Des mots dits.
À maudire.
La vie tremble.
Chancelle.
Ne pas oublier les souvenirs, les serrer contre soi : ciel bleu et soleil levant. Il aimerait sa mémoire vierge des souillures éructées, éclaboussures meurtrières. Hagard, il est sans voix. L’autre, juché sur sa puissance, dit : « tais-toi ». De derrière le mur, une voix rugit : « disparais ».
L'autre ne sait pas.
L’autre fait mine de ne pas savoir. Ne sait pas toujours. Ne veut pas voir. Pas le temps de comprendre. L’histoire ? Quelle histoire ? menace-t-il.
Les mots pour panser l’impensable lui manquent. Muet, il marche. Pour combien de temps ? Quelques heures ? Un mois ? Sûrement un peu plus.
« Oublie tout et fais avec, dit l’autre, il en sera toujours ainsi. J’ai gagné et tu as perdu. Tout perdu. »
Les mots de la haine font des trous. Des vides inconsolables. Condescendant, l’autre dit : « de toi, je ne veux rien savoir. Ta maison est mienne, ton verger aussi. Tu n’es rien et je suis tout. Tes cris sont inaudibles. Pars. Maintenant. Pars pour cet autre pays qui n’est pas le tien. Que m’importe ton destin, il sera funeste, ici ou ailleurs ».
Longtemps, il a espéré.
Longtemps, il a cru aux promesses.
Certains lui avaient dit : « un jour, peut-être bien des jours, peut-être bien des années, mais un jour… qui sait ? Oui. Un jour… »
Il est là-bas.
Il arpente la minuscule terre. Du nord au sud. Il attend, sous un ciel qui gronde. Il attend, sa mémoire pour unique bagage.