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Florent Billard

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œuvres
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Œuvres

Florent Billard
Quelques poèmes...
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Défi
Florent Billard

   PROPOS LIMINAIRE : je reconnais volontiers avoir, rien qu'avec le titre, légèrement détourné le sujet. Mais après tout, on est bien libre de prendre le sujet par n'importe quel bout, n'est-ce pas?
   Comme sur un ordinateur on a les yeux qui se croisent, il doit bien rester des fautes.

   Maintenant voici :


   Il y avait un pays de cocagne, établi sur une île proche de la Jamaïque. Un léger tumulte politique doublé de quelques réflexions peu amènes de son roi, eussent, si savamment mise en scène, donné les airs de fins du monde dont sont friands les journalistes.
   Stella s’y transporta donc, certaine d’offrir aux chaînes d’informations continues plusieurs soirées exceptionnelles, de celles qui à force de durer, outre qu’elles donnent des migraines aux télévisions, donnent des escarres aux présentateurs. Elle posa donc pied sur le ponton avec la terrible volonté de faire trembler le monde.
   En cette île, on allait langoureusement des plages aux maisons, humides d’eau de mer, à demi nus et prêts de s’offrir aux facéties qu’inventent les esprits inventifs. La jeunesse tenait à la fantaisie de ses habitants plutôt qu’à leurs apparences extérieures. Jouir ! Mot que leur langue n’avait pas inventé en vain !
   Stella s’assit sur une plage ourlée de palmiers. De ses tréfonds montaient les notes adorables qu’émettent les oiseaux exotiques ; de sa canopée, ces oiseaux s’échappaient en virevoltant. La jeune journaliste s’étonna bientôt de voir qu’on fumait librement, qu’on se déshabillait sans protocole, qu’on se charmait, s’asservissait à force d’amour. Pas une féministe pour se scandaliser de ce que l’amour est un sortilège qui met à genoux, pas un médecin pour secourir les poumons des fumeurs, pas un sauveteur pour mettre en garde contre les vagues. Pas un moralisateur en vue!
   Stella interrogea une baigneuse : « Cet homme que je vois partir vous a-t-il été désagréable ? Je l’ai vu se faire insistant et s’agenouiller.
   —Il me suppliait de l’aimer.
   —Allez-vous porter plainte ?
   —Oh non ! » Et toute encore pâmée d’extase : « Quoique je viens de l’éconduire, il m’a gratifié de doux compliments et j’en garde le miel pour moi. D’où irais-je me plaindre parce qu’on m’aime ! »
Remuée par cette étrange confession, Stella s’en alla sur le marché. Parmi les badauds, un homme à la peau d’obsidienne se promenait.
   « Monsieur ! Eh ho ! Monsieur !
   —La charmante enfant !
   —Vous qui êtes racisé, dîtes-moi comment on se porte ici depuis les évènements dont la presse nous a instruit. Vous savez, aux Etats-Unis… ?
   —Que dîtes-vous de moi ? Parce que je suis plus noir que vous, je suis aussi plus malheureux ? Le degré de malheur se forge-t-il avec le taux de mélanine ? Bien sûr que je reçus quelques méchantes insultes, mais sur autre chose que ma peau ! Figurez-vous aussi que l’un de mes amis, qui a la blondeur des plages, fut insulté sur la clarté de sa physionomie. Voyez-vous, la haine vient de toutes parts et contre tous.
   —Oui, vous devez bien être un peu haineux. Je vous reconnais : vous venez de harceler l’une des baigneuses.
   —Et vous êtes innocentes de ce genre de péché ?
   —Bien sûr, ce sont les hommes qui harcèlent !
   —Et ce sont les blancs qui rejettent les noirs. Gardez-vous bien de juger, de victimiser ou culpabiliser sur le sexe ou la peau, parce qu’à ce compte chacun est coupable sur sa propre personne. »
   Stella fut remuée par ce discours. Mais, presque toujours aussi pleine de défendre le bien en adhérant aux doctrines forgées par les journalistes, elle se fit introduire chez le roi de l’île, méchant dictateur puisque personne ne l’avait élu. Son dernier discours remuait encore les princes de l’occident, les journalistes et les gourous. À ce sujet, Stella, assise sur de beaux coussins rouges autour d’un fastueux banquet, le questionna.
   « Vous critiquiez la démocratie ?
   —Ah ? La démocratie n’aurait pas la force de se laisser critiquer ?
   —Vous êtes un dictateur !
   —Oui. Le chef dicte. Que les dieux ou les hommes lui octroie sont pouvoir, en fin de compte il dicte.
   —Vous ne respectez pas les droit de l’Homme ! Cela fait grand bruit par chez-nous !
   —Je reconnais d’abord que mes congénères sont des Hommes. C’est beaucoup plus que chez vous où l’on offre des droits farfelus à des robots faits pour consommer. Quand vous abolissez l’idée d’homme, de femme, d’amour, de passion, vous ouvrez grand la porte à ce que vous ne cesser de critiquer : le capitalisme. Vous pouvez bien y mettre des droits !
   —Et que faites-vous de l’écologie ?
   —Je reconnais que mes sujets se composent d’hommes, de femmes, de grands, de petits ! Que la nature les a dotés très différemment. Voyez si je ne suis pas plus prêts que vous de la nature, avec vos protocoles, vos doctrines victimaires, votre idée que l’égalité de droit abolie les inégalités naturelles. Jouissez, Madame ! Jouissez ! La jeunesse tient à la fantaisie de l’esprit. Ne vous laissez pas flétrir par les bigots ! »
   En une journée seulement, Stella avait abordé maints sujets et leur traitement la décontenançait. Elle y reviendrait au cours de son périple. Du moins comprenait-elle qu’il n’y a pas de vérité universelle et qu'on bien dire ce qu’on veut sans paraître irrespectueux. Cela ferait un belle conclusion à la première émission qu’elle ferait et qu'on intitulerait : "La fraîcheur de l'esprit".

   CHAPITRE III : suite des aventures et des réflexions de Stella.
 
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Florent Billard

   NOTE : voici une nouvelle qui vaut ce qu'elle vaut. Parfois il manque l'accent sur les "a" majuscules, parce que mon traitement de texte est chiant. Bonne lecture.



I
   Si le travail ne prenait pas à ce point sur notre temps, nous irions par le monde ; du moins quelques mots peuvent-ils suppléer à cette envie. Pour ma part, après avoir lu trop de livres, je m’endors et rêve. Je me promène en un séjour merveilleux, écrin de mille beautés.
   A mon réveil, il me semble pouvoir tout conter, tout compter de ce que je vis, et vous transporter par les mots, en une forêt enchanteresse ; pins et chênes millénaires, de leurs feuillages et épines forment une épaisse canopée. Dans le sous bois, touché par des faisceaux de lumière, sur un tapis de fleurs et de mousses, une étrange communauté s’égaie ; on rit, on chante, on murmure sur les accents cristallins d’une eau voisine.
   Les gracieuses nymphes vivaient une de ses journées paresseuses mais sans ennuie. Que d’amusements en cette forêt ! que de motifs à se dissiper joyeusement ! Certes depuis longtemps on n’avait point vu passer de visiteurs ; mais le nombre de nymphes ayant beaucoup crû avec les ans, inutile de s'en aller chasser un homme.
   La douce Diane, toute d’or et d’albâtre, ne partageait pas la joie de ses comparses. Elle avait atteint cet âge où, n’écoutant que son esprit, rejetant les idées qu’on veut y incruster de force, on songe à soi même pour mieux en connaître les tréfonds.
   « Tu es bien soucieuse, remarqua une nymphe.
   —Quand notre reine joue de la lyre, je suis toujours portée à la mélancolie. »
   Cette mélancolie lui venait d’un lointain passé, comme un écho qui ne voulait pas finir. Contrairement à ses sœurs, Diane ne savait de quel ventre elle était née. Elle se souvenait en revanche d’un grand frère aux menottes toujours prêtes à la chatouiller. Ni père ni mère, juste lui.
   « Je voudrais avoir des nouvelles de mon frère... »
   A ses mots, les notes de musique cessèrent brutalement. La reine leva son visage courroucé vers l’importune.
   « Folle ! rabroua-t-elle. Un mâle en ces lieux ?
   —Pas un mâle, mais un parent !
   —Un mâle te dis-je ! Une engeance querelleuse, guerroyant toujours pour un grain de sable !
   —On sait bien ma reine que les femmes aussi se disputent », contredit Diane.
   La reine se radoucit ; dans son ton, elle-même avait usé de la violence réprouvée. Soudain attendrie par la douce tristesse de la nymphe, elle lui livra ce secret :
   « Ton frère te cherche de par la Grèce. On le vit, dit-on, à Sparte puis à Athènes. Connaissant son caractère, je le sais sur toutes les routes ; il plongerait au fond du lac Stymphale, escaladerait l’Erymanthe ou l’Olympe ; il surmonterait les travaux d’Hercules, triompherait du Minotaure, vaincrait Hadès ou Poséidon. Dut-il affronter Zeus, les dieux primordiaux et tout le cosmos, que son ardeur à te trouver ne faiblirait pas !
   —Comment pouvez-vous savoir cela ?
   —Je suis devineresse. »
   Sur le visage des deux femmes, une immense admiration pour l'inconnu se discerna. Une prière fut dite pour Aphrodite et un chant déployé dans le sous-bois. Une nymphe reprit la lyre pour y façonner une délicieuse mélodie.

   « A l’avenir radieux, à la félicité !
   Au séjour merveilleux, écrin de cent beautés !
   Forêt, eaux, fleurs et cieux, nul ne peut les compter;
   Sauf à avoir mille yeux, et cent voix pour conter.

   Tant de sérénité ! Que de continuité,
   Pour la sérénité, ou rien n’est vacuité ;
   Tant de sérénité, à laquelle goûter
   Cette sérénité est notre éternité. »

   En priant, un flot de larmes inondant ses joues, la douce Diane ne demandait qu’à Aphrodite le preste retour de son grand frère. Elle pressa le coquillage pendu à son cou, modeste présent qu’il lui fit jadis. La reine s’en aperçut ; épouvantée, elle exigea qu'on jetât le bijou dans le proche lac. Une nymphe y pourvut ; tandis qu’elle s’éloignait, Diane s’abandonna aux larmes ; elle était tout à fait seul à présent.

II

   Quand chacune fut rendue à ses occupations, Diane traversa plusieurs rideaux de végétations, écarta des pans de lierre, prit garde d’éviter les grappes de fleurs, pour trouver au plus secret de la forêt, un lac d’eau pur. Tout au fond, le coquillage nacré scintillait ; la nymphe se détermina ; déparée de tout apprêt, elle plongea dans l’eau fraîche. C’est alors qu’elle aperçut un homme ! Le voyageur se promenait sur la berge. Il posa ses sacs à terre, ses armes, et sa tunique. Quand il eut jeté ses sandales, il plongea à son tour. Diane nagea vers lui.
   « Monsieur, éloignez-vous ! Vous ne savez pas quel danger vous guette !
   —Dîtes-moi ce qu’il est. Est-ce parce que je suis nu ? Sans arme, sans vêtement, je ne saurais comment me défendre... Ou bien, est-ce toi qui me menace de ta beauté ? Comme je suis nu justement…
   —Oh mes dieux, calmez-vous ! Vous êtes si empressé ! »
   Ils paraissaient aux yeux l’un de l’autre dans un voile de fumée d’eau. Dans ce sfumato, leurs beautés respectives étaient plus idéales, plus des modèles sculptés ; Diane ressemblait à Aphrodite, le sein galbé, la peau blanche, le sourire pensif et timide face au voyageur tout prêt de la chasser.
   « Descends-tu de l’Olympe ? interrogea l’homme ; ou est-ce l’Élysée qui abrita tes jeunes jours ? Sur une barque dorée tu franchis le Styx pour finir ici…
   —Parce que le paradis était ici, où tu me rejoints !
   Ils s’embrassèrent puis pressèrent leurs bouches ; plus rouges que la grenade, plus délicieuses que les pommes d’or des Hespérides, plus délicates que toutes les fleurs de tous les printemps du monde. On ne peut s’aimer comme le firent ces deux-là ; les dieux, mêmes ceux consacrés à l’amour, ne purent, depuis leur séjour, contempler les amants sans rougir ; les oiseaux colorés cessèrent leurs chants fruités, la végétation se fût détournée si assez mobile. Seul le vent ne changea rien ; il rida l’onde du lac pour la transformer en écailles iridescentes sous le souverain soleil.
   Repus du corps l’un de l’autre, mais pas encore de leurs âmes respectives, ils s’allongèrent sur la berge pour se murmurer de doux mots, échanger leurs souffles et leurs soupirs.
   Au séjour merveilleux ! tout de mille beautés.
   Qui saurait les compter ? Qui saurait les conter ?
   Tant de sérénité, à laquelle goûter !
   « Tout est félicité, conclut le voyageur.
   —Mais il faut nous quitter... Si on te surprenait… »
   Un instant plus tard, l’homme reprenait la route ; Diane replongeait dans le lac pour y récupérer son coquillage. Craignant le courroux de sa souveraine, elle se rhabilla à la hâte. Séchée par le vent tiède du midi, la nymphe retourna près des grands arbres, sous les branches desquels ses sœurs sommeillaient. La sieste finirait par un nouveau tour de chant et un festin de fruits.
   Diane s’allongea à l’ombre d’un cèdre. Ses rêves la portaient toujours vers l’inconnu ; une moitié de son être s’extasiait, l’autre pleurait toujours son parent perdu. Bientôt, ses prières et ses désirs, à la fois rêvés et formés en conscience, eurent un chant pour accompagnement.


   « A l’avenir heureux, à la félicité !
   Au séjour merveilleux, écrin de cent beauté.
   Tant de sérénité, la vie est vérité,
   Que de sérénité, à personne conter. »

   Vérité ! Mais où était donc le frère de Diane ? Envolé ! comme son amant, seule lueur dans cette forêt perdue. N’y tenant plus, la nymphe se redressa ; elle devait prier Aphrodite en sa demeure. Ses amies lui déconseillèrent le voyage en pleine journée. On n’écoute point : il faut prier !

III

   Au zénith, Diane sortit de la forêt ; elle s’engagea par la pinède sous une chaleur ardente. Harassée par son périple, elle atteignit son but : le sommet d’une falaise. Un temple dorique se dressait là, son parvis surplombant la méditerranée. Diane formait un projet : prier Aphrodite de lui ramener et son frère et son amant. N’étant pas prêtresse, elle attendit que la reine sortît de la cella pour lui demander, en son nom, de déposer pour offrande un bouquet de fleurs au pied de la statue chryséléphantine.
   L’offrande suprême, pour son cœur, fut le retour inattendu du voyageur. Sa silhouette émergeant du lointain se précisa peu à peu. Il réapparaissait ! si près du territoire des nymphes, tout en sachant ce qu’il encourait.
   « Les dieux, commença-t-il sans préambule, crurent bon de ma ramener à toi ; leurs mains me guident, leurs souffles me projettent contre toi, leurs paroles exigeaient que je te cherchasse en tous lieux, même le plus inaccessible. A peine quelques heures s’écoulent-elles que, déjà, le destin me lie à toi par un sort plus puissant que l’amour. Quitte tes sœurs, repousse la reine et viens ! »
   Diane hocha la tête et ajouta :
   « Que de beautés dans tes yeux ; je ne puis les décompter. J’irai à dix mille lieues, à tous les conter.
   —C’est ce que j’avais escompter : parcourir la terre pour... »
   Un cri de surprise interrompit l’homme ; les amants se tournèrent vers le temple d’où venait d’émerger la reine, stupéfaite, interdite. Le chagrin voilait ses yeux, la honte rougissait ses joues. Elle semblait prête de fuir, mais c’est aux pieds de l’homme que ses jambes la portèrent d’un bond.
   « Toi ! » s’exclama-t-elle.
   Sans rien comprendre du trouble de la rein, Diane la releva doucement.
   « Majesté…
   —Si tu comprends, pardonne à un cœur égaré qui, pour se soumettre aux lois rigoureuses des nymphes, t’abandonna. Ce cœur regrette ! Il regrette en contemplant ce coquillage et cet homme ; le poids de ma faute me tombe sur le crâne !
   —Ma mère ! s’exclama Diane. C’est toi ! Quelle rigueur à mon égard ! Pourquoi m’avoir caché cela ?
   —Pour ne pas me souvenir que j’étais mère et ce faisant que j’avais dû abandonné mon fils ! Je dois me retirer pour expier ! Je contemple l’énormité de mes fautes, la grosseur de nos lois, et ma propre abjection sur ton visage épouvanté ! »
   La belle voix de la reine se transformait en cris désespérés, étouffés par mille sanglots. Tout-à-coup, elle arracha le collier de Diane et s’exclama : « ce maudit collier ! »
   Devenue folle, elle s’enfuit par delà le temple ; on ne la vit jamais plus.
   Diane tremblait. Sonnée ! étourdie ! par l’immense aveu. Quant au voyageur, son visage n’était plus qu’effroi ; il observait les galbes de l’enchanteresse, le visage, la bouche. Il avait reconnu le coquillage ramassé par ses petites mains d’enfants. Ayant retrouvé sa sœur, il tomba en pleurant à ses genoux.
   Diane s’évanouit, terrassée par un amour coupable et abject. Constatons cependant, qu’Aphrodite a accédé aux deux vœux de la nymphe.

FIN
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