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Max.T
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Gabriella Mora est une jeune adolescente sans histoires apparentes. Jusqu'au jour où elle est disparait.
Mikael Mitchell, détective privé et consultant pour la police de Havenfall, traque les responsables de la mort de son ami, le Capitaine Frichter.
Son enquête va directement le propulser dans les noirceurs de notre société.
Acceptera-t'il la sombre réalité qui régit notre monde?
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Défi
Je crois que je me souviendrai toute ma vie de ce jour. C'était un samedi de Mai. Il faisait beau, et pas trop chaud. Juste ce qu'il faut pour que les femmes dévoilent un peu plus leurs jambes, et déboutonnent leurs décolletés.
Il était presque 15h, je devais retrouver mes amis dans un bar, boire un coup, manger une glace avant d'aller à la fête forraine. J'avais 15 ans.
C'est en arrivant devant la vitrine que je l'ai vue. Elle était là, juste de l'autre côté de la vitre, comme suspendue dans l'air. Immobile.
Son corps était parfait. Et ses courbes ! Jamais je n'avais ressenti cela. Une véritable beauté comme on en rencontre peu.
Pendant quelques instants, je me surpris à penser qu'elle me faisait de l'oeil. C'était totalement impossible, comment espérer l'approcher. Ma tête me disait bien que c'était impossible. Jamais je ne pourrais effleurer, prendre dans mes bras ou même caresser une telle beauté.
Je restais là, immobile, la bouche ouverte et les yeux écarquillés.
Et pourtant... Pourtant mon coeur me disait de foncer, que si je n'essayais pas, je ne saurais jamais. Que tout s'apprend, même cela. Qu'il n'est jamais ni trop tôt, ni trop tard. Il faut saisir sa chance dès que l'on en a envie. Dès que l'occasion se présente.
Mais mon cerveau, ma tête ne pouvait s'arrêter de penser. Et si je saute le pas et que ça ne colle pas entre nous ? Si je suis nul ? Est ce que la déception ne sera pas douloureuse ? Est ce que le risque de cette douleur vaut le coup de tenter sa chance ? Si je mets dans la balance d'un côté la joie d'une réussite, et de l'autre la douleur d'un échec, de quel côté penche cette balance ?
Si j'ai réussi à faire un choix, c'est grâce à mes amis, qui sont arrivés.
Je n 'ai pas eu besoin de leur parler, ils n'ont eu qu'à suivre mon regard.
" - Ouah, elle est magnifique!"
" - Je sais" répondis-je.
" - Tu ne rentres pas?"
" - Et qu'est-ce que je pourrais bien dire?"
" - Qu'elle te plait, et que tu voudrais faire un essai, un bout de chemin avec elle et voir si ça colle vous deux! Qu'est ce que tu risques? Que ça ne marche pas? Et alors, tu en trouveras une autre, tu sais, on est jeune, on a encore la vie devant nous."
Ils avaient raison. Je devais entrer, et je le fis.
Je suis entré, lentement, je me suis approché d'elle. Elle était encore plus belle. Je pouvais admirer tous les détails de son corps. Lorsque je posa une main sur elle, lorsque mes doigts glissèrent le long des ses courbes, mon corps vibra, electrisé par ce désir naissant. C'était elle, et aucune autre. Je le savais. Plus rien ne nous séparerait. Elle serait mienne et je serais sien pour l'éternité. J'apprendrai tout ce qu'il faut savoir pour la garder, j'apprendrai chaque jour, encore et encore, je deviendrai meilleur pour l'avoir à mes côtés.
Cela fait maintenant 10 ans qu'elle partage ma vie, et je me souviens encore parfaitement de ce jour, ce premier jour.
Ce jour où j'ai acheté ma première guitare.
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Défi
Mon amour, ma chère et tendre, voilà maintenant un mois que je suis parti, combattre l'ennemi de la France, et même si je sais que j'accompli là mon devoir, je ne peux m'empêcher de penser que je t'ai abandonné, que je vous ai abandonné, toi et notre petit Claude.
Ici, on nous dit que la guerre ne durera pas bien longtemps, jespère donc être rentré pour ton anniversaire, loin de toute cette horreur. Beaucoup de mes camarades sont tombés, et chaque jour, de nouveaux tombent.
Je sais à quelle point tu es courageuse, j'imagine le combat qui est le tien, entre ton travail à l'usine, et t'occuper de Claude. Et je sais que tu prendras soin de notre fils s'il m'arrivait malheur.
Parce qu'il faut bien que tu comprennes que peut-être je ne reviendrai pas. Peut-être que je ne reviendrai jamais dans cette petite maison qui est la nôtre. Peut-être qu'en ce jour de pluie où je suis parti protéger notre pays, je t'ai embrassé pour la dernière fois. Peut-être était-ce la dernière fois que serrais notre fils dans mes bras.
Ce n'est sûrement pas ce que tu souhaite lire, mais il faut que tu saches que mon amour pour toi jamais ne s'effacera, et que si je meurs demain, je t'attendrai dans l'autre monde.
Je suis fier de servir mon pays, et bien sûr, j'ai peur. Mais chaque jour, je trouve le courage de me battre. Parce que lorsque nous gagnerons, notre victoire apportera la paix. Je me bats chaque jour dans l'espoir d'un monde meilleur pour notre fils. Je me bats aujourd'hui et chaque jour pour que Claude n'est pas à se battre demain. Ne fais pas de moi un héros, dis simplement à notre fils que je suis un homme de devoir, et que j'accompli le mien, qu'importe le prix à payer, parce que c'est ce qui fait un homme. Accomplir son devoir malgré les obstacles et les risques. Je suis prêt à offrir ma vie pour mon pays, mais surtout, et avant tout, pour que Claude connaisse le bonheur et la paix.
Notre chef nous répète sans cesse qu'une victoire mettrai à genoux nos ennemis. Il nous dit qu'une victoire apporterait une paix durable entre nos pays. C'est avec cet espoir que j'affronte l'horreur et la mort.
Et quelle plus belle preuve de mon amour pour toi, pour vous, que d'offrir ma vie afin de protéger les vôtres. C'est par amour que je me bats. Pour la victoire. Pour ma survie. Pour l'amour, et pour l'espoir. L'espoir de voir un monde meilleur, l'espoir de revoir tes yeux, l'espoir de te revoir, et de revoir notre cher Claude.
Demain, comme hier et comme aujourd'hui, je t'écrirai, pour que tu saches que je suis en vie. Que je me bats. Et que je t'aime.
Emile.
Mars 1915
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Ils étaient trois dans le métro aujourd'hui. Trois personnes dont les destins s'étaient croisés aujourd'hui, ici, dans le métro. Bernard, Camelia et Gauthier. Chacun avançant dans sa vie, dans sa journée vers ce moment précis, où tout allait se jouer. La vie est parfois tristement surprenante.
"Bernard"
"Bip bip bip"
Il est 4h30, et Bernard se lève, pour la dernière fois de toute sa carrière. Aujourd'hui, c'est son dernier jour. Quarante-cinq ans de carrière à la RATP, dont vingt-cinq ans de chauffeur de métro.
Pfff, chauffeur ! Avec les avancées technologiques, le chauffeur a de moins en moins de travail, et déjà quelques métros de par le monde n'utilisent plus de conducteur.
Comme tous les matins, Bernard retire son pyjama et rentre dans sa douche. Il fait couler l'eau, froide, puis tiède et enfin, bien chaude. Il en profite et pisse. Son urine se dilue dans l'eau jusqu'à disparaitre. Mireille, sa femme, truve ça dégoutant, pour lui, c'est l'économie d'une chasse d'eau.
Une fois lavé, Bernard se rase, et enfile rapidement ses vêtements. Puis il descend prendre son café. Comme tous les soirs, sa femme a pensé à décongeler des tranches de pain complet.
"C'est le meilleur pour le transit, à notre âge c'est important" lui répétait sa femme.
Un peu de beurre et de confiture, et il mort à pleine dent dans sa tartine, tout en préparant la suivante. Il prenait tous les jours un petit déjeuner copieux, sans cela impossible de tenir jusque midi et sa pause repas. Bon il avait un petit pause de quinze minutes à dix heures, mais cela lui laissait juste le temps de remonter à la surface pour fumer une cigarette.
Après son petit-déjeuner, Bernard sort de chez lui, et monte dans sa voiture. Contrairement à beaucoup de Parisiens, il n'a pas d'autre choix que de prendre sa voiture puisque le premier métro de la journée, ce sera justement lui qui sera derrière les commandes.
Au volant de sa twingo, Bernard part au travail.
" Camelia"
Camelia est une jeune influenceuse de vingt-deux ans. Instagram, Twitter, Facebook, Tik Tok, aucun réseau social ne lui échappe. Elle est partout. Avec ses trente milles followers, elle a put rejoindre la capitale et s'y installer. Ici la vie est comme elle, rapide, sans cesse en mouvements, et toujours excessives.
Aujourd'hui, elle est attendu sur un shooting pour une marque de maquillage, et une marque de vêtement. D'une pierre, deux coups, même si elle préférerait une pierre de cou. Un rendez-vous extrêmement important, un véritable tournant dans sa carrière. Le début d'une possible carrière de mannequinat.
Camelia n'a pas dormi de la nuit, obsédée par cette séance, partagée entre l'excitation et le stress. Enfin jusqu'à ce qu'elle tombe dépuisement et s'endorme deux heures avant que sonne son réveil.
En retard, elle enfile les premières fringues qu'elle trouve. De toute façon, elle sera coiffée, maquillée, et habillée par des professionnels une fois sur place.
Elle attrape sa bouteille de cure minceur, ses repas à la semaine entièrement livrés en poudre, un gain de temps inimaginable pour elle qui va pouvoir déjeuner dans le métro.
Elle attrape son portable, fait un selfie avec filtre bien sûr, et rajoutes: #Shooting #Health #Tropcontente, et bien d'autres encore. Elle prend ses clé, et sort de chez elle, direction la station de métro.
"Gauthier"
Gauthier a trente-deux ans. Cela fait maintenant cinq ans que sa femme l'a quitté. Depuis, tout s'est dégradé. Déprimé, il n'a pas réussi à garder son emploi. Sans revenu, et croulant sous les factures, il n'a pas réussi à garder son appartement. Lui qui était si fier, si arrogant, n'a jamais osé demandé de l'aide à ses parents. De toute façon, il ne leurs parle plus depuis que Julie est partie. Ils ont toujours préféré sa femme à lui.
" - Tu vois, elle a les même diplomes que toi, mais elle ne travail pas chez Starbucks elle."
" - C'est vrai tu pourrais trouver mieux fiston"
Bref, des reproches constants, encore et toujours.
Sans emploi, et maintenant sans logement, il a alors élu domicile une station de métro. Et même si des connards ont créé des bancs sur lesquels il est impossible de s'allonger, Gauthier trouve toujours une solution. Il n'est pas venu sans rien, il a des couvertures, un sac de couchage et même un oreiller.
Aujourd'hui, comme tous les jours, Gathier est réveillé par l'activation de l'éclairage du métro. Les murs blancs reflètent la lumière des néons, la rendant encore plus aggrassives pour ses yeux encore fermés il y a quelques secondes.
Gauthier se redresse sur son banc, le dos brisé, les muscles endoloris. Une nouvelle journée de manche qui commence, il connait son discours par coeur. "Bonjour mesdames et messieurs, désolé de vous importuner.... etc, etc..."
Mais aujourd'hui n'est pas comme tous les jours. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire du départ de Julie. Aujourd'hui, cela fait cinq ans jours pour jours qu'elle est partie. Alors Gauthier se dit qu'il doit aller de l'avant, faire quelque chose. Changer. Et après pourquoi pas essayer de la retrouver.
"Bernard"
Il est cinq heures cinquante lorsque Bernard quitte sa station de départ au commande de sa rame. Pile à l'heure. Aujourd'hui, il fera une petite dizaine d'aller retour, sa ligne ne compte que quinze stations. Ensuite, le temps sera venu de raccrocher définitivement les clés.
Avec les années vient l'expérience, et avec elle, Bernard s'était forgé une habilité, une dextérité, et une analyse hors du commun. Il piloté machinalement la rame pendant que ses yeux scrutés la voie éclairée au fur et à mesure des kilomètres avalés.
Un premier virage à droite. Puis un second, et pour finir une courte ligne droite. Bernard arrive à la première station. A cette heure-ci, elle est vide, comme tous les jours. Il s'arrête, ouvre les portes, patiente quelques secondes puis les referme et repart.
La journée s'annonce magnifique. La dernière journée. Ensuite, bonjour les grasses mat, les après midi farniente dans son jardin. Avec Mireille, ils avaient toujours voulu partir passer leurs retraites en Ardèche.
Plus que quelques heures.
"Camelia"
Partie en retard de chez elle, la jeune fille court. Elle traverse la rue, encore peu remplie, et rejoint la station la plus proche. Elle descend les escaliers, et reprend sa course à travers le dédale des couloirs. Elle ralentit, son passe navigo bipe lorsqu’elle passe les portes automatiques qui permettent d’accéder aux rames.
Elle se remet à courir, jusqu’à atteindre le quai.
Essoufflée, elle regarde l’afficheur digital. Cinq minutes avant l’arrivée de sa rame.
Elle est seule sur le quai. Camélia sort les AirPods qu’elle s’est offerte hier, et lance la musique.
Rien de mieux que Beyonce pour motiver une femme un jour aussi important. Finalement, elle sera à l’heure. La séance sera géniale, les photos seront merveilleuses, et sa carrière sera totalement lancée.
La journée s’annonce magnifique.
"Gauthier"
Il a vu la jeune fille arriver en courant sur le quai. Mais elle ne l’a pas vu.
Là où certains repéreraient les courbes sensuelles de la jeune femmes, ses formes généreuses et son décolleté plus qu’outrageux, Gauthier ne voit que ses chaussures, son iPhone, ses AirPods, bref, tous les indices qui peuvent lui permettre d’espérer une pièce ou un billet. Il décide de tenter sa chance.
"Gauthier et Camelia"
« Scusez moi mam’zelle » La jeune fille ne réagit pas.
Entendant la musique fuirait par ses écouteurs, Gauthier agite la main. La jeune fille sursaute.
« Désolé de vous avoir fait peur, vous n’auriez pas une tite pièce ou un pti billet? »
Sans même prendre la peine de regarder le SDF, Camélia lui répond qu’elle n’a rien sur elle.
« Je n’ai pas mangé depuis deux jours soyez généreuse, faites un petit geste »
En disant c’est mot, Gauthier s’avance vers la jeune fille qui affiche une grimace.
L’odeur d’urine et d’alcool empli les narines de Camélia, qui interprétant les propos à sa sauce, répond.
« Ecoute, je te propose un marché. Je te donne un billet de dix euros, mais en échange, on fait une photo ensemble, afin que mes followers voient à quel point je suis justement généreuse, ok? »
Incrédule, Gauthier acquiesce. Pour lui dix euros, c’est trois jours de repas.
La journée s’annonce magnifique.
La jeune fille sort son téléphone, se rapproche du SDF afin de faire tenir leurs deux têtes sur l’écran. D’une main elle tend le billet, affichant au passage la valeur, et de l’autre, elle prend le selfie.
« Merci, merci beaucoup. Vous savez, c’est un jour particulier, ça fait cinq ans que ma femme m’a quitté. Et j’aimerai la retrouver, mais avant, j’aimerai m’en sortir, lui prouver que je suis quelqu’un de bien, qu’elle soit fier de moi. »
Camelia a déjà remis ses écouteurs, et est entrain de retoucher la photo. Il faut qu’elle soit parfaite pour pouvoir être publiée.
Euphorique devant ce geste au final plus égoïste que généreux, Gauthier devient bavard.
« Julie, elle s’appelle Julie. J’ai hâte de la revoir. Mais pas tout de suite, pas comme ça. Il faut que je prenne un douche, que je me coupe les cheveux et me rase, je dois être présentable. »
Camelia, devant se flot incessant de parole, se sent agressée, et attaque le SDF.
« Non mais c’est bon, tu l’as eu ton billet, fous la paix maintenant. Qu’est ce que j’en ai a foutre de ta Julie, tu t’es vu? C’est normal qu’elle soit partie. Qui pourrait avoir envie d’être avec toi, t’es un putain de clodo, tu resteras toujours un putain de clodo, qui pue la pisse et la vinasse. Fous moi la paix et va t’acheter ta villageoise. »
"Les Trois"
Bernard amorce le dernier virage avant la grande ligne droite. Ensuite, il pourra commencer la séquence de freinage afin d’arrêter l’avant de la rame pile à l’emplacement prévu.
Comme à son habitude, il jette un coup d’oeil sur le quai. Seuls deux personnes, un homme et une femme, se tiennent là, attendant ce métro.
Gauthier reçoit toute la violence de la jeune fille en pleine face. Comment peut-elle être si charmante, et en même temps si méchante, si agressive. Pourtant, elle a raison. Il vient de le comprendre, là, à l’instant. Elle a raison. Il avait été trop orgueilleux pour demander de l’aide. Trop arrogant pour retourner chez ses parents. Et c’était maintenant trop tard. Elle avait raison. Il ne serait jamais rien d’autre qu’un clochard qui pue la pisse et la vinasse comme elle l’a dit. Parce qu’elle a raison.
Gauthier comprend, il sait ce qu’il doit faire.
« Vous savez, Julie ne m’a pas quitté parce que j’étais un pauvre type, je suis un pauvre type parce que Julie m’a quitté, c’est la différence. Et si Julie m’a quitté, c’est uniquement parce qu’elle n’a pas réussi à vaincre son foutu cancer.
Camélia n’écoute pas ce que racontes le SDF, penchée sur son smartphone, elle valide la publication de la photo sur ses réseaux.
Bernard fixe le quai. Vingts mètres avant l’arrêt, quinze mètres. Dix mètres.
Gauthier, voyant la rame avancée, prononce une dernière phrase.
« A tout de suite Julie »
Une larme roule sur sa joue, et dans un élan, il saute.
Bernard n’a pas le temps de réagir, le corps du jeune s’engouffre sous la rame, broyé, déchiqueté.
Camélia lâche son téléphone, un cri strident s’échappe de sa bouche. Son visage, sa robe, ses chaussures sont couverts de sang.
Bernard, face à ce spectacle bien trop habituel pour conducteur de la RATP n’arrive à retenir son coeur qui s’emballe. Seul dans sa cabine, incapable de reprendre son souffle, la main accrochée à sa poitrine, Bernard meurt d’une crise cardiaque.
Cette journée devait être magnifique.
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Défi
Enregistrement audio retrouver dans le téléphone de Jonah D.
« - J’étais un petit garçon comme les autres, les joues roses, les cheveux fins légèrement ondulés, j’étais plein de vie. Depuis ma naissance, ma santé était parfaite, ma croissance respectait les normes, bref, j’étais un petit garçon comme les autres. Ou presque… J’étais insatiable !
- Je ne saurais dire depuis quand Tommy est avec moi, d’aussi loin dont je me souvienne, il a toujours fait partie de ma vie. Il était présent avec moi en classe, à la cantine, et même parfois, il dormait dans ma chambre. Mais uniquement les week-ends ou pendant les vacances ; interdiction formelle d’avoir des amis qui viennent dormir à la maison les veilles d’école. C’était une règle de la maison. Mais à part Tommy, je n’avais pas d’amis à inviter.
- Tommy était super avec moi, il ne me jugeait jamais, au contraire, il m’encourageait dans tout ce que j’entreprenais. Et comme je l’ai dit, j’étais insatiable, je mangeais tout le temps. Petit déjeuner, gouter de 10h, déjeuner, gouter de 16h30 en sortant de l’école, et diner. Tout ça, bien souvent compléter par des friandises, bonbons et sucreries en tout genre. Quand je mangeais un petit gâteau, Tommy était là, m’en proposant toujours un deuxième à l’aide d’une phrase toute faite du genre « On ne reste jamais sur un nombre impair » ou bien, « un deuxième pour la route » et on riait.
- Malgré tout cela, je n’étais pas gros, pas rond non plus. J’étais « dans la courbe » comme disait le médecin. Il n’y avait donc aucune inquiétude de la part de mes parents. Je faisais du sport, du badminton et j’étais plutôt doué. J’avais même remporté un tournoi régional. Ma photo était apparue dans le journal, et j’avais eu le droit aux félicitations de ma grand-mère, et un petit billet en récompense.
- Ma grand-mère me donner toujours une petite pièce quand j’allais la voir. Et quand j’étais vraiment sage, ou que j’avais fait une bonne action, la pièce se transformait en billet.
- Dans ces moments-là, je partageais toujours avec Tommy. Nous allions à la boulangerie, et choisissions méticuleusement chaque bonbon. Et la boulangère nous en rajoutait parfois un ou deux. Elle était gentille la boulangère. J'avais toujours une bonne excuse pour manger, grignoter, essayer d'étouffer cette sensation de faim qui prenait parfois le contrôle complet de mon corps.
- Tout cela à continuer pendant des années, jusqu’à mon adolescence. A ce moment-là, Tommy ne venait plus aussi souvent me voir. Parfois, il se passait plusieurs semaines avant nos retrouvailles. Mais quand nous étions ensemble, nous étions les rois du monde. Nous mangions tout ce que nous trouvions. Tommy avait trouvé un petit boulot pendant les vacances qui lui rapportait assez pour se faire plaisir de temps en temps. Son salaire, couplé à mon argent de poche, nous permettait de faire des petits restaurants, des fast-foods, nimporte quoi pourvu que l'on ressorte le ventre plein.
- Et puis nous sommes devenus adultes, et avons pris une colocation ensemble. Je ne savais pas vraiment ce que faisait Tommy dans la vie, et je dois dire que sa contribution aux charges de notre appartement était le plus souvent nulle. Mais j’avais de toute façon besoin de cet appart, quitte à payer le loyer, autant avoir en plus mon meilleur ami avec moi.
- Nous avions pris l’habitude de commander notre nourriture par téléphone. Et quand le livreur sonnait, nous nous précipitions sur la porte, et dévorions tout ne laissait aucune miettes. Les plats étaient à peine posés sur la table que nous engloutissions tout, comme des toxicos s’injecteraient leurs doses. Nous vivions pour manger, c’était devenu bien plus qu’un plaisir. Indien, chinois, Thaï, Americain, nous les aimions tous.
- Cela faisait maintenant quelques années que je ne pratiquais plus aucun sport, et que Tommy et moi avions quitté nos emplois respectifs pour vivre des réseaux sociaux. Nous avions ouvert une chaîne YouTube entièrement consacrée à la nourriture, en grande, voire très grande quantité. Aux Etats-Unis, ils appelaient cela Epic Meal Time. Des bacs de cuisine professionnel remplis de hamburger, recouvert de viande haché, de sauce aux fromages, de frites, et à nouveau de burger et ainsi de suite jusqu’à ce que le plat déborde. C’était gargantuesque. Et pendant quelques années, ces vidéos nous ont permis de vivre pleinement de notre passion, si seulement les gens connaissaient notre secret, notre chaîne aurait soit explosé, soit fermées en deux minutes.
- Et soudain, du jour en lendemain, tout s’est arrêté. La chaîne ne nous rapportait plus rien, nos comptes en banque se vidaient petit à petit et nous devions composer avec cela. Il n’est vraiment pas facile d’avoir faim quand on a pris l’habitude d’ingérer des quantités astronomiques de nourritures à chaque repas. Bien sûr, nous avons eu des disputes, des désaccords. Je reprochais à Tommy d’avoir baissé les bras et d’avoir abandonné le projet. Il mettait en danger notre équilibre. Il répondait qu’il sentait son corps sur le point de lâcher, et il n’avait pas tort.
- Si pendant toutes ces années, mon corps n’avait pas changé (je n’avais toujours pas de ventre, mon physique était encore presque parfait, et ma santé également), celui de Tommy accusé le coup. Il devait avoir dépassé les 100kg peu de temps après l’ouverture de notre chaine, et les 130kg lors de sa fermeture, 3 ans plus tard. Bien que certains de nos followers nous considéraient comme des stars, nous n’étions finalement rien de plus que des étoiles filantes.
- Tommy et moi avons tenu un an et demi avec nos économies. J’avais beau chercher du travail, je n’essuyais que des refus. Compliqué d’expliquer un tel trou dans mon CV, et impossible de parler de la chaîne YouTube sans s’attirer des rires remplis de sarcasme et de dédain. La situation me tapait sur les nerfs d’autant que je sentais bien que Tommy ne faisait plus d’effort. Il avait tout abandonné, tout lâché.
- C'est un dimanche matin, en octobre que son cœur a lâché, victime d’une attaque cardiaque. Tommy avait 28 ans. Il était tout pour moi, et je ne pouvais pas vivre sans lui, je ne pourrais pas vivre sans lui.
- Je ne pouvais le laisser partir comme ça. Lui, mon camarade d’orgies, de repas névrosés, mon ami, celui qui était tout pour moi. Je ne pouvais le laisser partir comme ça. Alors j’ai fait ce que j’avais à faire. Le cœur rempli de chagrin, et les yeux remplis de larmes, j’ai sorti mon bac, découpé ma viande, rempli mon bac et enfourné pendant 3h. Puis j’ai rouvert notre chaîne YouTube, filmer mon dernier repas et je l’ai publié. »
L’inspecteur Parker mis l’enregistrement sur pause. Il repensa une nouvelle fois la scène de crime. Un homme, taille moyenne, physique de sportif, était suspendu par une corde à une poutre de la mezzanine de l’appartement, la table basse renversée à ses pieds. Sur l’ilot central de la cuisine, gisait les restes d’un corps qui devait être obèse. Plusieurs parties du corps avait été découpée : muscles, cœurs, foie, reins ; le tout placé dans un plat qui semblait avoir été cuit pendant plusieurs heures. La tête du dénommé Tommy trônait sur un fauteuil tourné vers le pendu. Parker appuya sur « play ».
« - Ce dernier repas, nous l’avons fait ensemble Tommy, tous les deux ! Désormais, tu feras toujours parti de moi, comme tous les autres ! »
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