miliciens dans un château fort assiégé par une multitude de soldats aguerris, des chevaliers. Les boulets des catapultes pouvaient faire vaciller au moindre moment la forteresse, le Krak des Chevaliers, tel le loup soufflant sur la maison de chaume. Il pourrait y avoir tellement de morts d’un coup. Heureusement que le trébuchet n’avait pas encore été installé par manque de temps. Mais peut-être que ces enfants mourront de faim à force d’êtres encerclés de la sorte, s’ils n’ont pas la chance de crever sous les coups de semonces qui fustigeaient ci et là. L’imaginaire d’un enfant, voilà ce que cela crée. Un monde à part entière. Mais moi, maman, je ne suis pas un chevalier. Je ne suis qu’un enfant de catin, d’une prostituée, d’une gourgandine qui se vautre dans son stupre sordide. C’est ça qu’ils disent de moi et que personne d’autre ne saurait entendre, ne voudrait entendre. Tout le monde s’en fout de toute façon, il n’y a rien de mieux à dire. Rien d’autre à faire que de laisser faire.
Et voilà, je jouais seul.
Néanmoins, je n’avais pas vu que peu de pas à côté de moi se tenait un autre garçon. Un solitaire comme moi, sans aucun doute. Il avait déjà commencé à modeler la neige à sa convenance pour en faire une statue d’Apollon, ou d’un autre dieu grec. Sans doute la brume me l’avait omis du regard. Sans doute n’était-ce pas important. Puisque je suis moi-même indésirable, peut-être ne désirai-je pas voir autre chose, une autre personne. À quoi bon? Si ce n’est pour être rejeté de nouveau. Mais je le vois à présent. Je vois son sourire en coin lorsqu’il m’eut perçu en train de m’amuser dans la neige. Je le vois encore tenter de faire le premier pas. Et moi, à ce moment précis, j’affichais un mouvement de recul comme pour éviter un probable assaut indésirable qui nuirait à mon faciès déjà bien démonté par les coups reçus par d’autres enfoirés. Lui semblait toutefois différent. Il semblait aimable. Il semblait avenant. Il n’avait pas l’air d’une grosse brute. Alors je lui rendis son sourire et je le laissais s’avancer. Je le vis se pencher vers le sol, puis prendre une grosse motte de neige, la former en une boule monstrueuse et s’apprêter à la lancer sur mon visage avec un rire sardonique. Finalement, maman, ce petit était comme les autres, il ne pouvait s’empêcher de faire le mal, comme les autres, alors que je n’avais rien demandé si ce n’est qu’un moment de délicatesse et de partage dans une communauté amicale. Mais non, il eut fallu de nouveau qu’un contrevenant arrive à ma hauteur afin de m’agresser. Je suis trop gentil, c’est un fait, je ne vois pas le mal dans toute cette perversité. Je ne vois pas la délinquance lorsqu’elle s’adresse à moi. Je ne perçois pas toutes ces choses infâmes que Dieu aurait crée pour nous attirer tant d’ennuis et de merdes. Maman, sache-le, je l’ai vu enfermer une grosse pierre dans sa boule de neige. Il en voulait à ma gueule, il voulait m’endommager. Il voulait me faire du mal. Et il l’a fait. Car à ce moment précis où la boule eut un impact bruyant et craquant contre le front de mon crâne vacillant, je ne vis que le noir et les ténèbres me soulever vers une autre sphère plus chaleureuse. En fait, pour la première fois de ma vie, je me sentais bien. Je me sentais heureux. Flottant dans les airs, ou dans les abysses, je ne sais pas trop. Je m’en fous, j’étais bien. C’est tout ce qui importe. Et c’est la première fois de ma vie qu’une telle chose m’arrive.
Ce n’est pas terminé, maman.
Car lorsque je me suis éveillé, je l’ai vu à terre lui aussi. Tout comme moi. Je me suis relevé. Je me suis massé le front. J’ai vu le sang qui dégoulinait d’une blessure à ma tempe. Tu aurais du voir la grimace que j’ai faite à ce moment en imaginant l’engueulade que j’allais subir en rentrant à la maison pour n’avoir fait attention lors de ma promenade. Car oui, tu aurais imaginé que je me sois blessé en escaladant quelque-chose et que cela n’est qu’une imbécilité d’enfant. Bien entendu. Je me suis donc approché de l’autre enfant qui gisait à terre en me demandant ce qu’il fichait. Et ce que j’ai vu, maman, tu ne l’aurais pas supporté. Tu ne l’aurais pas aimé. Il avait le crâne complètement défoncé, comme si l’on lui avait asséné plusieurs coups de pierre dans la gueule. Et ma première pensée à cette instant fut : « il l’a bien mérité ». J’avais comme une envie de rire, étrangement. En plus d’une envie de vomir. Je me suis dit qu’il l’avait bien mérité, certes, mais je me suis dit qu’il s’agissait d’une ignoble chose qui se passait là. Je me suis senti bien, mais en danger aussi. Je ne comprenait pas ce qui se passait. Bien la couleur rouge mêlée à tout ce manteau blanc, c’était si beau. Un doux mélange. Cette couleur, maman, allait devenir ma couleur préférée. Comme si je n’avais d’yeux, alors, que pour les roses rouges qui arborent la même délicatesse qu’à l’instant présent. C’est là que tu vas me prendre pour un monstre. Je le sais, je le sens. Mais pour moi, je n’ai rien fait. Uniquement regarder un cadavre sans parvenir à trouver le coupable. Car personne ne se trouvait là à proximité. Personne ne m’avait même vu. Il n’y avait aucun témoin, aucun coupable, rien. Le meurtrier venait de faire la chose la plus parfaite qu’il pouvait ainsi faire : ne laisser aucune trace.
Maman, je te jure.
Ce n’est pas de ma faute. Tu es l’amour de ma vie, jamais je ne pourrais te quitter, ni même te faire du mal. Néanmoins, c’est en te parlant que les choses me reviennent en tête. En fait, le meurtrier n’était autre que moi-même. Je ne sais comment cela pouvait être possible. Je ne comprends pas moi-même ce qui s’est réellement passé. Mais c’est moi, maman, c’est moi qui ai porté ce coup à son crâne, c’est moi qui ai tiré le coup fatidique, c’est moi qui me suis jeté tel un fauve. Non, en fait ce n’est pas moi, c’est un autre moi. C’est comme si mon corps appartenait à un autre à ce moment précis. Je ne peux l’expliquer autrement, je ne peux le dire avec d’autres mots. Seulement, ce moment précis où le garçon m’a jeté la pierre a transformé le petit être que j’étais en un meurtrier des plus infâmes qui prend du plaisir à faire le mal et à dégénérer. Et le tout, sans que je ne m’en souvienne, sans que je ne le sache. Je vois des bribes, c’est tout. Je me refais une idée de la scène, de la pièce de théâtre, mais je ne saurais dire toute la vérité tant cela est improbable. Et, maman, je sais que personne ne veut de moi, que personne ne m’aime, que j’aimerais mourir. Mais je crois fermement que la mort ne voudrait pas de moi tant elle a besoin de moi et tant elle a besoin de guider mon corps pour ses sombres desseins. C’est ce que je ressens, là, à cet instant, à ce moment précis où je te parle. Où je te dis tout cela alors que nous sommes à table et que nous dinons tranquillement en famille. Oui, maman, je suis vraiment désolé de te faire ainsi vomir en te racontant tous ces détails et cette perfidie émanant de ta propre chair, de ton propre sang, de ta propre vie. Je suis vraiment désolé, maman. Je ne te mérite pas. Je ne peux plus croiser ton regard à présent et je sais qu’il me faudra prendre la fuite loin de tout cela, loin de toi, loin de notre famille, loin de ma vie détruite par le monstre qui m’habite. Laisse-moi seulement t’embrasser une dernière fois et te montrer à quel point je t’aime. Nous nous reverrons sans doute un jour, mais pas tout de suite. Il faut digérer le fait que ton fils soit une raclure qui grandira à la Cour des Miracles, à Paris. Loin d’un monde modèle et formidable.
Maman, je t’aime.
Mais laisse-moi prendre mon balluchon et partir loin de toi. »
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Stradivarius

* En l'homme, la vérité.

"Tu seras un homme, mon fils. Tu ne pleureras pas, puisque cela est réservé aux femmes. Tu seras fort dans toutes les circonstances pour justement élever la femme, prendre soin d'elle, l'aimer, la chérir et la réconforter dans les moments difficiles. C'est à cela qu'un homme est utile et fort."

Des paroles qui ont fait l'effet que fait un trébuchet lorsqu'il s'élance d'un bras puissant afin de lâcher une énorme boule vers des remparts pourtant si résistants, mais qui volent alors en éclats. Le sourire laissant place à la stupeur. Le cerveau se met en état de fonctionnement avec intensité. Les ricochets de chacun des mots cités ont endommagé les parties de mon âme à tout jamais. L'enfant que je fus, alors, n'était plus. Les larmes de crocodile que l'on verse lorsque l'inconfort se fait sentir, ne sont plus là. La source d'eau est tarie. L'oasis est asséché. Le désert s'installe et les émotions vacillent pour ne laisser place qu'à l'homme fort, qu'à l'homme qui se doit d'être dans l'action et non la réflexion. Des mots qui ont eu les incidences d'aujourd'hui et qui ont détruit l'homme que je me devais d'être. Qui ont achevé la grande part de mon être, de mon devenir, de mes vertues, de ma réelle puissance. Car les émotions sont bien plus fortes que les muscles eux-mêmes et peuvent faire déchaîner mers et océans, laisser s'écrouler les montagnes les plus hautes. Mais je n'ai plus pleuré depuis ce jour. Ou si peu, en cachette, dans un sombre terrier que je me suis creusé pour laisser s'exprimer mon simple desespoir, mon simple mal-être, la simple horreur qu'est devenue ma vie.

Je me suis laissé berné par les suppositions, par la pensée d'autruis sur ma façon de vivre ma vie d'homme. Je me laissé errer dans les dédales de la perdition, perdant peu à peu les fonctions vitales de mes émotions. Je me suis plongé dans le désarroi le plus total, l'incompréhension de ce monde. Je me suis retenu, tout le temps, à ne jamais laisser sortir ce que j'avais au fond de moi. Qui j'étais réellement. Je l'ai d'ailleurs nommé "le Monstre". Car, pour moi, il n'y avait rien de plus honteux et de plus horrible que de laisser transparaître ses blessures, ses peines, ses malheurs, son horrifiante vision d'un monde incompréhensible. J'en suis venu à ne plus parler à quiconque, à ne plus rire, à ne plus sourire, à ne plus pleurer, à ne plus penser. À ne plus vivre. Par le simple fracas des mots de mon modèle. Des mots qui se sont transformés en maux sur les émaux rompus de mes "vices" perdus.

Pour le coup, je me suis forgé un monde à part, dans la littérature, dans l'écriture. Sans vraiment lire véritablement. J'avais surtout le besoin de m'exprimer, de laisser parler mon "monstre" au travers de différentes aventures tortueuses. J'avais cette envie là de le laisser s'exprimer au travers de quelques lignes, de quelques fariboles, de quelques délires néphrétiques. Quoi de mieux que d'inventer un être hanté par un démon qui l'oblige à faire ce qu'il ne veut pas faire ? Un assassin en puissance dans un monde abject, peuplé de gens fous qui aiment à faire le mal, qui apprécient voir les autres sombrer dans le stupre d'une vie d'inconfort et de souffrance. Quoi de mieux que de déchainer sa haine à l'aide de phrases lacérantes et tendancieuses en créant des scènes de meurtres. D'un justicier qui tue ces salopards impunis. Il n'y a rien de plus bon que de se laisser aller dans ces délires, dans ces folies. Le cerveau apaisé, l'âme en paix, le sourire aux lèvres d'un air légèrement sadique. Et, pourtant, à la fin le monde me revient en pleine gueule et je perds le contrôle, me refermant sur moi-même et empêchant ce "monstre" d'évoquer le moindre mot.

"Tu seras fort".

J'ai simplement entendu ces mots de milliards de fois. Vous savez, dans les différents boulots que l'on peut exercer, dans les mentalités de cette société, dans les faits et gestes de chacun. Quand notre employeur nous demande de faire des tâches fastidieuses sans râler, simplement par le fait d'être un homme. Sous-entendu que la force émane de tous les mâles, et que les femmes elles-mêmes sont incapables de porter la moindre charge. Une galanterie mal placée qui forment là des gaillards arrogants qui bombent le torse tout en portant ce colis que la femelle ne saurait porter. Puis, ces "hommes" se mettent en groupe, parlent de cul en société, à même des inconnus. Des blagues graveleuses tout en sifflant devant une femme au charmant fessier rebondi qui passe juste à côté.

En réalité, je hais ces "hommes". Ils n'y peuvent rien, c'est ainsi que le monde tourne depuis longtemps. C'est ainsi que va la vie, que fonctionne la société. Tout le monde est une modeste brique moulée dans un moule identique à celui de l'autre, formant encore un mur gigantesque, carré, droit, magnifique. Magnifique mais pourri de l'intérieur. Pour m'intégrer à ces groupes, j'ai été obligé de me rabaisser à leur niveau. À rire à leurs blagues chiantes et débiles, dignes d'un QI de moule tournant à deux à l'heure. Il faut peut-être même avouer, et reconnaître, qu'une moule n'est certainement pas si conne que cela. Je me suis retrouvé à être aussi con qu'eux. À prendre ma place parmi eux, à échanger des faussetées stupides, à ne plus me retrouver moi-même. L'impression d'être fort, d'être accepté pour qui je n'étais pas réellement. L'impression d'évoluer dans ce monde qui n'est pas le miens. De ne plus me reconnaître dans le miroir. De me haïs. De me détester. De me dénigrer constamment.

De fil en aiguille, j'ai cessé d'avancer, j'ai même reculé. J'ai accepté les femmes qui voulaient de moi, jusqu'à finir par être trompé, par être défoncé, par être démoli. N'être qu'un déchet de l'humanité. La confiance en moi était déjà rompue depuis longtemps, mais elle l'a été de plus en plus avec le temps. Des frappes et des insultes quand j'étais jeune pour cause de ma "rousseur". Des dénigrements continus sur mes capacités d'homme. Des tromperies et des mensonges qui ont terminé de m'achever, qui ont eu raison de ma "force". De celle que l'on voulait voir au préalable, mais qui n'était pas réelle, pas palpable.

Et c'est depuis mes quatorze ans que j'écris, que je ne cesse d'aligner les mots et les maux, que j'avance dans un monde virtuel, que je m'enferme tel un nerd avec des amis imaginaires qui, eux, me comprennent parfaitement et m'aiment pour ce que je suis. Voir les commentaires des autres sur ce que j'écrivais, ça me faisait plaisir. Ça remontait l'estime de moi pour quelques instants. Aucun point négatif n'émanait de mes écrits, rien. Tout le monde aimait, ou me disait aimer. Et là, c'est tout bonnement jouissif, car c'est une partie de moi que je laisse échapper dans ces textes qui n'ont aucune limite. Une partie de moi que les gens aiment, apprécient, que les gens espèrent voir encore et toujours de façon plus intense et plus forte.

Mais merde.
Ce n'est pas ça la vie, ce n'est pas ça la force.

"Putain, sois fort, merde ! Arrête d'être faible !"

Et voilà que ça continue, que tout se poursuit. Un Enfer inévitable. Je paie constamment le passeur du Styx pour m'emmener me faire cramer les miches dans les bas-fonds de la folie humaine. Je crois que toutes les souffrances évoquées plus haut n'ont rien de comparable avec cette souffrance survenue le 18 novembre. La mort, qui au départ n'a jamais voulu de moi, ne m'a jamais désiré, a eu raison de moi et de mon âme. Je suis mort le 18 novembre 2019. Lorsque l'on m'a annoncé que les coeurs avaient cessé de battre et que je ne serai plus rien qu'une merde, que je n'aurai pas le titre tant désiré depuis des années. Que je ne pourrai pas être comme celui qui m'a élevé, comme ceux qui ont élevé ce dernier. Que je ne serai tout bonnement que celui qui a toujours été. Sans amour propre, sans petits êtres à cajoler et à aimer. Sans cette femme à mes côtés, laissant nos coeurs battre à l'unisson dans ce bordel de l'Univers.

Crac. Bam. Boum.
Putain de merde.
Retour à la case départ. À la casse de départ.

"Sois fort." "Tu es faible". "Elle a besoin de quelqu'un de fort à ses côtés". "Tu n'as rien fait". "Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même". "Sans doute est-ce un signe de l'Univers, vous n'étiez pas fait l'un pour l'autre". "Tu ne me connais pas". "Tu n'es qu'une merde sous ma chaussure". "J'ai couché avec un taré". "Tu me dégoûtes". "Je te hais". "Sois fort".

Tous ces mots à la gueule, toute cette violence que je n'aurais jamais osé écrire dans mes propres histoires violentes. Toutes ces choses que l'on se prend et qui nous claquent aux joues, au coeur. J'ai la nette impression d'être propre à l'extérieur, mais d'être lacéré de l'intérieur. J'avance tel un mort vivant, comme un zombie. La démarche poisseuse. Je tombe dans les bas-fonds. Je ne comprends pas. J'essaie de me relever, mais je m'en reprends une dans la gueule qui m'achève. Et je gis au sol tel un déchet, comme une merde sous sa chaussure.

Comme une putain de merde sous sa godasse fleurie.

Mais je lève les yeux au ciel, et là, je perçois la lumière. Je vois une sorte d'espérence. Je tente de faire fonctionner à nouveau mon cerveau. Je me dis qu'il n'est pas possible que j'ai pu être aussi faible. Aussi désastreux. Que toutes les fautes ne peuvent pas m'incomber. Je comprends mieux. Je perçois la vérité. Tous les détails qui se mettent en place tel un puzzle. J'écris tout. Je mets tout dans mon univers afin de pouvoir parler avec mes personnages. De pouvoir véritablement toucher du bout des doigts la fameuse vérité. Les choses qui se sont passées. La cruauté de chacun des gestes dont j'ai été victime, qui ont été des coups portés à mon honnêteté et à ma loyauté. Je souris enfin. Je me fais aider. Je parle enfin. Je souris de nouveau. On m'offre un sourire en retour. J'ai le coeur qui bat de nouveau. Je sais alors pourquoi cette bague était restée à la maison ce jour-là. Je sais pourquoi ces mots ont été prononcé. Je sais pourquoi l'on a agit de la sorte avec moi. Et je sais, par dessus tout, que je ne suis coupable de rien. Que j'ai été fidèle à moi-même. Que j'ai apporté toute l'aide que je pouvais apporter. Que j'ai continué à grandir et à m'épanouir, non pas pour être fort au regard de l'humanité, mais pour être fort pour mon amour que je me porte.

Puis, je me suis rendu compte que chaque épreuve de la vie m'a toujours aidé, a toujours été une force et non pas un poids que je dois porter sur mon épaule. Je n'ai certainement pas besoin de quiconque pour savoir toute la force que j'ai en moi. Que je possède depuis toujours. Celle qui continue constamment à grandir en moi. Qui ne me quitte jamais. Qui ne me fait pas faux bond contrairement aux autres. Je sais que je peux compter sur moi. Je sais que même en étant seul, je ne le suis pas vraiment. Je suis avec moi-même. Et c'est tout ce qui m'importe. C'est tout ce qui compte. Finalement, je peux être faible et le reconnaître, ce qui fait de moi l'homme le plus fort du monde. Tel un phénix qui meurt et renaît de ses cendres, toujours magnifique et merveilleux. Toujours grand et fort. Toujours somptueux avec ses plumes rouges fantastiques.

Plus j'écris, plus je me rends compte de cette force qui vit au fond de moi, qui transperce mon âme et me fait surmonter toutes les épreuves de la vie. Cette littérature que je transmets, sans attendre rien en retour, sans attendre le moindre argument ou la moindre niaiserie. Cette littérature, c'est mon monde à moi, c'est ce que je souhaite laisser à ceux qui pourraient en avoir besoin, à ceux qui, comme moi autrefois, se prennent pour de la merde mais qui sont tout bonnement des pépites d'or. Des âmes au coeur pur. Des vrais battants. Des gens merveilleux. Des justiciers de toute cette décadence que l'on voit, que l'on perçoit, que l'on entend, que l'on a à subir.

Je me remercie amoureusement d'être toujours là, le dos droit, la tête levée, face à ces monuments de haine et de stupidité. De niaiseries. De nauséeuses fourberies. Je vous emmerde tous, mais je vous aime aussi d'un amour puissant et indéféctible. Doux paradoxe que voici, n'est-ce pas ? Vous comprendrez certainement le jour où cela vous sautera à la gueule comme cela m'est arrivé il y a peu.

Moralité, ne soyez pas fort pour les autres. Soyez simplement vous-même, et ce sera là votre meilleure force. Faites ce que vous aimez, ce que vous voulez, ce qui vous fait vibrer sans devoir constamment chercher l'approbation des autres. Laissez aller votre propre sensibilité au-delà des mots, au-delà des maux. Laissez jaillir votre richesse intérieure, qu'elle explose à la face du monde, à celui de l'Univers. La lumière brillera à jamais sur votre âme, et vous serez à tout jamais heureux.

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Vincenzo Von Haägen

Sur la route, toute la sainte journée. Ça commence comme une chanson bien connue, mais rien n'est réellement aussi parfait que tel qu'il est décrit par le parolier. Rien n'est tellement vrai et tangible en ce bas monde, tout n'est que contes de fée indescriptibles, incompréhensibles, impossible. Je m'emmerde dans cette voiture, musique à fond, au volant de l'incontrolable. Du rock dans les oreilles, vibrant dans les tympans avec anarchie au-delà de ces enceintes chauffées à blanc. L'asphalte accroche mes roues crissantes au moindre mouvement, au moindre virage, au moindre tumulte rencontré sur ces lignes jaillissantes de terre. Vu du ciel, d'un regard divin, le dessin des anges souriants, riants, goguenards en constatant l'idiotie croissante de ces Hommes qui se sentent libres dans cette vitesse, dans ce carcan de vie imposé, emprisonnant le libre arbitre, la libre circulation. La liberté. Tout simplement.
Sur le côté de la route, je perçois la moitié d'un raton laveur, agonisant sur la chaussée, déchiré par les roulements machiavéliques de ces machiques diaboliques. Je m'arrête afin de m'approcher de lui. Je le regarde intensément, prenant pitié de la pauvre bête ainsi arraché de la vie, de sa moitié, de son entiereté de jadis. Je compatis à sa souffrance, la partage avec passion et insistance. Moi aussi, comme lui, j'ai perdu ma moitié. La moitié de mon âme. La moitié de mon coeur. La moitié de mon être. J'agonise. Je survis. Je ne vis plus réellement, malgré cette sensation de liberté qu'impose l'Homme à l'Homme. Douces illusions amères et terrifiantes sous un ciel bleu merveilleux, les ténèbres s'abattent finalement sur l'Enfer sur Terre.
- Pauvre ami, te voici tranché par la réalité, par la sulfureuse vérité que ce qui nous fait mal ce n'est pas nous-même, ce sont les autres. Prend force et courage, continue de sourire malgré les épreuves, trouve-toi un terrier pour te donner la paix dans un dernier râle d'extase. Tu n'es pas une vilaine chose qui va mourir et que l'on oubliera. Tu es toi, tu es entier, tu es cette âme dont on se souviendra pour toujours. Moi, je ne t'oublierai pas.
Il me regarde. Incompréhension. Il souffre d'un mal bien plus grand que ce qu'il veut bien imaginer. Il se laisse aller dans l'endormissement, sans vouloir réellement dormir. Il ne peut pas savoir qu'il peut aller dans la lumière, il ne songe qu'à la traversée du Styx et le paiement du salaire du Passeur. Il ne voit que l'ombre au tableau, et non pas le côté positif des choses. Au moins, il sera libre. Réellement. Sans aucun doute. Plus aucune maladie. Plus aucune souffrance. Plus aucun doute. Il se retrouvera entier, bien vivant, avec un coeur beaucoup plus gros que celui qu'il a toujours connu sur cette terre. Le voilà qui expire. Il est parti rejoindre les anges.
Je reste encore quelques minutes afin de veiller sur le pauvre animal, puis je reprends la route. Dans un sens, ou dans un autre, sans queue ni tête, j'avance sans savoir où je vais. La vie n'a pas vraiment de but, que celui que l'on se fixe inconsciemment. Lorsque la conscience nous taraude. Je regarde le ciel, tandis que les bandes blanches sur le bitum se reflète sur la carosserie et les vitres de mon véhicule. La douce Mustang vagabonde, galope, hurle de son moteur puissant tandis que le Soleil, l'Astre brûlant, s'adresse à mon âme meurtrie. Je plisse les yeux en le constatant. Je termine par une embardée, voulant échapper à la collision d'un autre véhicule. Me voici accidenté dans le plat désert. Solitaire et déchiré encore davantage. Je m'extirpe de là et je lève le poing vers le Zénith.
- Pourquoi donc faut-il avoir à subir les Jeux que tu nous imposes avec amusement ? Pourquoi faudrait-il que je me montre souriant à ton égard tandis que tu m'imposes bien pire que ce que Job a même pu vivre ? Pourquoi faut-il continuer à me lacérer sans aucune pitié, sans aucune compassion ? Aucune blessure visible à l'extérieur, mais l'intérieur est troué de toutes parts tant et si bien que je ne peux comprendre que je puisse vivre encore ! Je te maudis, Soleil détracté !
Et les heures passent, sans que personne ne passe sur cette route désertique. Je prends les coups que le Divin continue de me donner, comme si toute cette douleur n'était déjà pas suffisante. Je m'écroule de fatigue, déshydraté. Impuissant. Détruit. Puis, un mirage semble se former, une sorte d'Oasis qui s'ouvre et sort de terre. Un sourire. Un charme. Une délicatesse. Une puissance angélique me tend une main que je tente de prendre. Elle me parle, tout naturellement, d'une voix apaisante.
- Elle aussi a fait une sortie de route. Un accident. Une âme déchirée en deux sur ce qui était, jadis, indivisible.
J'écoute, sans réellement comprendre ce non-sens verbal.
- Si elle t'a fait porter les fautes de son passé, c'est bien pour te protéger, et non pour te détruire. Pouvoir aller de l'avant, laissant sa folie en arrière pour que tu ne puisses l'affronter avec elle. Mécanisme de défense, s'il en est. Mais elle ne te déteste point. C'est par Amour, voici qu'elle a agit de la sorte. Pour te protéger.
Je me hisse grâce à la main tendue et je regarde mon Ange Gardien dans ses yeux verts, et je me mets à sourire sans savoir réellement la raison de cela. Mon coeur semble battre davantage, comme si je le sentais pour la première fois au fin fond de ma poitrine. Il me matraque la cage thoracique, m'indiquant que je suis bel et bien vivant dans ce fond du trou.
- Pourquoi, alors, ne m'avoir stipulé cette vérité ? Fût-ce t'elle déchirante, harassante, destructrice ?
- Parce qu'elle ne voulait pas te faire du mal. Voilà tout. Le problème venait tout simplement d'elle, et de voir que tu étais toujours aussi parfait, aussi beau, aussi compréhensif, aussi tendre, aussi chaleureux, aussi enthousiaste à poursuivre ta vie avec elle, ça l'a détruit davantage encore.
- N'est-ce pas un peu stupide ?
- N'est stupide que ce que tu ressens au fond de toi. Regarde ton coeur, écoute-le, ne songe pas à ton cerveau. Laisse ce dernier de côté afin de te concentrer sur ce qui est réel, ce qui vient de ta poitrine. Et là, tu comprendras tout.
Je lève un sourcil, fronce le second. Je la regarde, cette belle âme. Et j'ai l'impression d'être en paix. Étrangement, toujours de façon incompréhensible. Je suis apaisé, alors que rien de la vie ne savait, auparavant, m'apaiser. Mon coeur me parle, mon âme se laisse aller ailleurs. Finalement, qu'ai-je fais ? Sinon plus que ce qui est possible de faire ? Je n'ai aucun regret à avoir sur mon comportement, aucune excuse à faire. J'ai simplement à comprendre ce qu'elle a fait, ce qu'elle m'a fait, ce qu'elle s'est fait. Et je vois une âme en peine, dérangée, meurtrie, seule, souffreteuse. Une personne qui s'est suicidée à l'intérieur même de son être pour simplement ne pas avoir à dire la vérité pour ne pas faire souffrir l'autre. C'est un sacrifice personnel qu'elle a fait afin que je puisse me relever. Je ne l'ai pas perçu ainsi. Je ne l'ai point vu de la sorte. Je ne pouvais pas, j'étais aveugle sur ces choses. On ne perçoit toujours que ce qui est mauvais, et non pas tout le bonheur que l'on aura pu survoler auparavant. Tous les moments de joie, de bonheur, de discours insensés qui font rire les Anges au-delà du Paradis.
Je me laisse aller en larmes. En ce moment où je comprends enfin la signification des choses. Je n'y suis pour rien. Elle n'y est pour rien. Nous n'y sommes pour rien. L'Enfer vient des Autres, certes, mais les Autres vivent autant l'Enfer par les Autres. Moi. Elle. Eux. Nous nous faisons tous souffrir avec les conneries de cette vie. Ce que les Hommes imposent. Ce que les Hommes interdisent. Ce que les Hommes veulent que tous les Autres fassent, sans jamais véritablement réfléchir sur les causes, sur les actes, sur les vérités, sur l'absolution.
- Est-ce que tu saurais ? Dit-elle.
- Non. Je ne saurais pas. Je lui ai déjà pardonné. Je ne l'aime pas parce que j'ai besoin d'elle. J'ai besoin d'elle parce que je l'aime. Tout simplement.

Incompréhension, déni.
Douleur, culpabilité.
Colère.
Marchandage.
Dépression et douleur.
Reconstruction.
Acceptation.
Compréhension.
Pardon.

Voici les vraies étapes du deuil révolu. Nous sommes en paix.
Merci, Ange Gardien.
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Questionnaire de l'Atelier des auteurs

Pourquoi écrivez-vous ?

C'est un véritable défouloir pour moi. Je peux écrire sur tous les sujets qui me font du bien, sur toutes les façons qui me permettent d'évacuer la moindre émotion qui est en moi. C'est libérateur, puissant et véritable. Il n'y a rien de mieux que l'écriture pour pouvoir partager ses pensées.
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