Maggy Lune
12
œuvres
4
défis réussis
12
"J'aime" reçus
Œuvres
Défi
"Sunday is gloomy. My hours are slumberless"*... La voix éraillée de Billie Holiday emplit ma tête d'images sombres et macabres. 2h48 du matin, c'est dimanche effectivement. Mes jambes dépassent du lit, il n'est pas fait pour moi. Les étoiles et les planètes au plafond brillent pour rien dans l'atmosphère froide et lugubre maintenant. Je ne veux pas que le jour se lève, que la lumière soit. Je veux rester ici avec les derniers fragments de ton existence.
Je ne vois pas ce qui m'empêcherait de m'évader avec toi sur Neptune, glisser sur les anneaux de Saturne... Oui je sais, tu préfères ceux d'Uranus mais ils ne sont pas aussi connus. On aurait pu aller à cette exposition d'astronomie si tu n'avais pas eu ton traitement.
Tu n'as pas dormi dans ton lit depuis 3 semaines, tellement de dodos que tu ne pouvais pas les compter avec tes doigts. Pourquoi des piqûres ? Pourquoi des pilules ? Tu as même dit à Mamie que tu en prenais plus qu'elle. Ça l'a fait rire, un peu.
Tu n'as pas tes planètes à l'hôpital. J'ai envie de les décrocher, de les jeter, de les embrasser... Mais ce serait détruire ce qui me reste de toi.
Tu avais très bien compris. Tu étais si lucide, qu'est-ce que la souffrance sinon l'incompréhension et l'entêtement ? Ton corps meurt et il n'y a rien à faire. Tu le savais.
Tu m'as regardé et j'ai compris. Tu avais tout le monde, même ton dragon apprivoisé que j'ai apporté sous le regard courroucé de l'infirmière, était là. Comme si ça allait t'empêcher de respirer... Papy a fait bouger sa moustache comme tu aimes, tu as ris et Mamie t'as fait tes biscuits préférés. Et moi... Et moi, je t'ai regardée et tu m'as écrit sur ton ardoise que tu voulais aller sur Uranus maintenant. J'y serai avec toi bientôt mon cœur.
Tes yeux bleus m'ont souri, Papy et Mamie ont pleuré et moi... Et moi... je t'ai débranchée.
*"Dimanche est sombre. Mes heures sont sans sommeil..."
2
1
0
1
Moi, j'aime observer les gens. Je n'ai que ça à faire, remarquez.
J'aime surtout la regarder, elle. Elle est belle, tout en noir, la peau très pâle. Elle a un carré court bouffant et blond qu'elle coiffe à chaque fois qu'elle parcourt la ville à la recherche d'un emploi. Ça se voit. Avec sa pochette, ses enveloppes. Une fois, je l'ai même vue sortir une boîte de trombones de son sac. Qui se balade avec une boîte de trombones se ce n'est pour attacher son C.V. et sa lettre de motivation ? Ou sa lettre de motivation et son C.V. selon le cas. Si le C.V. est en adéquation avec le poste, en général, on le met en premier; à la vue de l'éventuel employeur. Sinon on insiste sur ses motivations, ce qui marche rarement d'ailleurs...
Elle ne se laisse pas abattre, elle continue avec sa pochette de feuilles. Je la vois s'asseoir pas loin de mon banc. Elle médite. Des fois, elle sourit mais le plus souvent elle pleure. Elle n'a pas été rappelée. Alors elle repart, elle continue, elle avance. Tête baissée, abattue maintenant, maussade, mais elle avance.
Le mois dernier, elle n'était pas aussi bien coiffée que d'habitude. Son pantalon était déchiré et elle avait pris un manteau plus léger mais plus long pour essayer de le cacher. Mais il fait froid maintenant et elle grelottait.
Elle ne cherche plus à se cacher quand elle pleure. Les gens la regardent mais ne disent rien. Je pense qu'il ne faudrait pas, elle leur répondrait férocement. Elle sait qu'elle inspire la pitié mais elle l'a rejette. Elle reste fière même si elle devrait s'adoucir et accepter l'aide des autres.
Enfin, je ne sais pas moi, on ne m'aide plus depuis longtemps. Avec mes hardes, on ne me regarde plus qu'avec dégoût.
Aujourd'hui, elle est venue s'asseoir à côté de moi. Sur mon banc. Elle n'est pas repartie.
5
7
0
1
Est-ce que l'auteur est différent du narrateur ?
Il n'y a pas plus différent en ce sens car celui qui dit "je" n'est pas l'auteur. C'est soit un des personnages de l'histoire, soit un inconnu plus ou moins omniscient qui raconte quelque chose.
L'auteur peut dire "Aujourd'hui, M. X va mourir au chapitre 30" et le faire. Même s'il l'écrit textuellement dans le livre, c'est le narrateur qui le dit, ce n'est plus lui. L'auteur est tout puissant mais quand il écrit, il transfère son autorité au narrateur. C'est lui le maître, et il est d'autant plus fort qui n'existe pas. En dehors du livre, le narrateur n'est rien cependant, on rend toute la gloire à l'auteur; mais dans le livre, la création dépasse son créateur, l'auteur.
Et l'autobiographie ? C'est encore plus flagrant paradoxalement. L'auteur et le narrateur son forcément dissociés. Certes l'auteur raconte sa vie mais :
Il n'est plus celui qu'il met en scène. Rousseau et ses souvenirs d'enfance. Il se raconte tel qu'il se souvient avoir été, et encore, il n'est pas à l'abri de la mauvaise foi, volontaire ou pas d'ailleurs. Comment se souvient-il de la situation ? Il la voit à travers le prisme de sa subjectivité. Même en essayant de retrouver l'instant précis, il sera toujours voilé par son vécu. Même en essayant d'être objectif, c'est voué à l'échec parce qu'il a forcément ressenti quelque chose à ce moment et cette émotion a marqué au fer rouge le souvenir qui en a résulté. La description est toujours rétroactive : ce que l'on vit est par définition indicible puisque la parole ou l'écriture supposent un acte conscient et donc de prendre du recul, donc de perdre la spontanéité de l'événement. Ainsi, l'auteur qui parle de lui-même enfant, parle d'une autre personne. L'auteur est livré au narrateur.
Alphonse Boudard qui raconte le petit Alphonse, se raconte, mais avec son oeil plus vieux au moment de l'écriture. Il y a tout ce qu'il a vécu qui est comme autant d'obstacles qui l'empêchent d'accéder à lui-même.
Si c'est l'enfant Boudard qui raconte quelque chose, c'est d'autant plus un narrateur que l'auteur Alphonse Boudard lui-même.
C'est encore plus frustrant car sitôt vécu le moment, c'est fini, on ne pourra plus le vivre en tant que tel; il est passé du côté des souvenirs, il n'est déjà plus le même...
1
3
1
2
Questionnaire de l'Atelier des auteurs
Pourquoi écrivez-vous ?
Pour me dire qu'un autre monde est possible, il suffit de le créer...