LagomorpheFilipendule
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Défi
Certains jours, je suis sereine. Et parfois, le nuage revient. C'est ma psy qui m'a conseillé ça, de donner un nom aux choses qui me posent problème. Le nuage, c'est ce flot de pensées malvenues. Des choses qu'il ne faut pas faire, qu'on ne doit pas dire. Des envies inavouables. L'autre côté du masque que je mets au quotidien: dans la vie, je suis une personne normale, enjouée et dynamique, un bon petit soldat d'une entreprise florissante. Je fais ce qu'on me demande, je ne fais jamais d'esclandre, je suis fiable, productive, autonome. L'incarnation parfaite de l'employée modèle. Ce nuage, c'est une nuée, une sorte de plaie d'Egypte version moderne, un amas de criquets dévastateurs qui attendent que le vent les pousse dans le bon sens pour fondre sur la récolte. C'est une oppression permanente qui brouille mes sens, qui m'empêche de voir loin: je n'ai aucune perspective que cette nuée, cette menace persistante qui réduit mon horizon aux quelques heures suivantes. Demain, peut-être, le vent apportera la nuée, et je me transformerai en ciel rageur pour ravager le terreau fertile de mon existence. Demain peut-être, je céderai aux tentations mauvaises qui s'agitent au fond de mon crâne
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Défi
Elle avait hésité, bien sûr. Au bout de deux ans et demi de silence, c'était difficile de raccrocher les wagons, comme si de rien n'était. C'était bien son genre, évidemment, de refaire surface comme ça! Elle essaya de se rémémorer leur dernière véritable interaction, en faisant abstraction de l'état ridicule dans lequel elle s'était mise quand il avait déserté, des messages probablement pitoyables qu'elle lui avait envoyé sans aucune réponse -- peut-être d'ailleurs valait-il ne pas trop s'attarder sur ce souvenir, et encore moins sur la sombre affaire de la bibliothèque. Un élan d'agacement la saisit. Et puis quoi, maintenant qu'elle avait redressé le cap, il faudrait qu'elle accoure? Non, c'était trop facile! Il n'avait pas dû faire beaucoup d'effort pour la trouver, ou en tout cas il aurait pu les faire avant. Et puis de toute façon, si la lettre était là depuis six mois, quelques jours de plus n'y changerait rien. En vérité, il fallait bien admettre qu'elle était terrorisée. C'est fou comme on peut bousculer quelqu'un avec une simple feuille de papier. Elle avait pensé que le coup de la bibliothèque était rude et avait vécu la rencontre physique inopinée à peu près comme le pas
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Défi
Des glaciers, du silence et du sel. Sur l'horizon, des icebergs suspendus dans des mirages. Au dessus du camp, une petite éminence pour surveiller les alentours. Tout le monde dort, j'ai pris le troisième tour de garde. Il est quatre heures du matin, peut-être. Je suis comme seule au monde, sur ma colline, veillant sur le sommeil de mes douze compagnons. Nous avons abandonné nos montres et nous sommes dépouillés des encombrements de la civilisation: le temps ici échappe à notre contrôle -- le soleil ne se couche jamais, il n'y a pas d'heure, pas de rythme autre que celui des marées et des changements du vent. Les choses se font quand elles sont prêtes, ou bien pas du tout. Nous sommes hors du temps humain. L'océan est calme, son miroir parfois brisé par le plongeon d'une sterne. Quelques blocs de glace sont venus s'échouer sur le sable noir, en contrebas. Un renard argenté curieux tourne autour du matériel. A quelques kilomètres, au fond du fjord, le glacier craque; parfois de grands seracs s'effondrent dans un grondement qui résonne comme un coup de tonnerre entre les montagnes. La houle atteint parfois notre plage. Quelques oiseaux de mer rasent les flots en ponctuant l'air de le
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Défi
C'était le dernier quartier de la lune, cette nuit. J'ai vu F. pour la dernière fois. Il y avait un créneau, là, comme ça, une petite surprise de printemps, entre deux averses. Un crépuscule approprié, en somme, avec des lumières d'or pour adoucir les angles, et des chants d'oiseaux pour donner des faux espoirs, faire croire que tout ira bien. F. avait le regard triste, un peu. Je crois qu'il ne va pas très bien. Il m'a attirée contre lui pour me parler du travail, de la fatigue, de l'ennui, en m'embrassant les cheveux comme s'il pouvait s'y cacher. Il a changé, F, en un an ou deux. Lui qui avait toujours été si flamboyant, sûr de lui et incisif, on dirait un feu qui couve à peine. Il a toujours sa belle voix chaude et grave, mais plus hésitante, plus basse encore. Il ne reste que quelques formalités à régler pour son départ là-bas au bord de l'océan. Il me raconte ce qu'il espère, là-bas, et j'entends surtout l'horloge et le temps qui passe trop vite. Je lui dis d'un air faussement léger que ça ne va pas être simple pour aller le voir, après. Il me répond très doucement : « Mais c'est toujours toi qui es partie la première. » Je ne sais pas quoi répondre à ça. Quelle est la part d
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Une jeune femme a perdu la mémoire et se lance dans une quête pour retracer sa vie.
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Vies ordinaires, voies parallèles
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