Briséis
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œuvres
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défis réussis
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"J'aime" reçus
Œuvres
Estéban et Clémence sont amants. C'est un fait, une certitude, le seul point immuable de leur existence. Ils ne forment pas un couple, seulement, ils sont un cocktail explosif qui résulte d'une attirance trop longtemps refoulée, refusée. Ils s'aiment, c'est indéniable. Mais comment jouer contre le quotidien de Clémence, l'épouse d'Estéban, et l'univers qui semble vouloir les séparer ? Pire, comment aller à l'encontre de leur fierté, de leur égo, de cet orgueil qui les empêche de se l'avouer ? Ce sont deux amants qui se retrouveront toujours, systématiquement, pour oublier qu'ils ont mal à la vie.
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Défi
« ... C'est arrivé à un ami à moi, mais tu n'y croirais pas, je te jure.
- Non, vraiment ?
- Oui oui. Tu sais, il était du genre désabusé, l'amour, tout ça, à dix-sept ans, quand on ne l'a jamais connu ... »
J'ai esquissé un léger sourire. Le hasard, parfois, fait bien les choses.
« C'était il y a huit ou neuf ans, je crois, un truc comme ça. C'était un peu bête, tu vois ... Enfin, parfois, les gens font des trucs un peu con, des trucs un peu dingue ... Enfin bref, c'est comme ça que c'est arrivé, tu sais, par hasard. C'est pas le genre de truc auquel on s'attend, hein, c'est sûr, mais enfin, c'est pour que tu comprennes comment ... Enfin, bon, bref, ça a commencé par des SMS ... »
Je ne voulais pas trop en dire quand même. On ne sait jamais.
Donc, les fameux échanges ...
********************************
< Salut, c'est toujours bon pour demain ? >
J'arque un sourcil. Je n'ai pas de projet pour demain, le samedi, en général, je le passe dans ma chambre. L'inconnu insiste en envoyer un second point d'interrogation. J'hausse une épaule.
J'ai répondu, question de courtoisie. Et de curiosité.
< Qui est-ce ? >
< Ben c'est Camille ?? Comment ça, c'est pas le téléphone de Lucie ?? >
< Du coup, je pense que je vais répondre non. Dommage pour ton rencard :/ >
< J'ai dû me tromper, c'est juste une amie ^^ ... Sinon, ça va ? >
< Ben moi oui, personne ne m'a donné de faux numéro. Et toi ? >
< Tant pis, c'est pas très grave. Tu fais quoi ? >
Je n'ai pas eu le temps de répondre avant d'entendre ma mère crier :
« Antooooooine, à table !! »
< A priori, je vais manger. On parle après ? >
Etonnement, l'interlocuteur a accepté.
< Ok >
Je suis parti manger. Je me suis fait enguirlander, comme d'habitude, mais l'idée de discuter avec cette Camille a rendu mon dîner, disons, plus attrayant. J'ai débarrassé mon assiette et je suis remonté dans ma chambre dare-dare. Je me suis jeté sur mon lit et j'ai repris mon téléphone.
< Re >
< Re. Bien mangé ? >
< Super, sauisses-purée. Et toi ? >
< Pas encore, mais je suis végé, donc ce sera sûrement purée-tout-court >
Une végétarienne. Pourquoi pas ?
< Tu fais quoi dans la vie ? >
< Je suis au lycée, et toi ? T'as quel âge ? >
< 17 ans, je suis au lycée aussi, cool. >
Nous avons discuté longtemps. Je n'ai pas vu le temps passé parce qu'étrangement, nous avions beaucoup de choses à nous dire. Vers deux heures du matin, au moment où les idées un peu saugrenues vous parcourent l'esprit, où elles ne paraissent pas encore mauvaises, mais où on se doute de l'issue possiblement foireuse qu'elles peuvent entraîner, mais où elles paraissent vraiment bonnes quand même, j'ai demandé :
< Tu veux sortir avec moi ? >
Et l'inconnue qui se cachait derrière l'écran de mon portable a envoyé :
< D'accord >
Nous nous sommes donnés rendez-vous le lendemain, dans un café. Je me suis endormi excité par cette perspective. Dans la tête, j'avais les trois visages des trois seules Camille que je connaissais. La première était gentille, châtain, les yeux noisette, avec de très longs cils de biche. Elle avait été dans ma classe en CM1. La seconde était à l'opposé, blonde aux yeux bleus, aux traits un tantinet masculins, un vrai garçon manqué. Sauvage, j'avais eu le béguin pour elle, au collège. La dernière image me venait de cette fille un peu mystérieuse du fond de ma classe de seconde, qui n'avait été au lycée que quelques mois. Les cheveux châtain, mais des yeux verts, souvent plissés - tant que j'avais l'habitude de penser qu'elle faisait la gueule constamment.
Je me suis fabriqué une nouvelle image à partir de ces trois filles, si jolies à leur manière. Ma chimère avait les yeux verts d'eau, les cheveux blonds et ondulés, et un sourire mutin sur le visage. Franchement, elle était canon.
Je me suis réveillé de bonne heure, à la surprise de la totalité de ma cellule familiale. Ma mère, mon père, mon frère, qui prenaient leur petit-déjeûner devant le journal télévisé du matin, m'ont regardé avec un air absolument ahuri. J'ai pris un bol de céréal avec eux. Personne n'a rien dit. Personne n'aurait pu se doter que j'avais rencard, mais visiblement, tout le monde savait qu'un truc se tramait. Je n'ai rien dit.
Pour sortir l'esprit tranquille, j'ai fait mes devoirs, mes corvées, et j'ai préparé le repas. Rien d'inhabituel jusque là, j'adore faire la cuisine. Je me suis éclipsé vers quinze heure en précisant de façon assez laconique « Je sors. ». J'ai pris le bus pour arriver en ville et comme il était encore tôt, je me suis promené autour du lieu de rendez-vous.
J'avais proposé à Camille de se retrouver à Dunny's, un café restaurant américain à la mode des années soixante. Il était près d'une petit place assez sympa, historique, ce qui offrait un joli contraste. Je suis resté un moment à bouquiner près de la fontaine en attendant l'heure fatidique où allait arriver mon rencard.
Deux minutes avant seize heures, je me suis positionné devant la porte, pour qu'elle me reconnaisse. J'ai attendu dix, puis quinze minutes. Des gens étaient entrés sans trop se soucier de moi, d'autres attendaient dehors leurs amis ou fumaient leurs clopes. J'ai été pris d'impatience.
< Je suis là, tu fais quoi ? >
< Ben je suis là aussi >
J'ai fait un petit tour sur moi même en relevant brièvement les yeux. Je tombe nez à nez avec un grand blond. Je me prends la mixité de son prénom en pleine poire.
C'est le bug. Je crois qu'il est aussi surpris que moi. Bien sûr, aucun de nous ne pensais s'adresser à un garçon. Il est blond, il a les yeux verts ... Il est tout ce que j'imaginais, mais au masculin. C'est dément.
Je lui souris. Passée l'expression de surprise sur son visage, il me sourit aussi. D'un accord tacite, nous entrons et choisissons une table où nous asseoir.
« Bonjour, du coup. Je suis ravi de te rencontrer Camille. Je m'appelle Antoine. »
Je lui tends la main, il la serre avec force. Il rit.
« Je suis content de te voir aussi. »
Par message, j'ai voulu gardé l'anonymat, je trouvais ça plus drôle. Effectivement, on se bidonne. Quand le serveur arrive, nous sommes encore un peu gênés. Forcément, nous nous attendions à un rendez-vous galant ...
« Un mikshake vanille s'il vous plait.
- Un deuxième pour moi. »
Après avoir commandé, il éprouve le besoin de me préciser son orientation sexuelle. Plusieurs fois. Oui, petit malin, vue ta tête, j'ai bien compris que tu n'es pas gay. Moi non plus, d'ailleurs, a priori. Cela dit, il est plutôt mignon.
Nous discutons beaucoup, cet après-midi là. Nous rions. Nous nous entendons bien. Je croyais avoir étudié toutes les possibilités, mais visiblement, j'avais tort. Ce pari stupide avec l'univers m'avait donné une bonne leçon, en quelque sorte. Je crois.
A ce moment-là, je n'avais pas prévu de tomber amoureux de Camille. Je n'aurais jamais imaginé cette scène, étrange, sublime, dans le couloir du lycée, où, pour faire sa terminale, il m'avait rejoint. Nous étions seuls. Nous nous disputions parce que j'étais devenu un peu jaloux. Un peu, seulement, et c'est lui qui me l'a concédé. Le partager devenait dur. Nous étions amis, inséparables.
Ce jour-là, il y avait quelque chose. J'étais animé par un sentiment que je ne connaissais pas, que je ne maîtrisais pas. Nous en sommes venus aux mains. Il m'a attrapé par le col, plaqué contre un casier. Le bruit a résonné dans le couloir. Mais nous étions seuls. Je crois que c'est pour ça que j'ai tenté ma chance. J'ai essayé. J'étais en colère, mais j'ai glissé ma main derrière sa nuque et j'ai collé ma bouche sur la sienne.
Il m'a embrassé plus que je ne l'ai fait. C'était irréaliste. Ses lèvres avaient un goût sucré. Celui du milkshale à la vanille. Nous nous sommes embrassés, nous nous sommes bagarrés. Au bout de quelques minutes, je suis parti en courant. J'avais la trouille.
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« Ce n'est pas arrivé à un ami, n'est-ce pas ?
- Non, pas vraiment. Charlie est mon compagnon depuis sept ans, maintenant. Le premier homme que j'ai aimé, peut-être le dernier. Il vient de faire sa demande en mariage.
- Etienne, si j'avais su ...
- Tu aurais fait confiance au hasard plus tôt. »
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Défi
T'aimer.
T'aimer ça n'a pas vraiment de mot.
T'aimer c'était tellement de choses à la fois. C'était savoir que tu étais proche avant même de te voir, mon coeur qui accélérait brusquement. C'était chérir chacune des secondes que je passais près de toi. C'était chercher ta présence, toujours, tout le temps, penser à toi quand tu n'étais pas là, à chaque instant. T'aimer c'était aussi avoir peur que tu me rejettes, avoir peur que tu t'en ailles, en avoir mal au ventre. C'était respirer. Je respirais quand tu étais là. Le reste du temps, c'était comme une apnée. C'était grisant.
T'aimer c'était aussi accepter tout ce que tu me faisais subir. Le secret, d'abord. Supporter de ne pas le montrer, devoir cacher mes sentiments, accepter d'être une inconnue à tes yeux lorsque le monde était là. C'était un sacrifice accepté, amorti, largement compensé par la vie que tu me faisais mener. J'aimais nos cachettes. J'aimais nos moments. Je ne vivais que pour eux.
T'aimer c'était si beau. C'était absolu. Il n'y avait pas de sens à cette histoire. Je ne t'aimais pas malgré moi, non. Je suis tombée amoureuse de toi par hasard, et le vertige que ça m'a donné, je ne pourrais pas le décrire. J'ai décidé de t'aimer quand même, de t'aimer malgré tout, parce que je n'avais jamais rien eu au fond de la poitrine semblable à un sentiment pareil. Ca n'avait pas d'égal, pas de justification. Tu ne m'aimais pas en retour. En tout cas, c'est ce que tu disais. Comment se fait-il, alors, que je ne me sois jamais sentie autant aimée que lorsque tu me prenais dans tes bras, à me serrer, comme si jamais tu n'allais me laisser m'échaper ?
T'aimer, mon dieu. T'aimer c'était tout ce que j'avais dans les tripes. Malgré ta femme. Enfin, ta petite amie. Malgré cette fille qui habitait à des milliers de kilomètres et qui revenait, parfois, pour me priver de toi. C'était insensé. Pourquoi m'entêter, alors que tu étais pris ? Parce que j'avais la certitude, au fond, que ton coeur m'appartenait. Cette sensation, tu me l'as offerte. Tu l'as ancrée dans mon âme chaque fois que tu m'embrassais. Non, je ne mens pas. C'est toi qui m'embrassais. Tu te penchais, me prenais par les hanches. J'étais si timide ! Et tu étais si doux. Tes mains sur mon corps de toute jeune fille. Tes lèvres sur les miennes, sur ma peau. Je me sentais fragile. Je me sentais forte. Tu pouvais bien me quitter, finalement. Je t'aimais. C'était plus fort que tout. Tout n'était que contradiction. T'aimer.
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Listes
Avec Un sourire, Inconnu, mais déjà vu, Le dernier Roi du Vent, Là où vont les statues brisées, Catharsys, From the Apple of My Eye, La rue qui nous sépare [Terminé], La Mémoire d'une Dame, Ceux qui n'existent pas, De chair et de sang, Le Cirque des Chimères...