Bergamote
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de toujours
Des mots dits. À maudire. La vie tremble. Chancelle. Ne pas oublier les souvenirs, les serrer contre soi : ciel bleu et soleil levant. Il aimerait sa mémoire vierge des souillures éructées, éclaboussures meurtrières. Hagard, il est sans voix. L’autre, juché sur sa puissance, dit : « tais-toi ». De derrière le mur, une voix rugit : « disparais ». L'autre ne sait pas. L’autre fait mine de ne pas savoir. Ne sait pas toujours. Ne veut pas voir. Pas le temps de comprendre. L’histoire ? Quelle histoire ? menace-t-il. Les mots pour panser l’impensable lui manquent. Muet, il marche. Pour combien de temps ? Quelques heures ? Un mois ? Sûrement un peu plus. « Oublie tout et fais avec, dit l’autre, il en sera toujours ainsi. J’ai gagné et tu as perdu. Tout perdu. » Les mots de la haine font des trous. Des vides inconsolables. Condescendant, l’autre dit : « de toi, je ne veux rien savoir. Ta maison est mienne, ton verger aussi. Tu n’es rien et je suis tout. Tes cris sont inaudibles. Pars. Maintenant. Pars pour cet autre pays qui n’est pas le tien. Que m’importe ton destin, il sera funeste, ici ou ailleurs ». Longtemps, il a espéré. Longtemps, il a cru aux promesses. Certains lui avaient dit :
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Défi
Libre ? De quoi ? De qui ? De lui. D’elle. De tous les autres. Mensonge. Ils sont tous là. Tout le temps. Me suivent. Me parlent. Un déluge de confidences, de reproches, de rires et de larmes… Je vois leurs grimaces, j’entends leurs messes basses. Dans mes rêves ou cauchemars, aucun ne manque à l’appel. Seule ? Libre ? Tous là. Dans chaque bouchée de pain. Dans les traits de mon visage, dans mes cicatrices, dans mes berceuses… Sans eux ? Jamais. Seule parmi eux ? Constamment. Leur brouhaha sature ma solitude. Mais qui suis-je sans eux ? Suis-je libre, moi qui suis captive d’une fiction qui colle à ma peau ? J’ai pourtant tordu le cou à tous les désirs qui m'enchaînaient. Mais le savent-ils ? Libre, un tout petit peu. Enfin, libre de presque tout. Mais quand le silence éloigne les ombres bavardes, moi, je m’envole vers cet ailleurs de liberté et de solitude : mon imagination, ce panorama grandiose de poésie et d’insolite, de sages aux oreilles éléphantesques et de sorcières aux sourires espiègles.
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Je succombai à un sommeil profond qui fut le lit d’une série de rêves peuplés de personnages tout droit échappés de ma nouvelle en cours d’écriture. Parmi eux, Léo Shaheen. Assis à même le sol, il écrivait. Les personnages ne me quittaient pas des yeux. Ils étaient tous là. Sauf L. Shadow. Je me réveillai. Les doléances de Samarcande et de Zanzibar me parvinrent de la cuisine, m’arrachant ainsi des torpeurs des derniers soubresauts du songe étrange. Les premières lueurs du jour scandaient les vagues nonchalantes. Contempler les crêtes argentées était une pratique à laquelle je m’abandonnais dès que la confusion troublait mon esprit. Comment comprendre ce rêve étrange ? L. Shaheen aurait-il éclipsé L. Shadow ? En traversant le jardin pour me rendre à un rendez-vous, l’idée de déambuler dans les ruelles étroites du bourg Stella apaisa instantanément mes doutes. Entamer le chapitre 15 m’enchanta. Le retard pris ces derniers jours n’était pas dans mes habitudes. Il était temps de tout réécrire, réinventer et imaginer une autre destinée à mes personnages. L. Shadow m’ennuyait. Pauvre mythomane. Se prendre pour ce qu’on n’est pas est vulgaire. Décidément quelconque. Je lui avais confié l
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